Le gaz de schiste peut-il constituer une alternative au gaz russe ?

DÉCRYPTAGE – La France renfermerait la deuxième plus grande réserve de gaz de schiste en Europe, derrière la Pologne, mais toute exploration et, a fortiori, toute exploitation sont interdites dans notre pays.

Environ 24 % du gaz consommé en France est importé de Russie*, le reste provenant pour l’essentiel de Norvège. C’est deux fois moins que l’Allemagne, dépendante à 49 % du gaz russe, mais c’est encore trop quand on sait que cette manne est la principale source de financement de la guerre de Vladimir Poutine en Ukraine. Or, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le sous-sol français contiendrait 3870 milliards de mètres cubes de gaz de schiste. Les zones les plus prometteuses se situent dans la Drôme et dans les Cévennes, en Ardèche, dans le Gard, l’Hérault et la Lozère.

Sachant que notre consommation annuelle de gaz tourne autour de 40 milliards de mètres cubes, la question de l’exploitation de cette énergie alternative se pose. Ou plutôt devrait se poser, si un consensus politique n’avait pas abouti à en faire un tabou absolu, de la gauche à la droite, en passant bien sûr par les écolos.
 
Pour extraire le gaz de schiste, il faut fracturer la roche qui le renferme en injectant un fluide. La fracturation hydraulique, technique la plus répandue, est interdite en France depuis la loi Jacob votée en 2011 et confirmée en 2013 par le Conseil constitutionnel.
 
Quand Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a été interrogée sur le sujet la semaine dernière, sur RTL, sa réponse a été catégorique: «Il n’y a aura pas de retour en arrière!» «En même temps», la France et nombre de ses voisins européens importent déjà et vont importer de plus en plus de gaz de schiste américain, malgré le laxisme des États-Unis en matière de normes environnementales.
 
Cherchez l’erreur.
 
* Chiffres 2020 de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, source Statista.
 
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« OUI »
par Philippe Charlez *
 

L’EIA (Energy Information Agency) avait publié en 2014 un atlas mondial des ressources en gaz de schiste. Les ressources européennes conduisaient à un plateau de production de 160 milliards de mètres cubes par an, soit le niveau des importations russes actuelles. La France et la Pologne disposaient chacune de 25 % de ces ressources. La consommation française s’est élevée à 40 milliards de mètres cubes en 2020.

La fracturation hydraulique a été diabolisée, alors que c’est une technologie mature utilisée depuis des dizaines d’années. Pratiquée avec sérieux et rigueur, elle ne risque pas de polluer les nappes phréatiques.
 
La technique n’a pas changé et ne devrait pas évoluer au cours des prochaines années.

Plusieurs ONG allemandes anti-gaz de schiste (et antinucléaires) ont été officiellement financées par Gazprom, ce dont Poutine s’est ouvertement vanté. Un échange de bons procédés.

* Expert en énergie pour l’Institut Sapiens. Auteur de L’Utopie de la croissance verte, Jean-Marie Laffont, 484 p., 29 €.

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« NON »

par Matthieu Auzanneau*

On n’a aucune garantie industrielle que nos ressources en gaz de schiste permettent une production significative tant qu’on n’a pas commencé à forer, ce que l’accord de Paris interdit puisqu’il vise à se passer des énergies fossiles.

La technique d’extraction est secondaire. Il faudra de toute façon injecter du fluide et l’impact en termes d’émission de CO2 dû au trafic des camions sera toujours considérable.

Le nucléaire peut, sous certaines conditions, être un vecteur de la transition écologique, mais pas le gaz en général, ne serait-ce que parce que la consommation augmente et que les ressources s’épuisent. En mer du Nord, la production a été divisée par deux depuis les années 2000.

Déchirer l’accord de Paris serait une faute écologique, géostratégique et morale. L’enjeu pour le climat, c’est de se passer des énergies fossiles et la réponse n’est pas seulement dans la production, elle est aussi dans la consommation, comme le montrent les travaux du Shift Project.

* Président du Shift Project. Auteur de Pétrole. Le déclin est proche, avec Hortense Chauvin, Seuil, 160 p., 12 €.

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NDLR : pour mémoire, le Shift Project vit de la peur que suscite le réchauffement climatique.

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