L’UE contre ses constructeurs automobiles

A la suite du vote du parlement européen souhaitant interdire les moteurs thermiques en 2035 nous vous proposons un article de Kader Haddadi, ingénieur de l’Ecole centrale de Paris retraité, ancien Directeur de Projets Véhicules de la Direction Recherche & Développement de PSA-PEUGEOT-CITROEN

Le parlement de Strasbourg veut tuer l’industrie automobile européenne : beaucoup d’idéologie et peu de rationalité !

Les constructeurs automobiles ont travaillé d’arrache-pied, à la réduction des consommations de carburant, véritable critère d’achat par le client.

Parce qu’il constitue un avantage concurrentiel de nombreux travaux de R&D ont porté sur des innovations technologiques tant sur le moteur thermique que sur le système véhicule.

Les moteurs thermiques on atteint des records d’optimisation pour réduire les consommations en atteignant des rendements spécifiques inédits.

Les investissements en R&D ont permis de véritables ruptures technologiques tant sur les motorisations thermiques (suralimentation, down-sizing, lubrification, injection, matériaux, injection directe, Filtre à Particules, Reduction Catalytique Selective, Diagnostic à Bord…) que sur le système véhicule (allégement, aérodynamisme, résistance au roulement, stop-and-start, hybridation…).

Cette réduction drastique des consommations véhicules a directement induit une réduction des émissions (les émissions étant le résidu de combustion d’un mélange carburant- air-additifs) rendant ainsi possible le respect de toutes les normes édictées par l’Europe (de EURO II à EURO VI et EURO VII en cours).

Voici une illustration de synthèse des émissions tirée de l’excellent ouvrage de Christian Gérondeau « l’air est pur à Paris… » (1) :

Mais la pensée unique répandue sur la planète par le GIEC trouve un bon écho à Bruxelles où des IDEOLOGUES anti-CO2 se fixent comme objectif de tuer le moteur thermique en général.

Quand l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement a révélé en 2015 le grand scandale industriel -Le Dieselgate- mettant en cause Volkswagen qui a réduit frauduleusement les émissions/consommations de plus de 11 millions de véhicules du groupe produits entre 2009 et 2015, tout le lobby anti-CO2 s’est empressé de semer l’amalgame sur tous les constructeurs (tous des tricheurs) alors que toutes les enquêtes diligentées ont conduit à la même conclusion: seul VW a réellement triché en implantant dans ses systèmes un logiciel espion  de détection d’un cycle d’homologation et d’édition de résultats «favorables».

Les autres constructeurs ont simplement bénéficié d’un cycle d’homologation,

à l’époque le NEDC (New European Driving Cycle), moins représentatif des conditions réelles de roulage et donnant donc officiellement des résultats meilleurs que ceux réalisés par les usagers en conditions réelles.

D’ailleurs ce cycle d’homologation a été aussitôt remplacé par le WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicles Test Procedure).

L’engin à abattre devient alors le moteur Diesel en priorité alors même que ses performances en consommations et émissions ont atteint et même dépassé celles du moteur essence sur lequel le filtre de particules, inventé d’abord pour les particules du Diesel, a été rendu obligatoire également.

Malgré le respect des seuils de toutes les normes d’émissions européennes, l’Europe matraque constructeurs et usagers de l’automobile en tirant sur tous les plans :

  • CAFE (Corporate Average Fuel Economy) : Vis-à-vis des constructeurs : Réglementation Européenne passée d’une incitation à 130g/km en 2015 à une exigence irréaliste de 95g/km en 2020 accompagnée d’une menace de lourde pénalité de 95 €/g de CO2 en dépassement par véhicule. Dès cette première année d’application l’objectif s’est   avéré inatteignable, conduisant à des négociations et marchandages interminables, des dérogations temporaires et des arrangements inédits entre constructeurs pour limiter les pénalités (exemple de FIAT qui a payé 2 milliards d’€ à Tesla pour regrouper les émissions des véhicules de FIAT avec celles de Tesla) : encore un exemple où l’idéologie   a dépassé la réflexion !
  • Incitations fiscales et subventions : Vis-à-vis des clients : Les bonus/malus se sont développés avec une surenchère entre les états, cette fois pour orienter le choix des clients. Au début les montants étaient « supportables ». Mais assez vite et comme pour le chantage des 95 g pour les constructeurs, les bonus vont devenir alléchants :
    • 6000 € pour l’achat d’un Véhicule électrique,
    • 5000 € pour la prime à la conversion,
    • exonération de la TVS sur les véhicules des sociétés (sauf Diesel),
    • 2065 € en 2021 pour une grande berline à 175g,
    • 3580 € en 2021 pour un grand SUV à 200g

et les malus vont devenir dissuasifs pour ceux qui souhaitent continuer à acheter un véhicule thermique :

    • 983 € puis 1504 € puis 2205 € en 2023 pour une familiale à 150g,
    • 5715 € puis 7462 € puis 9950 € en 2023 pour un SUV à 180g

Qui va continuer à hésiter entre ces bonus et ces malus ? C’est la marche forcée vers l’électrification !

  • Restrictions de circulation :Il s’agit de classer les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes, telles que définies dans la norme, en 6 catégories du CRIT’Air pour organiser des restrictions de circulation.

Où on peut deviner que le lobby anti CO2 se prépare à exclure d’abord le Diesel puis l’essence et ménager le règne du véhicule électrique dont on a soigneusement effacé toutes les émissions pour le produire et produire ses centaines de kg de batteries.

Toutes ces incitations (bonus, malus, primes, exonération TVS) conduisent à une marche forcée totalement irrationnelle favorisant très fortement le véhicule électrique et l’hybride rechargeable.

Là encore l’idéologie a empêché la réflexion et l’usage de l’hybride rechargeable montre l’aberration de sa fiscalité.

L’illustration de cette aberration est très bien décrite dans l’excellent ouvrage de Nicolas Meunier « L’arnaque de la voiture propre » (2).

BMW produit 2 SUV sur la base son moteur essence 2litres 190 CV :

  • version hybride rechargeable :BMW Xdrive30c = 43 g de CO2/km
  • version essence classique :   BMW Xdrive 20i = 176 g de CO2/km

Il suffisait à BMW de mettre une grosse batterie de 250 kg pour un jackpot CO2 en profitant de la fiscalité CO2 outrageusement avantageuse.

Ensuite, dans la vraie vie, le client qui ne recharge pas sa batterie émettra plus de 176 g de CO2/km (car un véhicule hybride est plus lourd que son équivalent thermique) en ayant évité le malus de 4543 €.

Mais peu importe puisque l’important c’est de tuer le véhicule thermique, et en priorité le moteur Diesel qui ne bénéficie pas, d’ailleurs, de l’exemption de TVS de l’hybride essence rechargeable.

Cette fiscalité idéologique s’est d’ailleurs assez vite confrontée à de nombreuses critiques. A titre d’exemple, même la présidente de France Nature Environnement Haute Savoie n’hésite pas à dénoncer l’«hybridegate» de la pollution engendrée par les véhicules hybrides rechargeables.

Un nouveau protocole est ainsi en cours d’élaboration par l’UE qui devrait réduire voire supprimer le bonus de l’hybride rechargeable à l’horizon 2025.

En attendant, les incitations de l’UE ont conduit à la suppression des catalogues des constructeurs de nombreux petits modèles d’entrée de gamme à l’image des Peugeot 108, Citroen C1, Kia Picanto…, leurs petits prix ne pouvant pas supporter l’énorme surcoût de près de 50 % de l’hybridation par rapport à la version thermique.

Cette destruction du savoir-faire industriel européen, mettant un terme de plus d’un siècle de ruptures et excellences technologiques, favorisera le leadership de la Chine, comme dans le cas de l’industrie du panneau   solaire. Les constructeurs commencent d’ailleurs à annoncer des fermetures d’usines d’organes mécaniques (moteurs et boîtes de vitesses), des centaines de milliers d’emplois chez les constructeurs et tous leurs équipementiers ne seront jamais reconvertis dans l’électrique en Europe.

On peut objectivement s’étonner d’une telle guerre du parlement de Strasbourg, qui vient de voter l’interdiction de toute commercialisation de véhicule thermique et hybride de partir de 2035, contre ses constructeurs automobiles et hésiter entre, au mieux, l’incompétence totale de nos représentations nationales et européennes et, au pire, un lobby puissant avec des intérêts énormes dans le business du « décarboné ».

(1)    Christian GERONDEAU : L’air est pur à Paris – L’artilleur

(2)    Nicolas MEUNIER : L’Arnaque de la voiture propre – Hugo Doc

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