Très tardivement, le 7 mars, l’État dévoilait, la cartographie des zones propices au développement de l’éolien en mer à l’horizon 10 ans et horizon 2050 pour la façade NAMO (Nord Atlantique-Manche Ouest).
Cartographie des zones propices à l’éolien en mer : le passage en force
Alors que le débat organisé par la Commission nationale du débat public (La mer en débat) a débuté le 20 novembre 2023 et se terminera le 26 avril 2024, et alors que la façade NAMO pourrait « accueillir » 25 GW sur 45 GW soit plus de la moitié de l’éolien en mer prévu le long des côtes métropolitaines, cette publication tardive, bien après celle des autres zones, a été très mal reçue par les élus et tout ceux qui s’intéressent à ce débat, qui y ont vu les prémices d’un passage en force. En témoigne la réaction de Christelle Morançais, présidente de la région Pays de la Loire :
« L’État exacerbe inutilement les oppositions locales et envenime un débat public déjà très mal engagé… Pourtant depuis de longs mois, j’alerte le gouvernement sur la nécessité de bâtir un concertation approfondie avec les élus du littoral et les pêcheurs… En l’état, la cartographie soumise au débat public ne peut être reçue autrement que comme une provocation. » [1]
C’est vraiment la Bretagne défigurée, Belle-Île sacrifiée avec une extension de Bretagne-Sud (60 éoliennes de plus de 250 mètres de haut entre Groix, Quiberon et Belle-Île-en Mer, soit trois fois et demi la hauteur du point culminant de Belle-Île-en Mer et une fois et demi sa surface à 19 km des côtes de Belle-Île), avec le doublement du parc existant de Saint-Nazaire-Guérande, en pleine visibilité de Belle-Île, Houat et Hoedic, une nouvelle zone industrielle éolienne gigantesque potentielle de 2200 km2 au sud-ouest de Belle-Île et toute la Bretagne-Nord de Morlaix à Saint-Brieuc corsetée d’une grande barrière d’éoliennes à 30 km du littoral.
Pour la Vendée, c’est le doublement, voire le triplement du projet Yeu-Noirmoutier, une nouvelle zone à 10 à 15 km des côtes face à toute la baie des Sables d’Olonne ; l’île d’Yeu se retrouverait cernée de toute part, au nord comme au sud par deux gigantesques parcs éoliens, à seulement 10 à 15 km.
Ajoutons que les élus qui avaient succombé à l’attrait de la taxe éolienne, tel Fabien Gaborit, président de la communauté de communes de l’île de Noirmoutier, commencent à le regretter amèrement :
« Pour ces parcs éoliens, on nous avait promis monts et merveilles. On a découvert que pour Guérande Saint-Nazaire, le premier parc en fonctionnement, c’était moins de la moitié de ce qui avait été prévu qui allait financer les communes pour venir gommer l’impact visuel et économique, car une île avec éolienne et une île sans n’a pas la même attractivité. » [2]
Les élus vendéens ont vivement réagi comme Yannick Moreau, de l’association vendéenne des élus du littoral :
« Nous contribuons déjà à l’effort de production d’énergie renouvelable avec le parc des deux îles et ne voulons pas d’un nouveau parc éolien posé devant notre littoral. Que d’autres départements qui n’ont pas encore de parc en mer fasse le même effort. » [3]
Annick Billon, sénatrice de la Vendée a, quant à elle, déclaré :
« Je ne comprends pas que cette carte ait pu nous être soumise tant certains zonages frôlent l’indécence. ») [4].
Les élus bretons sont restés eux relativement muets, à l’exception notable de la maire de Batz déjà confrontée à la réalité éolienne :
« Quand nous avons reçu l’invitation pour la présentation, ce n’était pas très clair, mais je n’imaginais pas que nous puissions être concernés… On est très impactés visuellement, la nuit à Batz-sur-Mer, c’est Manhattan. En 2013, on nous avait dit que nous verrions des têtes d’épingle. » [5]
Ce manque de réactions est évidemment très inquiétant pour les Bretons et tous ceux qui aiment à fréquenter leur littoral.
Pêche et éolien en mer : la colère et l’inquiétude devant l’impossible conciliation
Les pêcheurs, eux, ont compris ce que signifiait ce tsunami éolien, c‘est-à-dire leur disparition programmée. Pour une fois d’accord, pêcheurs bretons et ligériens ont rappelé la réalité de leur activité. Il faut bien comprendre que 80% de la flotte régionale, ce sont des bateaux de moins de 12 mètres qui ne pêchent pas au-delà des 20 miles (32km), or le gouvernement n’en tient pas compte et souhaite implanter des éoliennes à une distance qui n’est pas acceptable…
L’agrandissement des parcs éoliens existants (Saint-Nazaire et Yeu-Noirmoutier) apparaît même comme une provocation,
« un déploiement irrationnel de l’éolien mettrait en péril l’une des filières les plus structurantes, avec le tourisme, des littoraux français ». [6]
Or cet agrandissement est une quasi-nécessité géographique et économique pour RTE (Réseau de Transport d’électricité) qui a besoin d’utiliser au mieux les atterrages existants. Les avertissements pourtant n’ont pas manqué : accepter des éoliennes, c’est en accepter beaucoup d’autres. Quant à la solution de parcs flottants plus éloignés des côtes, outre les défis techniques non résolus et le coût exorbitant, elles condamneraient à toute activité de pêche de vastes zones que fréquentent ceux qui pratiquent la pêche semi hauturière. Rappelons ce constat froid de la la Cour européenne des comptes dans son rapport de septembre 2023 sur les énergies marines [7] :
« Nulle part n’a été réussie la conciliation de la pêche et de l’éolien en mer.»
Et c’est la pêche artisanale la plus respectueuses de la ressource, qui est la plus menacée, et, en dehors des comités des pêches qu’ils jugent peu représentatifs, les pêcheurs artisans se regroupent dans différents collectifs ou nouveaux syndicats plus revendicatifs.
La colère monte, et les élus bretons auraient tort de l’ignorer.
[1] https://actu.fr/pays-de-la-loire/les-sables-d-olonne_85194/un-projet-de-deuxieme-parc-eolien-au-large-de-la-vendee-declenche-la-colere-des-elus_60788037.html
[2] https://rmc.bfmtv.com/actualites/sciences-nature/on-est-cernes-d-eoliennes-un-nouveau-projet-de-parc-eolien-en-mer-provoque-la-colere-d-elus-du-littoral-atlantique_AV-202403070352.html
[3] https://twitter.com/YannickMOREAU/status/1762805659009958058
[4] https://www.ouest-france.fr/economie/energie/energie-eolienne/eolien-en-mer-apres-la-presentation-de-la-carte-une-deferlante-de-reactions-negatives-en-vendee-5744de48-dc61-11ee-a79f-2312009be08f
[5] https://www.ouest-france.fr/economie/energie/energie-eolienne/carte-de-leolien-en-mer-des-elus-tres-en-colere-deplorent-la-methode-1f38103c-e126-11ee-94a7-1385a6efe21e
[7] https://www.eca.europa.eu/fr/publications/SR-2023-
