Les syndicats vont désormais s’occuper de la planète. Au détriment des entreprises… et des salariés !

(Article de Philbert Carbon initialement publié par l’IREF du 1/12/21)

Il y a quelques mois, nous nous demandions si les DRH d’entreprise allaient devenir des DRHLCDC, c’est-à-dire des Directeurs des Ressources Humaines et de la Lutte Contre le Dérèglement Climatique à la faveur du « projet de loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets ».

Il semble que ce soit maintenant chose faite. En effet, la loi dite « Climat » a été définitivement adoptée le 22 août 2021, publiée au Journal officiel le 24. Parmi les dispositions, nombreuses, de cette loi, certaines touchent directement au droit du travail. C’est à celles-ci que nous allons nous intéresser.

Les représentants du personnel dotés de nouvelles attributions « vertes »

Le comité social et économique (CSE, ex-comité d’entreprise) des entreprises d’au moins 50 salariés voit ses attributions élargies. Chargé, selon la loi, d’assurer la prise en compte des intérêts des salariés dans les décisions de l’entreprise, il devra désormais prendre aussi en compte « les conséquences environnementales de ces décisions ». Cela signifie, en clair, que pour chaque consultation du CSE, l’employeur devra donner des informations sur les conséquences environnementales du projet présenté.

Par exemple, lors d’un projet de déménagement, le CSE pourra demander les diagnostics énergétiques des nouveaux locaux, la mesure estimée des émissions de gaz à effet de serre engendrées par le déménagement, l’impact sur les déplacements des salariés (vont-ils globalement consommer plus ou moins d’énergie qu’auparavant pour se rendre au travail ?), la politique RSE (responsabilité sociale et environnementale) de l’entreprise qui fournira de nouveau mobilier, les mesures prises pour recycler l’ancien mobilier, etc.

D’une manière générale, le CSE doit être informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, et cela lorsqu’il est consulté sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière, la politique sociale, les conditions de travail et d’emploi.

Ainsi il pourra se pencher sur la pertinence de la stratégie de l’entreprise au regard de la transition écologique, sur l’empreinte environnementale d’un nouveau produit mis sur le marché ou sur celle d’un nouveau fournisseur, sur la facilité qu’offrent de nouveaux horaires de travail à utiliser les transports en commun, etc.

La BDES, alimentée par l’employeur et mise à disposition des représentants du personnel, devient la BDESE, c’est-à-dire la base de données économiques sociales et environnementales. Elle contient dorénavant un huitième thème portant sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

La loi « Climat » prévoit également une extension des missions de l’expert auquel le CSE peut faire appel. L’expert-comptable qui intervient à la demande du CSE – et principalement aux frais de l’employeur –, généralement pour examiner les comptes de l’entreprise, pourra désormais se pencher sur des éléments liés à l’environnement.

Par ailleurs les entreprises d’au moins 300 salariés sont encouragées à considérer les enjeux de la transition écologique dans leur dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) négocié avec les délégués syndicaux.

Un coût important pour les entreprises

Ces nouvelles mesures auront bien sûr un coût. On imagine aisément le temps qu’il faudra passer à collecter les informations, à les mettre en forme, à les actualiser. Parfois, selon la complexité de ces données, il sera sans doute nécessaire de faire appel à des cabinets spécialisés ou recruter un nouveau collaborateur. Les grandes entreprises soumises à l’obligation de reporting extra-financier disposeront en grande partie des informations. Les autres devront aller à la pêche pour connaître le nombre de ramettes de papier et de cartouches d’encre utilisées chaque année ou le bilan carbone des déplacements professionnels.

Le coût des expertises sera lui aussi augmenté, d’autant plus que l’expert-comptable ne connaît pas grand-chose au sujet. Il sera contraint de faire appel à un sous-traitant spécialisé. Ces expertises dureront également plus longtemps, tout comme les CSE demanderont davantage de temps pour rendre leurs avis, retardant ainsi la mise en œuvre des projets.

Tout cet argent manquera probablement ailleurs, aux investissements, à la R&D ou aux salaires.

Une nouvelle épée de Damoclès sur la tête des employeurs

Surtout, cette loi « Climat » soulève de nombreuses questions.

On peut d’abord se demander si les représentants du personnel sont qualifiés pour se prononcer sur ces sujets. La loi « Climat » a tout prévu : les élus du CSE pourront bénéficier d’une formation portant sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ; et les délégués et représentants syndicaux, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un congé de formation économique, social et syndical auront désormais un congé de formation économique, social, environnemental et syndical, c’est-à-dire que le thème de la transition écologique sera mis au programme des formations qu’ils suivront. Nous voilà rassurés… ou pas du tout car il y a fort à parier que ces formations seront dispensées par des officines militantes qui s’évertueront à convaincre les plus récalcitrants comme elles ont su manipuler les 150 Français tirés au sort pour participer à la Convention citoyenne pour le climat.

On peut ensuite s’inquiéter du risque accru de contentieux. En effet, jusqu’où pourraient aller les représentants du personnel dans la mesure de l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise ? Par exemple, le CSE pourrait-il contester le transfert d’une activité dans un pays dont l’énergie est essentiellement carbonée ? On imagine bien les combats que les syndicats se feraient un plaisir de mener devant les tribunaux. Ceux-ci pourront également être saisis si le CSE s’estime insuffisamment informé des conséquences environnementales des projets soumis à consultation. De même une BDESE incomplète est un motif pour que le CSE ne rende pas d’avis et donc remette en cause la réalisation d’un projet d’ampleur.

On peut aussi se préoccuper de la boîte à revendications sans fin ouverte par cette loi. Les syndicats pourraient ainsi demander à ce que l’entreprise développe le télétravail car cela réduirait les déplacements des salariés et donc les émissions de CO2. Ils pourraient aussi s’emparer de la question de la semaine de 4 jours sur les mêmes motifs. Le risque est bien de voir se développer un nouveau terrain de luttes syndicales. Verra-t-on ainsi naître des grèves dans des entreprises qui n’agiraient pas suffisamment pour lutter contre le dérèglement climatique aux yeux des syndicats (sur le modèle de la grève de l’école pour le climat de Greta Thunberg) ? Après tout, la CGT n’a-t-elle pas signé un manifeste pour sauver le climat aux côtés de Greenpeace et de l’association altermondialiste Attac ?

Une chose est certaine : les entreprises se trouvent une fois de plus détournées de leur mission principale qui est de satisfaire leurs clients. Ce n’est assurément pas une bonne nouvelle et les salariés devraient être les premiers à s’en inquiéter.

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