Les pénuries alimentaires sont programmées en Allemagne

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L’Union européenne et certains de ses États membres planifient des pénuries alimentaires pour « sauver » la planète. Voici le cas de l’Allemagne.

Ce qui distingue la gouvernance allemande de la française est que la première est fondée sur une coalition incluant les Verts, alors que dans la seconde, le vert est en quelque sorte dans le fruit.

L’accord de coalition entre le SPD, l’Alliance 90/les Verts et le FDP (la coalition « feux tricolores ») a le mérite d’annoncer le programme, alors que notre majorité présidentielle minoritaire semble sortir chaque jour ou presque une nouvelle ineptie.

Deux pour cent de la superficie terrestre pour les moulins à vent

Il ne faut pas en conclure qu’il y a aussi un gradient de rationalité. Le suprême mépris pour les incontournables lois de la physique et les lois plus molles de l’économie règne des deux côtés du Rhin, avec des nuances. Rive droite, il est question de fermer les dernières centrales nucléaires, rive gauche on a annoncé de nouveaux chantiers… et on est passé à la promotion hystérique du renouvelable intermittent et non pilotable, malgré l’échec patent des expériences allemande et danoise.

La leçon n’a pas été apprise non plus en Allemagne :

« Deux pour cent des surfaces du pays doivent être affectées à l’énergie éolienne terrestre. Les détails de l’objectif en matière de surface seront précisés dans le code de la construction. Nous renforçons le comité de coopération entre l’État fédéral et les Länder»

Quelle sera la surface soustraite à la production agricole et alimentaire ?

En admettant que la réaffectation des terres serait uniformément répartie (ce qui n’est pas le cas, on ne met pas d’éoliennes en ville), l’agriculture allemande perdrait 340 000 hectares.

En 2019/2020, le taux d’autosuffisance alimentaire s’était établi à 88 %. On ne saurait dire de combien ce taux serait réduit en l’absence de données plus précises.

La renaturation jusqu’où ?

La ministre de l’Environnement Steffi Lembke a présenté son programme d’action pour la « protection naturelle du climat » – ça ne s’invente pas ! – le 31 août 2022.

Il s’agit de renforcer, restaurer et préserver les écosystèmes afin qu’ils restent des protecteurs du climat, ainsi que des habitats pour les plantes et les animaux. « Je veux rendre la nature forte pour qu’elle nous aide à lutter contre la crise climatique », a expliqué la ministre.

Parmi les 64 mesures envisagées : arrêter l’exploitation de certaines forêts et reboiser 10 000 hectares par an ; remettre d’anciens marais en eau et en faire sortir l’agriculture ; restaurer des prairies humides.

Effets sur la production agricole et alimentaire – et industrielle et énergétique dans le cas des forêts laissées à leur propre sort ? Cela dépendra des incitations financières qui seront mises sur la table. Il est prévu d’investir 4 milliards d’euros jusqu’en 2026.

Trente pour cent des terres agricoles affectées à l’agriculture biologique

L’Union Européenne a adopté une stratégie « de la ferme à la table » – appelée ironiquement « de la ferme à la famine » – prévoyant notamment de convertir 25 % de la surface agricole à l’agriculture dite « biologique ». Les écolos ont fait monter le curseur en Allemagne à 30 % ! Voici le morceau de bravoure du programme de la coalition :

« Nous allons orienter l’ensemble de l’agriculture, dans sa diversité, vers les objectifs de protection de l’environnement et des ressources (agriculture écologique). Nous voulons continuer à développer une agriculture en harmonie avec la nature et l’environnement. Nous voulons atteindre 30 % d’agriculture biologique d’ici 2030. Pour ce faire, nous voulons augmenter les fonds fédéraux destinés au programme fédéral d’agriculture biologique et, conformément à l’objectif de développement, mettre à disposition des fonds de recherche agricole pour les besoins de la recherche en agriculture biologique. Nous élargissons la stratégie d’avenir de l’agriculture biologique à l’ensemble de la chaîne de création de valeur bio. »

L’objectif – passer d’un peu plus de 10 à 30 % de « bio » – est sans doute aussi illusoire que celui des 20%, à partir d’un niveau de départ plus bas, que s’étaient fixés des gouvernements précédents. Il l’est d’autant plus qu’en Allemagne, le secteur est dans une crise dont on voit mal la sortie dans une situation économique où chaque euro compte et où l’alimentation, déjà soumise à une forte inflation, devient de plus en plus une variable d’ajustement.

Notons que c’est aussi la crise en France… ce qui n’a pas empêché notre ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires de titrer en juin 2022 : « Le bio, un secteur résilient au cœur de la transition alimentaire » ! Manifestement, la pensée magique et le hors-solisme opèrent de Paris à Berlin.

Cette pensée magique, accouplée à une extraordinaire naïveté à propos des réalités de l’agriculture et de la nature, accepte d’amputer la production agricole et alimentaire de quelque 10 % en Allemagne. Au moins.

Mais sera-ce vraiment le cas ? La lecture d’un compte rendu de la célébration des 40 ans de Bioland, à laquelle avait participé le ministre de l’Agriculture Cem Özdemeir nous plonge dans la perplexité. S’est-il montré évasif et à la hauteur de son incompétence comme c’est devenu une habitude, ou se rend-il compte que la coalition « feux tricolores » entend foncer dans le mur des réalités en klaxonnant ?

(Sourcesource originale)

Interdiction du glyphosate et réduction de l’utilisation des pesticides

C’est acté pour la fin 2023… quand – normalement, sauf décision politique constituant un affront à la science et la rationalité – l’Union européenne aura renouvelé l’autorisation de l’herbicide le plus utile à l’agriculture et à la gestion de l’environnement.

Relevons cependant que le ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture s’interroge sur la légalité d’une telle décision au regard du droit européen.

Une récente analyse de la littérature a conclu à des résultats dévastateurs du retrait du glyphosate sur l’agriculture européenne : des pertes de rendement de 7 à 30 % en blé et de 5 à 20 % en pommes de terre.

Selon SEGES, une entreprise danoise de services à l’agriculture à but non lucratif, le retrait du glyphosate ajouterait aussi 120 euros aux frais de culture à l’hectare, jusqu’à 270 euros dans le cas de la vertueuse agriculture de conservation… et une utilisation d’herbicides accrue de 20 %.

Il va de soi que l’Allemagne est favorablement disposée à l’égard du projet de règlement de la Commission qui ambitionne de réduire de moitié le recours aux produits de protection des plantes d’ici 2030.

Un tel programme de réduction de la boîte à outils phytosanitaires se traduira inéluctablement par une baisse des rendements ainsi qu’une hausse de leur instabilité au gré des conditions météorologiques changeantes et des attaques des parasites et maladies.

Amélioration des plantes et béate bien-pensance

Entrons dans le domaine qui serait de l’anecdote s’il n’y avait pas quelques effets à la marge :

« Nous voulons soutenir la culture de variétés végétales résistantes au climat. Pour ce faire, nous améliorons les conditions-cadres, y compris pour les variétés-populations, nous encourageons des projets modèles tels que la sélection participative, la numérisation, nous assurons la transparence sur les méthodes de sélection et renforçons la recherche sur les risques et la détection. »

Au-delà de la première phrase – une déclaration d’intention qui ne mange pas de pain et donne bonne conscience –, la première partie de ce texte relève du charabia des promoteurs des « semences paysannes ».

Cela resterait risible si cela ne s’accompagnait pas par du gaspillage financier – que l’INRAE, en France, nous fasse du reste la preuve des travaux de « sélection participative » largement fondés sur les théories lyssenkistes.

Il y a aussi le démantèlement progressif de la législation sur les variétés (le catalogue) et les semences (la certification) dont l’objectif est de garantir à la filière agricole et alimentaire des semences de qualité, saines et marchandes, et de la protéger des accidents et surtout des margoulins.

Quant à la fin du paragraphe, c’est : « sus aux technologies modernes d’amélioration des plantes ! »

L’élevage doublement victime de la bien-pensance nutritionnelle et climato-environnementale

Cette déclaration qui fait se sentir bien relève aussi grandement de l’anecdote :

« Nous renforçons les alternatives végétales et nous nous engageons pour l’autorisation des innovations telles que les sources de protéines alternatives et les substituts de viande dans l’UE. »

Le marché – le palais des consommateurs et leur porte-monnaie – se chargera de faire le tri. Il commence à parler aux États-Unis d’Amérique. Le géant de la viande brésilien JBS vient de fermer sa filiale de substituts végans. Notons cependant cette manie – qui n’est pas seulement allemande – d’exporter les lubies nationales au niveau européen.

Bien plus sérieux sont les discours sur la réduction de l’élevage – ce qui serait bon pour le climat – et le bien-être animal. Ce bien-être est censé ne pas être au rendez-vous aujourd’hui puisque le coalition veut « aider les agriculteurs à transformer l’élevage d’animaux de rente en Allemagne dans le respect de l’espèce ».

La partie « protection des animaux » est la plus longue du chapitre « agriculture et alimentation » du programme de la coalition.

Mais si les intentions – certaines sans conteste bonnes comme la décentralisation des abattoirs et la promotion des abattoirs mobiles – sont nombreuses et formulées avec vigueur, l’intendance ne suit pas. Il y a bien des déclarations générales, mais pour le concret, le ministère de M. Cem Özdemir – cet homme est un végétarien – est évasif sinon évanescent.

S’agissant du projet de marquage de l’origine de la viande, censé profiter à la viande allemande, M. Markus Rücker, ancien directeur de Foodwatch, résume chez le blogueur à très forte audience Willi l’agriculteur : « un ministère veut promouvoir les ventes sans promouvoir les ventes ».

Le drame est que ce no man’s land politique et administratif n’incite pas aux investissements, bien au contraire. S’y ajoute l’incapacité – à moins que ce ne soit de l’indifférence – du gouvernement à répondre à la crise, notamment de la production porcine prise en tenaille par la baisse des cours et la hausse des prix à la production.

L’Allemagne est en train de vivre une « Höfesterben », une mort des fermes. Elle touche en premier lieu – surprise, surprise – ceux qui ont investi dans le bien-être animal, leurs coûts de production étant supérieurs. De mai 2021 à mai 2022, les effectifs ont baissé de 10 % tant chez les producteurs de porcs que dans le cheptel.

Plan national stratégique pour la nouvelle politique agricole commune

« Nous veillons sans délai à ce que les règlements d’accompagnement du plan national stratégique de la Politique Agricole Commune (PAC) soient alignés sur l’objectif de la protection de l’environnement et du climat et de la garantie des revenus. »

Le plan national stratégique (PNS) pour la PAC de 2023 et des années suivantes n’a été envoyé à la Commission que le 30 septembre 2022. Les agriculteurs attendront jusqu’à la mi-novembre – si la réponse de la Commission est positive – pour savoir comment organiser leurs exploitations… les saisons n’attendent pas.

La veste de sécurité pour les poules

Terminons sur une note plus légère, non sans avoir rappelé que M. Cem Özdemir s’est fait tirer l’oreille pour accepter – avec des limitations – la dérogation temporaire accordée en mars 2022 par Bruxelles aux obligations en matière de rotation des cultures et de mise en jachère de 4 % des terres cultivées, pour répondre aux effets de la crise générée par la guerre en Ukraine.

Dans « Weniger Tiere, mehr Hanf » (moins d’animaux, plus de chanvre), un titre un brin sarcastique, le Spiegel avait écrit le 26 décembre 2021 :

« Chez les agriculteurs en Allemagne, Cem Özdemir voit un grand intérêt pour la légalisation du cannabis.  » De nombreux agriculteurs et agricultrices sont dans les starting-blocks pour cultiver du chanvre« , a-t-il déclaré au journal [Bild am Sonntag]»

Dans une vidéo d’avril 2022, M. Cem Özdemir avait commencé à montrer une veste de sécurité pour poules – contre les rapaces, pas pour traverser la route – avant d’être interpellé au sujet de la légalisation du cannabis prévue dans le programme de la coalition. Il a fait enregistrer une autre vidéo, plus précise, par la suite.

Cem Özdemir, was bringen Warnwesten für Hühner? (Nachklapp zu 420 Interview) – YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=hcjzv_ViRQc&t=4s

Commentaire de Willi l’agriculteur : « Quand on fait preuve d’un désintérêt aussi manifeste pour les agriculteurs, il ne faut pas s’étonner que ces derniers se mettent en colère. »

Il y a un motif de colère bien plus important : le désintérêt pour la situation agricole et alimentaire, bref économique et partant sociale, en Allemagne, en Europe et dans le monde.

 

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