Nucléaire, incompétence, et pouvoir 

Les 10 ans de retards successifs dans la mise en service du nouveau réacteur nucléaire EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville sont-ils dus à l’incompétence des jeunes ingénieurs français… ou à l’imprévoyance de nos dirigeants ?

Conjugué avec l’arrêt politique des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020 et l’arrêt inopiné pour contrôles techniques de cinq autres réacteurs, le retard de livraison de ce premier EPR en France entraine un risque de sous-capacité de production d’électricité cet hiver.

Un avenir nucléaire ou non ?

À l’heure où les Français s’interrogent de plus en plus sur l’avenir énergétique de leur pays et sur les coûts du gaz et de l’électricité, le nucléaire s’invite dans la campagne présidentielle.

Sur fond de changement climatique, cette énergie recueille les faveurs de certains candidats (à droite et au Parti communiste), et d’autres lui sont hostiles (LFI et EELV en particulier).

Après avoir trop longtemps cajolé les promoteurs d’éoliennes et autres panneaux photovoltaïques, le Président Emmanuel Macron a annoncé en novembre 2021 que la France allait lancer un programme de construction d’au moins 6 réacteurs nucléaires EPR (ou EPR2 qui est un EPR simplifié et amélioré).

Le chantier du nouveau réacteur nucléaire EPR à Flamanville débuté en 2007 se prolonge depuis 15 ans pour un coût de plus 13 milliards d’euros alors qu’il devait durer 5 ans et coûter 3,3 milliards d’euros.

Les réelles difficultés de construction de ce réacteur EPR en France sont une aubaine pour les jugements péremptoires, à défaut d’être pertinents, portés par des propagandistes verts antinucléaires sur les capacités de la France à renouveler son parc nucléaire.

Leur compréhension des enjeux sociaux, techniques, et financiers de la production d’électricité vitale pour la France est plus que douteuse. Mais ils disposent de réseaux de communications influents dans les sphères politiques et médiatiques.

Le pouvoir et l’influence en politique ne se mesure pas à l’aune de la raison et du bon sens technique fondé sur la réalité, mais en capacité de nuisance dans les médias et dans l’opinion publique (« Le Vatican : Combien de divisions ? » disait Staline en 1935).

Vers un mix 100 % renouvelable en 2050 ?

Ainsi, les médias ont accordé une grande publicité au rapport biaisé par l’idéologie antinucléaire de l’ADEME et intitulé « Vers un mix 100 % renouvelable en 2050 » publié en juin 2016 et payé 294 000 euros par les contribuables. Il parait argumenté et « scientifique », mais combien de Français ont-ils lu les 110 pages de cette étude et en ont détecté les erreurs et les absurdités ?

L’important est le titre percutant marquant les esprits laissant ainsi croire qu’une production d’électricité 100 % d’origine renouvelable en 2050 serait possible. Toutefois, les hypothèses et les affirmations contenues dans cette étude sont calibrées pour correspondre à l’idéologie décroissante et antinucléaire des commanditaires partisans des énergies renouvelables, notamment éoliennes et solaires.

Des scénarios trop optimistes, des rendements négligés, et des sous-estimations financières flagrantes, notamment dans les stockages d’énergie, truffent ce document dont les démonstrations apparemment logiques renferment d’énormes failles, parfois bien cachées, qui conduisent à des conclusions absurdes… mais politiquement correctes.

Ayez confiance, ayez foi…

Les enjeux techniques et économiques sont difficiles à comprendre par le plus grand nombre… et par les élus qui, pour plaire à la majorité de leurs électeurs, ont recours à des raccourcis simples et séduisants comme « le vent et le soleil sont éternels, propres, et gratuits ».

Et il est plus facile et agréable de proposer un avenir radieux reposant sur du vent et du soleil que d’expliquer longuement pourquoi le nucléaire représente leur avenir.

« Ayons foi dans les énergies renouvelables ! » a même déclaré Nicolas Hulot à l’Assemblée nationale le 22 février 2018, car il s’agit bien d’une religion verte antinucléaire.

La foi soulève peut-être des montagnes mais il est douteux qu’elle produise un jour de l’électricité, surtout en fonction du besoin, notamment les soirs d’hiver sans vent.

Actuellement, d’immenses éoliennes poussent remarquablement bien sur terre et en mer, parfois arrosées par des élus dont l’intérêt général n’est pas la priorité… et auxquels la justice s’intéresse.

Nucléaire et écologie : un peu de cohérence serait bienvenue

Un peu de cohérence serait bienvenue, même lorsqu’il est question d’écologie.

Notre pays a déjà effectué sa transition énergétique il y a plus de 40 ans, au cours des années 1970, pour consommer moins de pétrole, de charbon et de gaz (et donc émettre moins de gaz à effet de serre) grâce à son « virage nucléaire » lancé par le plan Messmer.

L’économie française a pu en bénéficier, et aucun accident majeur n’a affecté plus de 40 ans d’exploitation de centrales nucléaires, ce que semblent regretter certains détracteurs de ce moyen de production. Cela apporterait de l’eau à leur moulin (ou du vent dans leurs éoliennes).

Mais avant tout, les Français devraient se poser la seule question qui vaille : à quoi servent les énergies renouvelables puisque la France n’en a pas besoin ?

En effet, la production d’électricité est suffisante (la France exporte même annuellement environ 10 % de sa production) et elle ne contribue pas à diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans une France qui produit une électricité décarbonée à plus de 90 %, essentiellement grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité.

L’EPR ailleurs dans le monde

Deux EPR ont été construits et mis en service à Taishan en Chine en 2018 et 2019 en respectant les coûts et les délais avec la participation d’ingénieurs français.

Après 16 ans de chantier (et 12 ans de retard), l’EPR d’Olkiluoto construit par le Français Areva en Finlande, a démarré le 21 décembre 2021.

Au Royaume-Uni, EDF a reporté récemment (27 janvier 2021) de 2025 à 2026 le démarrage de l’EPR Hinkley Point C.

L’arrêt du nucléaire serait la plus grave catastrophe

Paradoxalement, en France, la plus grave catastrophe nucléaire pour les Français serait son arrêt. Une sortie, même partielle, du nucléaire :

  • priverait les Français d’une source de production massive d’électricité à bon marché,
  • diminuerait les compétences nécessaires à la sécurité des centrales restantes,
  • aurait de graves conséquences économiques (envolée des prix de l’électricité, rupture de fourniture d’électricité,…), sociales (fermetures d’industries, emplois,…), et écologiques (recours massif au gaz et au charbon).

Les hommes politiques devraient le clamer haut et fort afin que les Français le comprennent avant qu’il ne soit trop tard…, c’est-à-dire maintenant car la perte de compétence a déjà débuté dans l’industrie nucléaire.

Pouvoir et incompétence

Ce n’est pas la qualité intellectuelle de nos jeunes ingénieurs qui est en cause dans les difficultés du renouveau nucléaire, ni la compétence des soudeurs de tuyauteries, mais la médiocrité de la classe politique française. Son impéritie n’a pas anticipé pendant 20 ans le maintien, la transmission, l’amélioration, et la formation des savoir-faire dans ce domaine du nucléaire particulièrement exigeant.

Cette mise en place de nouveaux talents ne se décrète pas du jour au lendemain à coups de menton médiatiques en incriminant EDF ou Areva. Elle réclame du temps, une organisation, des constructions régulières pour maintenir une industrie compétente, et une vision stratégique de long terme à 50 ans, bien au-delà des échéances électorales.

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