C’est encore un symbole du recul des politiques ESG ces derniers mois. Le géant minier Glencore a choisi de renoncer à se séparer de ses activités charbon. Cette énergie fossile est pourtant la plus émettrice de CO2.
Volte-face pour le géant minier anglo-saxon. Alors qu’il devait scinder sa branche charbon du reste du groupe, Glencore a annoncé cette semaine qu’il allait finalement la conserver.
“Je suis convaincu que c’est la bonne décision”, “la voie optimale” pour créer de la valeur pour les investisseurs, a déclaré Gary Nagle, son directeur général, lors d’une conférence de presse.
Il précise en outre que ce choix était soutenu par une “écrasante majorité” des actionnaires consultés.
Glencore avait pourtant assuré qu’après le rachat du charbon sidérurgique du groupe canadien Teck Resources, finalisé début juillet, il scinderait toutes les activités charbon du groupe. Mais
“le pendule a basculé en matière d’ESG au cours des neuf à douze derniers mois”, a déclaré Gary Nagle. “Ils [les investisseurs] reconnaissent toujours que l’argent est roi et c’est toujours le cas.”
Le charbon connaît effectivement un regain depuis l’invasion en Ukraine, générant des recettes dont Glencore ne veut pas se passer, alors que le groupe a perdu 233 millions de dollars nets au 1er semestre 2024.
Une gestion des mines “responsable”
Pour preuve d’un changement d’attitude en matière d’ESG, le patron de Glencore a mis en avant le soutien accru à sa stratégie climatique, qui a atteint plus de 90% lors de l’assemblée générale annuelle des actionnaires en mai dernier, contre environ 70% il y a un an. Gary Nagle y avait de nouveau défendu le charbon.
“Les énergies fossiles n’ont pas d’avenir à long terme dans ce monde, mais elles sont nécessaires à court et moyen terme pour assurer la transition énergétique et passer d’un monde intensif en carbone à un monde décarboné”, avait-il déclaré.
Alors que ses concurrents Rio Tinto ou Anglo American se sont eux déjà désengagés du charbon, Glencore affirme également que conserver ses actifs charbon est une “bien meilleure issue qu’une scission” du point de vue des critères ESG car le groupe gère ses mines de manière “responsable” en les fermant au fur et à mesure de leur épuisement.
Une stratégie qui lui vaut des critiques récurrentes de la part des militants écologistes, mais aussi d’actionnaires qui font valoir qu’une partie des investisseurs ne peuvent plus détenir des actions d’entreprises exposées au charbon dans leurs portefeuilles. Depuis 2020, Glencore figure ainsi sur la liste d’exclusion du fonds souverain norvégien, le plus gros investisseur au monde.
Enfin Glencore assure que la trésorerie générée par l’activité charbon va pouvoir être investie dans le cuivre et autres métaux nécessaires à la transition environnementale. Le groupe suit ainsi les énergéticiens BP et Shell qui ont revu à la baisse leurs objectifs climatiques pour se concentrer sur leurs activités fossiles, plus rémunératrices à court-terme.
“Vache à lait”
Certains investisseurs seront “déçus“, a réagi Matt Britzman, analyste chez Hargreaves Lansdown, dans un commentaire boursier. Mais “sur le plan opérationnel, cette décision a un sens“, d’autant que le charbon est “une vache à lait” pour Glencore, souligne-t-il.
L’organisation actionnariale ACCR (Australasian Centre for Corporate Responsibility), a de son côté appelé Glencore à agir “promptement” pour expliquer aux actionnaires comment il comptait gérer ses plans concernant les risques climatiques, qui ont nettement augmenté avec les actifs repris à Teck Resources et maintenant conservés.
Les mines rachetées au groupe canadien ont une durée de vie moyenne “de 31 ans”, qui vont donc bien au-delà de 2050, contre “une moyenne de 13 ans” pour les propres mines de Glencore, souligne cette organisation. L’an dernier, elle avait fait partie d’une coalition d’actionnaires qui avaient fait pression pour que Glencore divulgue davantage de détails sur sa stratégie dans le charbon.
