(Article initialement publié dans Contrepoints du 22 juillet 2022)
« Tout va très bien, madame la marquise ; mais à part ça, il faut que je vous dise » que le présent de la situation financière de la France est désastreux, et que son futur est pire. La France est à la fois le pays d’Europe où le poids des impôts (relativement au PIB) est le plus élevé et en même temps l’un de ceux où la qualité des services publics (enseignement, santé, sécurité, justice, etc.) est la plus mauvaise. Cerise sur le gâteau, la France réalise cet exploit en s’endettant de plus en plus. Le contexte des années à venir est particulièrement inquiétant : inflation hors contrôle, menaces militaires, taux des emprunts en hausse, instabilités politiques. Nous sommes dos au mur, désarmés devant ces probables aggravations de la conjoncture.
« Tout va très bien, tout va très bien ». Le gouvernement prévoit d’accroître les dépenses dans à peu près tous les secteurs, et jure qu’il le fera sans augmenter les impôts – ni la dette. Les nombreux députés de la majorité le croient (ou font semblant de le croire). Leur première loi est une loi de dépenses nouvelles. L’opposition est encore plus irresponsable, ce qui n’est pas peu dire, puisqu’elle trouve ces dépenses insuffisantes.
Moins facile, moins électoral, mais indispensable
Compte tenu de la situation, la concurrence ne devrait pourtant pas porter sur des projets de dépenses nouvelles, mais sur des propositions de suppression de dépenses ou/et d’augmentation d’impôts.
Passant en revue tous les secteurs, on arrive à la conclusion que celui où les coupes seraient le moins dommageables pour les Français est le secteur de l’environnement1, pour deux raisons.
Tous les autres secteurs sont vraiment en situation d’urgence
Il y a une urgence scolaire, lorsque le niveau des élèves en mathématiques est pratiquement le plus bas des 30 pays du monde où il est mesuré et lorsqu’on ne trouve plus de candidats au métier d’enseignant.
Il y a une urgence sanitaire, lorsque médecins et soignants fuient les conditions de travail et les salaires de l’hôpital, et que les déserts médicaux se multiplient.
Il y a urgence militaire lorsque l’on voit que la France (la nation la moins mal équipée d’Europe) serait, dans l’hypothèse d’une guerre de grande intensité, à court de munitions au bout de quelques semaines.
Il y a urgence sécuritaire lorsque notre police n’a pas assez d’hommes (et de femmes) pour endiguer une criminalité croissante.
Il y a urgence judiciaire lorsque les tribunaux relâchent des délinquants faute de greffiers et mettent des années pour juger des plaintes civiles simples.
Bien entendu, remettre ces services publics d’aplomb est une affaire de gestion autant que d’argent, mais les nécessaires réorganisations ne se feront pas sans argent.
Il n’y a pas vraiment d’urgence environnementale
Lire climatique, puisque le souci du climat a évincé celui de l’environnement, notamment en France, où il n’y a plus un ministre de l’Environnement depuis longtemps, mais plusieurs ministres de la Transition écologique. La lutte contre le « dérèglement climatique » (comme s’il y avait un règlement climatique) est devenue une religion : avec ses pontifes, ses dogmes, ses catéchismes, ses conciles, ses zélotes, ses interdictions, ses prescriptions, ses proscriptions, ses taxes, ses subventions – et ses profiteurs. Sa puissance est formidable. Il faut pourtant envisager de tailler dans le fouillis complexe des mesures prises au nom de la « lutte pour le climat ». Il y a gros à gagner. Et pas grand-chose à perdre.
Gros à gagner – toutes les mesures prises au nom de la lutte contre le climat coûtent cher aux finances publiques et/ou à l’économie. « C’est bon pour le climat » est comme un talisman qui annihile toute réflexion et justifie n’importe quoi. Prenez l’exemple de la voiture électrique. À terme, elle supprimera évidemment les 30 ou 40 milliards annuels de taxes sur les carburants, et exigera des milliards de subventions. Ce double coup porté aux finances publiques ne gêne personne.
Pas grand-chose à perdre – il ne s’agit pas de nier la réalité d’un réchauffement du globe : + 1,1° en 150 ans, la différence entre les températures de Paris et d’Orléans. Mais de montrer que les dommages qui nous menacent si ce réchauffement continue ne sont nullement urgents – même si beaucoup de gens gagnent leur vie à psalmodier le contraire.
Les collapsologues se sont souvent trompés
Les prévisions des prophètes de la nouvelle religion ont généralement pour horizon l’année 2100, à la rigueur 2050, ce qui protège assez bien leurs auteurs de la contradiction du réel. Certaines prévisions pourtant se rapportaient aux années 2010-2020 : la plupart d’entre elles apparaissent maintenant comme des bobards, des fausses nouvelles.
Les collapsologues se sont souvent et beaucoup trompés.
En 1968, Ehrlich prédisait que « des centaines de millions » de personnes allaient mourir de faim : grossière erreur, évidemment.
En 1972, le célèbre rapport Meadows annonçait pour la fin du siècle l’épuisement de la plupart des gisements de minéraux : inexact bien sûr.
Dès les années 1980, Greenpeace et WWF annonçaient la disparition immédiate des ours polaires : ces derniers n’ont jamais été aussi nombreux.
En 2007, Al Gore et le GIEC obtenaient un prix Nobel (pas de physique, de la paix – comme Arafat) en annonçant que la glace de l’océan arctique allait bientôt fondre avant 2014, ouvrant de nouvelles routes maritimes : on les attend toujours.
En 2000, David Viner, un célèbre climatologue anglais, affirmait que « dans quelques années, les chutes de neige hivernales seront devenues un évènement très rare et excitant […] les enfants ne sauront tout simplement plus ce qu’est la neige. » En réalité, Boston a reçu davantage de neige durant l’hiver 2014-15 que durant aucun autre hiver depuis 1872.
On nous promettait des réfugiés climatiques par millions : on n’en n’a encore vu aucun (mais on a vu Maduro, les talibans et Poutine jeter chacun cinq millions de personnes sur les routes de l’exil).
On peut multiplier à l’infini les prophéties de ce type qui ne se sont jamais avérées. Cela ne veut pas dire qu’elles ne se réaliseront jamais, mais affecte sérieusement la crédibilité des eschatologues à la mode, et suggère que l’apocalypse climatique n’est pas pour maintenant. Il n’y a pas d’urgence climatique.
Un début de prise de conscience
Du reste, certains pays commencent à le comprendre.
Le président des États-Unis se rend en Arabie Saoudite demander à genoux à ce pays de bien vouloir augmenter sa production de pétrole (et essuie un refus moqueur). Comme l’écrit le Daily Telegraph dans une formule imagée que l’on n’ose pas traduire ici : « the entire German political establishment has been caught with its environmental trousers down ».
L’Allemagne rouvre des centrales à charbon à tour de bras.
C’est largement la prétention de Boris Johnson à atteindre le « zéro carbone » au Royaume-Uni en 2030 à un coût exorbitant pour les Anglais qui l’a forcé à démissionner.
Et la France ?
Serons-nous les derniers à jouer à sauver la planète quoi qu’il nous en coûte ?
Dans la situation financière et économique actuelle de la France, le champ du climat apparait comme celui où il est le moins dommageable de faire les économies indispensables.
Le président de la SNCF (une entreprise grandiosement réformée il y a cinq ans, et toujours subventionnée à hauteur de 13 milliards par an, bien plus que le budget annuel de la Justice) demande tout d’un coup au nom de la lutte pour le climat la bagatelle de 100 milliards d’euros.
À toutes les demandes de ce type, et elles sont nombreuses, la réponse ne doit pas être le chéquier, mais les ciseaux.
- L’auteur n’est ni insensible ni incompétent en la matière. Il se flatte d’avoir été l’un des premiers économistes français à s’y intéresser, ce qui lui a valu d’être nommé Directeur-Adjoint de la Direction de l’Environnement de l’OCDE, et de publier le premier manuel d’économie de l’environnement en français (Le Ménagement de la nature) dès 1980.