(Par Concepcion Alvarez dans Novethic du 26/4/24)
“Le FMI brûle l’Argentine”.
Des militants ont protesté à Washington pour dénoncer le double-jeu du FMI autour de l’urgence climatique. Selon un rapport publié le 8 avril, l’institution pousserait l’Argentine à exploiter le projet Vaca muerta de gaz et pétrole de schiste afin de rembourser sa dette.
Les traditionnelles réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, organisées du 17 au 19 avril, se sont achevées sans annonce majeure. On peut toutefois retenir que 11 pays développés, parmi lesquels la France, les États-Unis, l’Italie, ou encore le Royaume-Uni ainsi que le Japon, se sont engagés à verser 11 milliards de dollars supplémentaires à la Banque mondiale pour faire face notamment à l’adaptation et la transition face au changement climatique.
Mais, alors que le climat commence à se faire une place au sein des organisations financières internationales, un rapport des organisations Recourse et Periodistas por el Planeta (Journalistes pour la planète), révèle leur double-jeu. Selon des documents publics consultés par les auteurs du rapport, le FMI inciterait ainsi l’Argentine – son principal débiteur avec 44 milliards de dollars de dette – à accélérer l’exploitation des énergies fossiles pour rembourser son emprunt.
Le projet Vaca Muerta, une bombe climatique
En ligne de mire, le projet Vaca muerta, qui s’étend sur 30 000 km² en Patagonie, et qui est considéré par le département américain à l’Energie comme la deuxième réserve mondiale de gaz de schiste – issu de la fracturation hydraulique, une pratique très émettrice de CO2 – et la quatrième mondiale pour le pétrole de schiste. Il est aussi classé dans les 33 bombes climatiques au monde, avec le potentiel d’émettre un milliard de tonnes de CO2 et de mettre sérieusement en péril l’objectif 1,5°C. Le FMI mise dessus pour réduire les importations de gaz du pays mais aussi pour en faire un exportateur de choix sur le marché et ainsi générer des devises.
Un pari risqué à l’heure du changement climatique et de la nécessité de s’aligner avec l’Accord de Paris, qui impose une sortie des énergies fossiles.
“Le FMI soutient explicitement l’utilisation de fossiles pour l’exportation à grande échelle afin d’équilibrer les comptes fiscaux et avoir une capacité de remboursement”, déplorent les auteurs du rapport. “Cette approche présente de grandes limites car elle ne propose pas un concept de stabilité macroéconomique incluant les impacts climatiques”, regrette Federico Sibaja, qui dirige la campagne sur le FMI au sein de Recursos.
“Le FMI brûle l’Argentine”. “Frack you, FMI”. “Le FMI oblige l’Argentine à exploiter les combustibles fossiles pour payer la dette extérieure”. Les militants des Amis de la Terre ont profité des réunions de printemps pour organiser une action devant le FMI à Washington le 16 avril. Ils ont projeté des messages sur la façade de l’immeuble pour dénoncer le double discours de l’institution qui ne se limite pas qu’à l’Argentine. Le FMI opèrerait de manière similaire en Ouganda, au Sénégal et au Suriname, entre autres pays.
Des dettes “illégitimes”
Les organisations pointent également le cercle vicieux dans lequel se trouvent coincés les pays du Sud. Poussés à exploiter les ressources fossiles, qui aggravent la crise climatique, ils sont eux-mêmes les premiers impactés par les événements extrêmes, à l’instar de la sécheresse qui a touché l’Argentine en 2023.
“Et qui a coûté en pertes près de la moitié de ce qui est dû au Fonds monétaire international”, précisent les auteurs.
En outre, le remboursement de la dette entrave leur capacité à investir dans l’action climatique que ce soit pour l’adaptation ou l’atténuation. Selon un rapport publié le 15 avril dernier par the Debt relief for green and inclusive recovery project (DRGR), 47 pays en développement atteindraient les seuils d’insolvabilité de la dette extérieure au cours des cinq prochaines années s’ils investissaient les sommes nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2030 et de l’Accord de Paris…
“Pendant huit décennies, le FMI et la Banque mondiale ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration d’une architecture financière internationale qui extrait systématiquement les richesses des pays du Sud, perpétuant ainsi un cycle d’endettement, de pauvreté et de dégradation de l’environnement”,
dénonce Lidy Nacpil, coordinatrice pour le Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement. Elle propose que les dettes publiques impayées résultant de projets liés aux combustibles fossiles soient considérées comme illégitimes et tout simplement annulées.
2 réponses
FMI contre GIEC : qui va gagner ?
C’était le programme de la World Conservation Bank, créée en 1987 lors du Congrès de Denver du WWC
(World Wilderness Comitee) Ces gens-là ont de la suite dans les idées.
On peut noter, dans les faits, que la réchauffement anthropique n’est vraiment pas une priorité pour eux et que le mot d’ordre reste « Money first »