Les vraies causes de la crise énergétique en Europe

La crise énergétique de l’Europe est d’abord la crise, non d’un système, mais d’un pays. Ce pays, c’est l’Allemagne.

Quand se présente une crise d’envergure, les partis et mouvements politiques bourdonnent d’explications en sens contraire, fonction de leurs intérêts et préjugés. C’est d’autant plus vrai dans des pays tels la Belgique, l’Allemagne et la France dont la presse relaie les thèses les plus fantaisistes des écologistes en politique.

Tentons de démêler le principal de l’accessoire.

La crise énergétique de l’Europe est d’abord la crise, non d’un système, mais d’un pays. Ce pays, c’est l’Allemagne.

La transition énergétique

En 2010, l’Allemagne officialisait l’Energiewende, vaste et ambitieux programme de transition énergétique et écologiste vers les énergies dites renouvelables.

L’Energiewende repose sur un malentendu (en langage parlementaire britannique). En effet, ce programme prétend à la fois transitionner vers des sources d’énergies non émettrices de CO2 et sortir l’Allemagne du nucléaire. Le problème étant que les énergies dites renouvelables — soleil et vent — sont intermittentes. Elles ne se conçoivent qu’en parallèle de sources d’énergie non intermittentes.

En se privant d’emblée de la seule source d’énergie non intermittente et non émettrice de CO2, l’Energiewende s’offre avant tout comme une sorte de vendetta anti-nucléaire. En 2014, Sigmar Gabriel, alors ministre fédéral de l’Économie et de l’énergie, faisait pression sur la société suédoise Vattenfall pour qu’elle poursuive ses investissements dans les mines de lignite en Allemagne, expliquant : « nous ne pouvons pas quitter simultanément l’énergie nucléaire et la production d’électricité à base de charbon ». CQFD

C’est la chancelière Merkel qui a donné le coup de grâce au nucléaire allemand, en précipitant sa destruction suite à la catastrophe naturelle de Fukushima. Les Allemands, grands romantiques et fort influençables, venaient d’assister au tsunami frappant la ville de Fukushima, impactant la centrale nucléaire éponyme. Ce qui renforça la haine superstitieuse et religieuse que nourrissent de longue date les Allemands à l’encontre de l’énergie nucléaire. Les écologistes germains s’engouffrèrent dans la brèche, exigeant aussitôt la fermeture de toutes les centrales nucléaires — que Mme Merkel s’empressa de leur accorder.

Les Allemands passent pour les êtres les plus rationnels de la Création. Aimable plaisanterie. Un ami néerlandais qui me rendait visite à Bruxelles le weekend dernier m’expliquait qu’il avait eu affaire à un chauffeur Uber allemand vivant à Bruxelles depuis trente ans. Ce chauffeur avait absolument tenu à lui parler du principal sujet qui lui tient à cœur — en vérité, le seul. Sa facture d’énergie ? La destruction de l’industrie européenne ? Le conflit entre Uber et les taxis ? Pensez-vous : les vaccins ! « Tous les vaccins sont, par définition, des poisons. » (sagesse allemande des bois et des prairies).

La haine allemande du nucléaire est la raison d’être historique du mouvement écologiste, en Allemagne comme en Belgique : nihil novi sub sole. Dès 2001, celui qui était alors ministre de l’Environnement, l’écologiste Jürgen Trittin, obtenait du chancelier Schröder, une loi ordonnant la destruction du nucléaire civil allemand. Les extrémistes de gauche, qui sont des gens plus sérieux et mieux organisés que les extrémistes de droite, prirent seulement prétexte de Fukushima pour parfaire le travail débuté par le duo Trittin-Schröder. Le fait qu’ils bénéficient du soutien amoureux des médias classiques leur facilite la tâche. Les enquêtes d’opinion indiquent que l’écrasante majorité des Allemands sont désormais favorables à l’énergie nucléaire… C’est un peu tard, Teuton !

L’interdiction du gaz de schiste

Deuxième facteur de cette Nouvelle catastrophe allemande, les écologistes allemands — par quoi il faut entendre le parti Die Grünen, mais également et surtout les puissantes organisations écologistes allemandes et dans leur branche locale Greenpeace, WWF, NABU, BUND, etc. — obtinrent également l’interdiction de l’exploitation en Europe — et non seulement en Allemagne — de ce que l’on appelle le gaz de schiste et qui est en fait du gaz de roche-mère. Le gaz de roche mère est un gaz naturel contenu dans des roches argileuses riches en matière organique. Contrairement au gaz naturel conventionnel qui est emprisonné dans une roche perméable facilement exploitable, le gaz de schiste est emprisonné dans les pores d’une roche rendue imperméable par l’argile qu’elle contient. L’extraction du gaz de schiste nécessite l’utilisation des techniques combinées de forage dirigé et de fracturation hydraulique. Dans ce dossier, les écologistes européens furent plus efficaces que leurs coreligionnaires américains, qui échouèrent à obtenir cette interdiction aux États-Unis. En vertu de quoi les États-Unis atteignaient l’indépendance énergétique, dans le même temps que l’Europe, sous gouvernance allemande, augmentait le tempo de sa course à l’abime.

L’interdiction des terminaux aptes à recevoir le gaz américain

Troisième facteur, les écologistes allemands obtenaient encore l’interdiction de construire — cette fois, seulement en Allemagne — des terminaux aptes à accueillir le gaz de roche-mère américain. En effet, expliquaient-ils doctement, quel sens y aurait-il à importer en Europe le gaz de roche-mère que nous nous interdisons de produire et qui résulte d’une sorte de viol de la nature ? (Rassurons nos lecteurs : l’exploitation du gaz de roche-mère depuis quinze ans aux États-Unis n’a causé aucune catastrophe naturelle d’aucune sorte)

Energiewende, destruction du nucléaire civil, interdiction du gaz de roche-mère, interdiction des terminaux aptes à recevoir le gaz américain : ce formidable mouvement en super-tenaille eut pour effet de jeter l’Allemagne aux pieds de son fournisseur de gaz russe, GAZPROM qui s’était entretemps occupé de financer à coups de dizaines de millions le mouvement écologiste allemand et une fraction significative de sa classe politique.

Le prix du gaz, en Europe, est fixé au niveau européen. Étant donné le poids archi-dominant de l’industrie allemande, le prix du gaz ‘européen’ est, en fait, un prix allemand. Le résultat concret de la Nouvelle catastrophe allemande, cette fois de facture purement écologiste, est que le prix du gaz européen oscille maintenant entre cinq et dix fois le prix du gaz américain. Comme le signalait ce week-end le très clairvoyant, sur ces questions, Bart De Wever, cette ‘légère’ différence, si elle persiste, signe la mort de l’industrie européenne. Merci les écologistes. Et vive l’Allemagne.

 

Article publié dans l’hebdomadaire flamand ‘t Pallieterke.

Pour aller plus loin, cette explication en vidéo.

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