L’énergie est le sang qui irrigue toutes nos activités, c’est le moteur de toute économie et de toute vie. La France avait tout pour être à l’abri des crises concernant son approvisionnement électrique. Mais de tristes sires en ont décidé autrement et on les a laissés faire.
La fermeture de Fessenheim n’est que la partie émergée de cet immense travail de sape. Il faut y ajouter, fait moins connu mais aux conséquences très graves pour l’avenir, la mise à l’arrêt d’office du réacteur ASTRID dans lequel on mettait au point les futures centrales à neutrons rapides.
Monsieur Macron perpétue la tradition antinucléaire socialiste venue d’outre-Rhin. L’enchaînement des faits est implacable.
1982 : un groupe d’Allemands violemment antifrançais vient à Creys-Malville tirer cinq roquettes militaires sur la centrale nucléaire. Cette attaque criminelle aurait dû déclencher un incident gravissime avec l’Allemagne, mais le pouvoir socialiste ne fait rien. Pire : les auteurs ne sont pas retrouvés. Et puis des agitateurs gauchistes, notamment allemands, nourrissent une contestation permanente dont Lionel Jospin prendra prétexte pour démanteler cette centrale en 1997…
Creys-Malville, c’était Superphénix, laboratoire de mise au point des nouveaux réacteurs dits à neutrons rapides, qui permettront de brûler l’U238, déchet de la combustion de l’U235, et multiplieront par un facteur 140* le contenu énergétique de chaque kilo d’uranium.
Jospin parti, les savants lancent ASTRID, un nouveau réacteur de recherche à neutrons rapides. Près d’un milliard d’euros d’investissement. Depuis longtemps, EDF, plus intelligente que les tristes dirigeants du pays, a entreposé les énormes quantités d’U238 issues de l’exploitation du parc nucléaire depuis l’origine et qu’elle espère utiliser un jour : 300.000 tonnes. Cette mine d’or stockée en France nous mettrait gratuitement à l’abri du manque d’énergie électrique pour des milliers d’années. Mais, avec François Hollande, le projet ASTRID patine, puis il est définitivement arrêté par Emmanuel Macron fin 2019.
Aujourd’hui, sur le marché de gros, le MWh électrique s’échange à 1.000 €, et à 1.600 € sur le marché à terme pour décembre 2022, contre 85 €, il y a un an !
L’État français s’affole, il bloque les prix de l’énergie pour le particulier, mais la facture énergétique ne permet déjà plus de poursuivre l’activité des usines grosses consommatrices d’énergie. Leurs ouvriers sont mis en chômage technique.
Le MEDEF est très inquiet : l’effondrement énergétique risque de provoquer des mouvements de révolte. Réunis les 29 et 30 août, ses membres se pressent autour du président de l’EDF, Jean-Bernard Lévy. Celui-ci ronge son frein depuis des années devant l’incurie du pouvoir politique et ne veut pas « porter le chapeau » de ce qui se prépare. Les patrons insistent pour qu’il remette rapidement en route ses réacteurs. Le PDG d’EDF va répondre ceci : « On manque de bras. En fermant Fessenheim, on nous a dit de faire le nécessaire pour en fermer douze autres (centrales). Nous n’avons pas embauché des gens pour construire douze centrales, nous en avons embauché pour en fermer douze. »
L’allusion au Président est tellement transparente que celui-ci ne décolère pas depuis lors. Il a perdu son sang-froid et, au cours d’un discours vengeur, il a tenté de tacler Jean-Bernard Lévy. Mais il ne trompe plus personne. On fera des économies, répète-t-il. Le député et président du groupe LR Olivier Marleix cherche à mettre en place une commission d’enquête sur la fermeture de Fessenheim et sur l’arrêt de l’entretien des réacteurs. Pendant ce temps, le Premier ministre affirme qu’on fermera les usines plutôt que de couper l’énergie aux particuliers. Les beaux quartiers respirent : ils prendront des bains à prix bloqué et tant pis pour les ouvriers dindons de la farce.
Quant à l’Allemagne, championne ès charbon, elle n’a jamais vendu autant d’électricité à la France. Nous lui avons acheté, en un an, une douzaine de TWh, ce qui est exactement la production de Fessenheim – la pollution en plus. Un véritable scandale.
Ajoutons que nos amis germains continuent à nous vendre, contre des dizaines de milliards, leurs éoliennes « pour décarboner notre énergie ». Décarboner une électricité qui est d’origine hydraulique ou nucléaire ? Faut-il que nos journalistes soient stupides pour répandre de telles contre-vérités ! Et tandis que la folie éolienne est en train d’épuiser les mines de cuivre, le manque d’énergie est évident malgré les milliards déversés dans des moulins anémiques.
Le 12 octobre 2021, Emmanuel Macron a annoncé le développement d’une filière française de petits réacteurs nucléaires de 300 à 400 mégawatts-électriques. Mais sait-il que nos ingénieurs sont les meilleurs au monde pour la construction de ces petits réacteurs compacts très sûrs, quasiment sans entretien, dont TechnicAtome équipe depuis soixante ans nos sous-marins et notre porte-avions ? Nous pourrions les vendre dans le monde entier.
Au-delà de la petite personne du Président, nous aimerions qu’il commence par déclarer souveraine notre énergie nucléaire en la rattachant à la Défense nationale. En même temps, de toute urgence, il faut créer une industrie de construction en série de petits réacteurs dits modulaires, lancer la construction accélérée des nouveaux EPR et construire le remplaçant d’ASTRID pour mettre au point les futurs réacteurs à neutrons rapides.
En attendant, là-bas se murmure la complainte inspirée d’Alfred de Vigny : Fessenheim, Fessenheim, dans ta sombre vallée, Cette ombre noire jamais ne sera effacée.
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* 140 fois plus d’énergie, c’est une loi physique. Le métal uranium contient de l’U235 à 0,7 % et de l’U238 à 99,3 %. Seul l’U235 produit de l’énergie dans les centrales actuelles. Les centrales de 4e génération dites à neutrons rapides, en « brûlant » de l’U238, dégagent donc 100/0,7 fois plus d’énergie que l’U235, soit 142,86 fois plus d’énergie.