Incendies de forêts : un exemple édifiant !

( dans IREF du ), sous le titre “DE L’UTILITÉ DE LA PROPRIÉTÉ MISE EN ÉVIDENCE PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE”)

Au cœur d’un été brûlant, un incendie a ravagé une forêt de 7000 hectares  dans le bassin d’Arcachon.  Tous ont dénoncé le dérèglement climatique. Et il est en effet possible que les fortes chaleurs aient déclenché le feu dans cette forêt desséchée de pins maritimes et de chênes, elles l’ont en tout cas sûrement favorisé.

Quelques mois auparavant, en janvier 2022, à la demande du gouvernement, Bruno CINOTTI (CGEDD) et Françoise LAVARDE (CGAAER), deux ingénieurs du conseil général de l’environnement et du développement durable et du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, avaient rendu un rapport sur la forêt usagère de la Teste- de-Buch où ils s’inquiétaient de sa gestion.

A l’origine, la forêt était la propriété du Captal de Buch qui, pour fixer la population locale sur ce territoire, lui avait accordé divers droits d’usage. Plus tard la propriété elle-même fut divisée après un incendie qui, déjà, la ravagea au début du XVIIIème siècle.

Selon des chartes et règlements séculaires, les propriétaires d’un côté et les usagers de l’autre sont gérés par des syndics qui doivent s’entendre pour la réalisation de tous travaux et pour les coupes d’arbres. Les habitants locaux sont titulaires d’un droit d’usage concernant le bois mort pour le chauffage et, sous certaines conditions, le bois d’œuvre pour la construction. Les propriétaires ont le droit de récolter et vendre la résine, mais ne peuvent pas décider seuls de couper le bois et le vendre.

Or depuis les années 1970, le gemmage, qui permet de récolter l’oléorésine sur un pin vivant, dont ils ont le droit, n’est plus rentable et n’est plus pratiqué. Les propriétaires ont donc la charge de l’entretien des parcelles et de leur peuplement et ils supportent la taxe foncière, mais ils ne peuvent en tirer aucune ressource. Aussi s’en désintéressent-ils. Désormais, note le rapport susvisé, « une majorité des propriétaires, qui représentent l’essentiel de la surface, ont cessé toute action de gestion dans la forêt. »

Par ailleurs la forêt est surprotégée administrativement. Classée en Espace boisé à conserver par le PLU local, incluse dans le périmètre classé de la dune du Pilat, la forêt est aussi identifiée en Zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique (ZNIEFF), prise en considération dans l’inventaire du patrimoine naturel national, classée en zone spéciale de conservation 2, et classée encore en site Natura 2000 depuis 200… Ce qui empêche ou complique à l’extrême toutes mesures de gestion.

Ce n’est pas la situation juridique de la forêt qui y a mis le feu bien sûr. La forêt avait d’ailleurs encore été dévastée par le feu en 1943 à cause de bombardements.

Mais ensemble, une réglementation touffue et l’absence de vrais droits de propriété ont rendu la forêt inexploitable et ont nui à son entretien. Les travaux d’élargissement des pistes afin de faciliter le passage des véhicules de lutte contre les incendies n’ont pas pu avoir lieu, des imbroglios juridiques s’ajoutant à la passivité des propriétaires.  L’incendie s’est ainsi propagé plus facilement.

La propriété responsable

L’histoire de la forêt de Buch fait comprendre l’intérêt qu’il y a à ce que les droits de propriété soient clairement définis et reconnus, pour que les propriétaires aient intérêt à assumer la responsabilité de leur propriété.

Ce que rappelle aussi l’histoire de la propriété foncière en Angleterre. Jusqu’au XVIème siècle, les droits sur la propriété des terres arables y était très démembrés. Les tenures paysannes y étaient à la merci des seigneurs, notamment au décès de chaque paysan exploitant. De nombreux biens communaux étaient en gestion collective. Ces biens exploitables par tous étaient souvent mal exploités, mal protégés, voire surexploités au détriment de la qualité de la terre, ce que Garrett Hardin a appelé plus tard la Tragédie des communs.  Certes, les droits de pacage, de glanage et autres droits d’usage des communaux procuraient une certaine sécurité aux familles paysannes les plus pauvres, mais ils entravaient la bonne gestion et le rendement des terres.

Le mouvement des enclosures permettant de clore les biens communs et d’en attribuer la propriété à l’exploitant favorisa grandement, à partir du XVIIème siècle, le développement de l’agriculture anglaise et contribua à sa manière à la révolution industrielle.

Il est vrai, comme l’a démontré Elinor Ostrom dans son ouvrage Governing The Commons, publié en 1990, que certains biens communs peuvent être utilement et efficacement gérés collectivement par de petits groupes d’individus responsables adoptant des règles de gouvernance claires et simples pour gérer leur exploitation et leurs conflits autant que l’évolution possible de leurs règles. Les hommes sont libres de s’associer pour gérer des biens en commun. Mais c’est l’exception, bien encadrée, qui démontre la règle selon laquelle l’absence de propriété bien définie et la surabondance de contraintes publiques nuit à la bonne gestion.

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