Bruxelles estime enfin que les énergies renouvelables ne pourront pas répondre seules à la demande croissante d’électricité et décide, « à titre transitoire », de favoriser le nucléaire.
Après des mois de débats et plusieurs reports, la Commission européenne a accordé le 2 février 2022 un label vert pour les centrales nucléaires et celles au gaz. Ce label reconnait, sous certaines conditions, leur contribution à la lutte contre le changement climatique, un privilège réservé jusqu’alors aux énergies renouvelables.
Cette labellisation permet une réduction des coûts de financement en aidant à mobiliser des fonds privés vers des activités réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans l’objectif de neutralité carbone de l’UE en 2050.Mais elle divise les 27 États membres de l’Union européenne (UE) et provoque la colère d’ONG environnementales et de financiers des énergies renouvelables.
La France, qui veut relancer sa filière de production d’électricité nucléaire décarbonée, et des pays comme la Pologne et la République tchèque ont soutenu l’initiative.
L’Autriche et le Luxembourg emmenés par l’Allemagne (qui possède toujours de nombreuses centrales à charbon et à gaz) ont bataillé pour exclure le nucléaire de cette liste.
Berlin mise sur l’essor des éoliennes et du solaire, ainsi que sur de nouvelles centrales au gaz en provenance de Russie pour assurer son approvisionnement.
L’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont contesté le label « vert » pour le gaz dans une lettre commune.
Une période de transition
Bruxelles estime enfin que les énergies renouvelables ne pourront pas répondre seules à la demande croissante d’électricité, en raison de leur production intermittente. D’où le besoin, « à titre transitoire », de favoriser aussi l’investissement dans des moyens décarbonés, stables et pilotables.
Toutefois, ce label vert impose aux projets de nouvelles centrales nucléaires d’obtenir un permis de construire avant 2045 et une autorisation de travaux permettant de prolonger la durée de vie des centrales existantes avant 2040.
Concernant le gaz, la Commission impose un plafond d’émissions de CO2 de moins de 100 g par kWh inatteignable avec les technologies actuelles. Les émissions des centrales au gaz sont aujourd’hui d’environ 400 g par kWh.
Mais une période de transition est prévue : ce seuil est relevé à 270 g/kWh pour les centrales au gaz obtenant leur permis de construire avant le 31 décembre 2030, et à condition qu’elles remplacent des infrastructures beaucoup plus polluantes, comme le charbon.
Cependant, durant une période de quatre mois à partir du 2 février 2022 (éventuellement prolongée de deux mois), le Parlement européen pourra rejeter le texte par un vote à la majorité simple (peu probable), ainsi que le Conseil européen à condition de réunir 20 États membres (encore moins probable).
(Rappel : Emmanuel Maron a pris la présidence du Conseil de l’UE, aussi appelé Conseil des ministres européens, le 1 janvier 2022, et non du Conseil européen).
Vous avez dit « marché » ?
Mais ce label vert « transitoire » pourrait être une victoire à la Pyrrhus. Les restrictions aux aides d’État discrètement imposées par Bruxelles le 21 décembre 2021, ainsi que les dates d’autorisation de permis de construire fixées avant 2045 pour les nouvelles centrales et 2040 pour les rénovations des réacteurs existants, constituent une menace pour la pérennité d’un nucléaire « durable ».
Le marché, aujourd’hui pointé du doigt pour justifier les hausses récentes de l’électricité est bien commode pour servir de bouc émissaire. Il permet au gouvernement de fuir ses responsabilités dans les fermetures trop nombreuses de moyens de productions pilotables (nucléaire, gaz, et charbon) ces dernières années, dont les deux réacteurs nucléaires de Fessenheim en parfait état de fonctionnement. Ces décisions constituèrent une erreur de politique énergétique majeure en France et en Europe.
Les bases actuelles du marché sont aberrantes et conduisent l’Europe à la catastrophe sans réformes rapides.
Les propriétés physiques de l’électricité quasiment non stockable (la production doit égaler la consommation en permanence) faussent son marché soi-disant « libre et non faussé ». L’insertion prioritaire sur le réseau de la production ruineuse des énergies renouvelables fluctuantes, voire intermittentes, est une contrainte supplémentaire.
L’Europe a décidé que le prix du dernier moyen de production appelé pour satisfaire la consommation de pointe servirait de référence pour fixer le prix des autres énergies, quelle que soit l’origine de leur production.
Mais ce prix peut devenir exorbitant car sans ce dernier moyen de production, tout le réseau électrique (qui doit être maintenu à tout instant à la même fréquence de 50 hertz) s’écroulerait.
Cette aberration profite à quelques promoteurs et financiers qui n’ont pas la responsabilité de l’équilibre du réseau d’électricité et qui se gavent abusivement… mais légalement.
C’était mieux avant !…
Le réseau européen a parfaitement fonctionné pendant plus de 30 ans jusqu’au début des années 2000, en assurant un secours mutuel entre les pays manquant passagèrement d’électricité et ceux disposant des capacités disponibles.
Chaque pays dimensionnait ses flottes afin d’obtenir la meilleure performance économique globale et la continuité de l’alimentation (le passage des pointes de consommation).
Chacun gérait ses productions et ses prix intérieurs selon ses choix de mix électriques, et les échanges internationaux s’effectuaient de gré à gré sur la base de quantités et prix convenus.
EDF avait financé l’intégralité de son programme nucléaire sur fonds propres et par l’emprunt (largement à l’étranger pour ne pas assécher les possibilités nationales), sans aucune aide de l’État.
C’est donc le consommateur français d’électricité qui, en bénéficiant de prix bas sur sa facture, a payé l’équipement nucléaire dans le prix du kilowattheure.
Il n’y avait nul besoin du marché généralisé actuel qui impose un prix marginal unique à tout le monde à court terme (prix spot) et qui crée des anticipations spéculatives sur les marchés à terme (à échéances de quelques mois jusqu’à une ou deux années).
En France, les prix de production de l’électricité reflétaient les coûts des différents moyens de production mis en œuvre. Ce système fonctionnait bien en assurant leur renouvellement assorti d’une marge bénéficiaire raisonnable. Il a conduit à disposer en France d’un prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe, et a permis aux industries électro-intensives de se développer en bénéficiant d’une électricité compétitive au travers de contrats à long terme.
L’application idéologique et aveugle par l’Europe du « Dieu marché » à un produit (l’électricité) qui ne s’y prête pas a abouti à des prix instantanés prohibitifs (plusieurs centaines d’euros par mégawattheure (MWh) au lieu de quelques dizaines auparavant) selon les besoins, la vitesse du vent, et l’ensoleillement.
Un système fou devenu hors de contrôle
Ce système fou détruit l’économie. Pour éviter une révolte sociale, le pouvoir d’achat des consommateurs français est aujourd’hui temporairement (jusqu’aux élections) soutenu par des subventions massives (15 milliards d’euros !) qui seront in fine payées plus tard par… les consommateurs/contribuables.
L’Europe et la France marchent sur la tête et la Commission européenne sous emprise de l’Allemagne se disqualifie aux yeux des Français en ne voulant rien changer aux aberrations actuelles. L’Europe est devenue une maison de fous et d’irresponsables dans le domaine énergétique.
Estimant que les monopoles constituaient des solutions de facilité peu propices à améliorer l’efficacité, l’Europe a décidé de donner le choix aux consommateurs. Mais cela nécessite de mettre des « acteurs » en concurrence…
Or, en France, les coûts de production d’EDF étaient impossibles à concurrencer… car trop bas !
Les idéologues du « marché libre et non faussé » ont donc établi des artifices surréalistes au bénéfice des nouveaux entrants concurrents d’EDF, majoritairement non producteurs.
Le prix à payer a été la destruction de l’édifice existant et l’augmentation continue des factures d’électricité des Français… alors qu’un monopole optimisé aurait été bien plus efficace.
Revitaliser EDF
L’entreprise EDF, contrainte par la loi NOME, fournit… ses concurrents (les « nouveaux entrants » sur le marché) en leur vendant presque un tiers de sa production nucléaire à « prix d’ami » (42 €/MWh puis 46,3 €/MWh) via l’ARENH qui représente leur principale source d’approvisionnement !
Selon le site d’EDF, le principal objectif était « de faire bénéficier l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc nucléaire historique français, quel que soit le choix de leur fournisseur d’énergie »…
L’entreprise EDF (détenue à plus de 80 % par l’État, c’est-à-dire par tous les Français) été abusivement mise à contribution au point que sa dette obère lourdement ses capacités d’investissement. Cet argent vital risque de manquer au moment où le parc nucléaire français nécessite une cure de jouvence pour rester productif dans la durée (60 ans et plus) en s’adaptant aux évolutions des réglementations de sûreté.
L’électricité décarbonée étant le vecteur choisi dans la transition énergétique (si souvent vantée) pour remplacer les énergies fossiles, partout où cela est possible, EDF est la seule à pouvoir développer l’outil vraiment efficace de production massive et pilotable d’électricité décarbonée : la production nucléaire.
Malgré les freins et les tergiversations de l’Europe, le gouvernement doit saisir l’opportunité de ce « label vert » pour donner rapidement à EDF les moyens de développer un nucléaire durable au profit de la France et de l’Europe par une politique volontariste d’investissements massifs.