(Article de Sophie Flamand initialement publié dans Causeur du 20 Juin 2022)
Télescope signifie «voir loin» en grec ancien. Le gouvernement wallon vient de nous prouver qu’il n’est pas capable de voir plus loin que le bout de ses éoliennes…
Depuis qu’aux quatre coins de la planète, un petit singe plus ou mois évolué s’est dressé sur ses pattes arrière, l’univers l’intrigue. Il tente de le comprendre et de l’appréhender. Dans sa version occidentale la plus récente, il tente même de le réguler. Plus modestement, à toutes les époques et sous toutes les latitudes, les humains se bornèrent le plus souvent à se poser des questions face à ce ciel immense, à ces astres mouvants et à ces étoiles lointaines.
Mais de Thalès à Hawking en passant par Copernic, certains d’entre nous apportèrent des réponses d’une stupéfiante intelligence. Parmi eux, bien sûr, on ne peut oublier Einstein, l’un de nos plus merveilleux astrophysiciens.
C’est lui qui donne son nom à un projet mondial de super télescope. Ce télescope « Einstein » devait voir le jour, porté par l’ULiège (Université de Liège) en collaboration avec l’Institut Nikhef d’Amsterdam et l’Institut Albert Einstein de Hanovre, dans la commune de Dalhem, proche de ladite université et particulièrement bien située pour l’observation de la voie lactée.
Il nécessite trois tunnels de 10 kilomètres de long, enfouis à 250 mètres de profondeur et, selon l’astrophysicienne internationalement reconnue Yaël Nazé, « il permettra de sonder un volume 1000 fois supérieur à ce qui se fait actuellement et détectera un million d’ondes par an ». Et tant qu’à parler chiffres… astronomiques, il représente un budget de 2 milliards d’euros.
Cet excitant projet devrait voir le jour en 2030, mais il risque de ne pas aboutir. En effet, non loin du lieu sélectionné pour l’implantation de ce bijou technologique, la société Engie, spécialisée dans l’énergie verte et les subventions afférentes, a l’intention d’installer six éoliennes. Or, la stabilité du sol est une condition sine qua non à l’efficacité du télescope, outil de très haute précision et les éoliennes provoqueront des vibrations souterraines.
Il faut donc opérer un choix. La découverte de l’univers ou l’écologisme ? Tout esprit sensé pencherait évidemment pour l’observation des trous noirs et proposerait aux brasseurs de vent d’aller planter leurs pales ailleurs. Sauf que l’écologie, c’est bien. C’est la bonne conscience de notre monde de consommation, un peu comme quand on mange une feuille de salade avec un steak-frite.
L’étroitesse d’esprit à l’assaut de l’espace intersidéral
Artistes, intellectuels et scientifiques se sont souvent heurtés aux croyances et aux superstitions. Rien de nouveau sous le soleil, ni sous le vent. La religion écologiste, qui a envahi la sphère politique, sûre de son bon droit, auréolée de vertu effarouchable et imbue de la certitude non questionnable d’avoir raison s’est emparée du dossier via son nonce délégué au gouvernement de la Région wallonne, Céline Tellier, Ministre de l’Environnement.
Et entre six éoliennes et un outil d’astrophysique de portée internationale, elle a bien entendu tranché pour ses moulins à vent.
L’ULiège a donc introduit dare-dare un recours, appuyé d’ailleurs par la commune de Dalhem qui n’était déjà pas chaude pour les éoliennes. « Pour rappel, le projet de télescope Einstein représente un investissement global de l’ordre de 2 milliards, pour lequel le gouvernement hollandais vient de réserver à son budget, mi-avril 2022, 45% du financement de la construction de l’observatoire souterrain, soit 870 millions, au cas où la candidature hollando-germano-belge devait être retenue. Pour rappel également, ce sont plus de 67 millions d’euros d’expertises et de projets qui sont déjà investis par plus d’une vingtaine d’opérateurs hollandais, allemands et belges (dont la Wallonie) pour toute la phase préparatoire à l’implantation du télescope Einstein en Eurégion Meuse-Rhin. Dont les projets ETEST, ET2SMEs et ETpathfinder, où l’Université de Liège est impliquée » indiquent les représentants de l’ULiège .
Ces arguments de poids devraient en toute logique pousser le gouvernement wallon à retirer le permis de construction des six éoliennes. Du moins, c’est ce qui se passerait si nous n’étions pas en Wallonie.
Mais à la tête de cette région, se trouve l’inoxydable socialiste Elio Di Rupo, qui est au gouvernement wallon ce que les liserons sont à mes rosiers. Et pour se maintenir dans la place, il faut donner des gages à ses partenaires, surtout s’ils sont verts. Voici donc le super socialiste pris en sandwich entre, à sa gauche, la Ministre de l’Environnement qui fait un malaise à l’idée qu’on ne partage pas son credo écolo et à sa droite le Ministre Willy Borsus, en charge de l’Economie et de l’Aménagement du territoire, qui plaide bien sûr pour le télescope et pour la recherche scientifique.
N’écoutant que son courage, Elio Di Rupo a donc décidé de ne pas trancher entre ses deux ministres. Dès lors, le permis octroyé à Engie demeure valide. Comme les Aztèques sacrifiaient des humains au soleil, le socialisme sacrifie le savoir à l’écologisme.