(Nous republions ici un article de Jean Turenne initialement publié dans IREF du 19/05/22)
Les Allemands ont une phobie du nucléaire. Les causes en sont multiples :
- l’opposition, dans les années 1980, au déploiement des missiles américains Pershing de la part des mouvements pacifistes, suscités et financés par les Soviétiques ;
- la catastrophe de Tchernobyl dont le nuage radioactif a déclenché une vague d’hystérie chez les habitants et marqué durablement les consciences ;
- l’influence très puissante de lobbies environnementaux comme Greenpeace à tous les échelons du pouvoir ;
- l’incident de Fukushima, qui a achevé de convaincre les derniers adeptes du nucléaire.
Lors des débats animés sur la mise en place de la taxonomie verte européenne – un outil de classification pour flécher les financements vers la transition écologique –, les Allemands avaient une nouvelle fois réitéré leur opposition au nucléaire, mais s’étaient montrés plus avenants avec le gaz. Il faut dire que le pays dépend très fortement de ce combustible fossile pour compenser la faible productivité des champs éoliens. La mouture adoptée par la Commission européenne avait semblé trouver un juste milieu entre les velléités des deux plus grosses économies européennes en qualifiant le nucléaire et le gaz d’« énergies de transition ».
Coup de tonnerre cette semaine, le gouvernement allemand annonce qu’il s’opposera au texte lors du vote au Conseil. Quatre pays représentant au moins 35% de la population européenne peuvent constituer une minorité de blocage. L’Allemagne, qui représente 15% de l’UE, pourrait convaincre d’autres pays (comme l’Autriche, le Danemark, voire l’Espagne) de voter contre.
Cette situation révèle l’hypocrisie d’un pays qui a développé son économie grâce au gaz russe. De facto, il s’est mis dans une situation d’extrême dépendance vis-à-vis de la Russie, ce qui n’est pas le cas de la France, de la Finlande ou du Royaume-Uni grâce au nucléaire.
L’Allemagne est ni plus ni moins en train de chercher à supprimer l’un des rares avantages comparatifs qu’il nous reste.