(Entretien initialement publié dans Bd Voltaire du 17 Août 2022)
Dimanche 14 août, le gouvernement a annoncé son intention de présenter, à la rentrée, un projet de loi portant sur « l’accélération des énergies renouvelables ». Un tel projet pourrait permettre aux entrepreneurs de l’éolien et du solaire de jouir d’une réglementation beaucoup plus souple sur la question du respect de la biodiversité ; mais aussi de bénéficier d’accès simplifiés pour la mise en place de centrales solaires ou éoliennes. La volonté du gouvernement semble faire suite aux pressions de l’Union européenne, qui blâme la France depuis plusieurs mois pour le retard qu’elle a pris dans l’installation d’infrastructures renouvelables.
Suite à cette annonce, nous donnons la parole à Fabien Bouglé, essayiste et expert en politiques énergétiques. Selon lui, ce projet de loi en faveur du renouvelable s’apparente à une « mesure écocide ».
Geoffroy Antoine : Le gouvernement légitime son projet d’accélération du renouvelable en évoquant « une crise de l’énergie » et un « intérêt public majeur ». Le renouvelable pourrait-il donc subvenir aux besoins énergétiques des Français pour les prochaines décennies ?
Fabien Bouglé : Cela relève du mensonge. Le renouvelable produit moins et mobilise 500 fois plus de surface terrestre que le nucléaire. On nous dit qu’on va remplacer le gaz russe avec du renouvelable ; mais combien faudrait-il d’éoliennes pour remplacer le gaz russe ? Un seul chiffre est à retenir. Dans le mix de consommation énergétique des Français, l’éolien représente 1,6 %. Si on le doublait, on arriverait peut-être à 3 % ; c’est insignifiant. Il est illusoire de croire que l’on va remplacer nos centrales nucléaires avec de l’éolien ou du solaire, c’est une « fake news » et c’est le reflet de la politique d’un gouvernement incompétent.
G. A. : Le gouvernement semble s’accommoder des injonctions de Bruxelles qui demande à la France, depuis plusieurs mois, d’investir plus dans les énergies renouvelables. L’Union européenne a-t-elle la mainmise sur la politique énergétique française ?
F. B. : Ces objectifs européens d’accélération du renouvelable sont dictés par l’Allemagne qui a infiltré la Commission européenne et notre ministère de l’Écologie. La Commission européenne a envisagé de sanctionner la France à hauteur de 500 millions d’euros parce qu’elle n’avait pas suffisamment développé ses énergies renouvelables. On a donc un chantage de la Commission européenne pour inciter la France à installer des infrastructures renouvelables ; infrastructures qui sont majoritairement développées en Allemagne et au Danemark. On est dans une situation de dingue qui va à l’encontre des intérêts de la France !
G. A. : Mesure phare de ce nouveau projet de loi : l’allègement des contraintes quant au respect de la biodiversité par les entrepreneurs de l’éolien. N’y a-t-il pas là une contradiction entre le caractère « écolo » des éoliennes et les atteintes qu’elle peuvent porter à la faune sauvage ?
F. B. : C’est un paradoxe fou. Entre les lignes, ce projet de loi dit que c’est un impératif majeur de porter atteinte aux espèces protégées ! Et cela se fait un an après que la Commission nationale de la protection de la nature a rendu un rapport alarmant sur les impacts des éoliennes marines sur la biodiversité et les espèces protégées. Les éoliennes classiques portent aussi atteinte aux oiseaux. Or, ce qui est très intéressant, c’est que la Ligue de protection des oiseaux, qui est censée tout faire pour protéger les oiseaux, fait des partenariats avec les syndicats de promoteurs de l’éolien et a engagé comme directeur général Matthieu Orphelin, l’un des plus ardents défenseurs de l’éolien lorsqu’il était député à l’Assemblée nationale.
G. A. : Le gouvernement annonce aussi vouloir mettre en place des mesures de « compensation » pour les Français qui habitent à proximité d’infrastructures renouvelables, comme des réductions de la facture d’électricité. S’agit-il d’une forme de corruption ?
F. B. : Oui, nous pourrions appeler ça de la corruption citoyenne, après la corruption des élus, qui avait d’ailleurs été soulignée en 2014 par le Service central de la prévention de la corruption. En guise de remerciement, ce service a été supprimé par François Hollande… Mais ce qui est intéressant, dans ce volet, c’est qu’enfin le gouvernement reconnaît que les éoliennes causent des nuisances aux citoyens ; c’est un point positif. Le point négatif, c’est que le gouvernement tente d’acheter les citoyens. On ne va pas se leurrer, les gens aspirent à vivre dans un cadre de vie apaisé sans voir la valeur de leurs biens baisser drastiquement quand des éoliennes sont installées à côté de chez eux…
Une réponse
Un point est rarement évoqué sur la question des éoliennes : leur démantèlement.
J’ai cru comprendre que l’on n’oblige pas les exploitants d’éoliennes à budgéter leur démantèlement comme dans les autres industries, y compris nucléaires, ou alors de façon largement sous-évaluée. Ce serait in fine au propriétaire de se dépatouiller pour démanteler. Il reperdrait donc tout ce qu’il aura gagné dans la location de son terrain. Si on comptait le budget du démantèlement, le coût du recyclage des composants récupérables et le coût de la gestion des déchets des éoliennes, on aurait des surprises sur le coût du kWh produit.
Quant aux éoliennes en mer, il y a fort à parier qu’elles seront purement et simplement abandonnées, au détriment des bateaux, des paysages…
Est-il question d’en discuter à l’assemblée le moment venu ?