Le sens de nos vies est-il renouvelé de COP en COP ?

Alors qu’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU est allé jusqu’à parler d’un « suicide collectif  » et a affirmé que nous étions «  sur l’autoroute de l’enfer climatique  » en introduction de la COP 27, rejoignant en cela les complaintes des écologistes radicaux qui se multiplient, une question essentielle se pose :  quelle est l’utilité de cette grande messe annuelle.

Par Samuel Furfari, professeur en géopolitique de l’énergie, président de la Société européenne des Ingénieurs et Industriels, docteur en sciences appliquées, ingénieur polytechnicien, Michel de Rougemont, ingénieur chimiste et docteur en science et technologie et Jean-Paul Oury, docteur en histoire des sciences et technologies, consultant.

Combattre le dérèglement climatique ? C’est la promesse des  politiques, des ONG et des médias qui se retrouvent chaque année pour la Conférence des États parties à la convention-cadre sur le changement climatique. La COP 27 égyptienne n’a pas fait exception. Et comme les événements précédents, l’objectif qu’entrevoient les participants relève d’un même sophisme : parler de dérèglement suppose qu’un ordre établi prévalait qui se serait détérioré, ce qui est absurde mais renforce l’obsession du paradis perdu.

Le réchauffement en cours est indéniable. Il est global et concerne un énorme système qui s’est mis en marche il y a deux siècles environ et qui chauffe à la vitesse actuelle de 1,1 °C par siècle. Comme un paquebot, une fois un élan donné et quelque peu poussé par l’activité humaine, il n’est pas possible de changer abruptement son cours ni de le stopper.

En outre, le GIEC accompagne des scénarios de probabilités d’augmentation de la température. Ceux qui dépassent 2 °C en 2100 ont des probabilités assez faibles. Parler d’une augmentation de 3 °C, comme certains aiment le faire, sans préciser que c’est peu probable, participe à la doxa climato-catastrophiste.

Si le changement climatique relève du truisme, le concept de dérèglement climatique, par contre, est une fiction qui accentue le climato-catastrophisme. Cette dernière participe à une récupération politique de la science du climat dont l’objectif est d’installer une Climatocratie (1) mondiale, autrement dit un régime qui pourrait prendre des mesures universelles pour agir sur le changement climatique. Elle voudrait qu’il n’y ait qu’un seul son de cloche, celle qui sonne le tocsin pour alarmer et culpabiliser l’humanité de cette situation. Or, il existe plusieurs stratégies possibles comme nous allons le voir.

Mitigation impossible

La Climatocratie ayant réussi à imposer ce consensus, il semble désormais que toutes les voix convergent uniquement vers la seule décarbonisation et donc la condamnation de notre civilisation et de sa conception prométhéenne de la science et de la technologie, ce qui équivaut à un appel à la décroissance. Dès la COP1, les politiques climatiques sont focalisées sur une cause, maintenant déclarée unique et sans précédent, les émissions de gaz à effet de serre, et donc sur la nécessité d’en réduire l’ampleur. Certes, l’accord de Paris contient aussi un volet dédié à l’adaptation, c’est-à-dire se donner les moyens de vivre avec le problème. Cependant, les engagements des pays et toute la communication sont pratiquement liés à la réduction des émissions.

Il y a eu 27 COP depuis l’adoption de la convention sur le climat en 1992. Les résultats concrets ne sont pas perceptibles puisque les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 59 %[1]. Si les pays industrialisés, l’Europe surtout, semblent avoir fourni des efforts en réduisant leurs émissions, cela est aussi dû à une désindustrialisation dirigée vers l’Asie, dont les émissions se sont multipliées au-delà de sa croissance interne, ainsi qu’à une simple substitution de l’emploi du charbon par celui du gaz naturel.

De plus, ces événements ne servent pas à analyser un rapport coût-bénéfice des engagements qui sont formulés par les pays. Pourtant, comme l’a remarqué Bjorn Lomborg, l’Accord de Paris est l’accord le plus cher de l’histoire de l’humanité avec une estimation de 1.000 à 2.000 milliards de dollars tous les ans à partir de 2030 s’il est mis en œuvre. Cette facture paraît absurde alors que, comme le calcule le président du Copenhagen Consensus Center, « même si chaque gouvernement de la planète tient non seulement toutes les promesses de cet accord, réduit toutes les émissions d’ici 2030, ne transfère aucune émission vers d’autres pays et maintient également ces réductions d’émissions pendant le reste du siècle, les températures ne seront contenues que de 0,17 °C. d’ici l’an 2100  ».

Mais la Climatocratie n’est pas prête à renoncer à sa mission impossible, bien au contraire. Face à cet échec et pour continuer de persuader l’opinion qu’il faut continuer dans cette direction et faire davantage d’efforts, elle a produit un autre sophisme pour affoler les foules, celui de créer un biais d’expérience en faisant passer la météo pour le climat. Tous les commentateurs s’en emparent pour attribuer systématiquement tout événement météorologique extrême au réchauffement climatique. Par exemple, la question est toujours posée d’une augmentation possible de l’intensité et de la fréquence d’événements tels qu’inondations, sécheresses, incendies de forêts, ouragans, etc. Rien ne prouve cela mais, par les aléas d’un été caniculaire, sec et enflammé, la tentation est grande de le croire alors que même le GIEC ne partage pas de telles analyses et attributions abusives. Les moyens d’y faire face n’ont pas cessé de s’améliorer et, relativement aux populations exposées, les dégâts causés sont bien moindres que par le passé.

Des solutions pour l’adaptation

Une fois bien effrayés par les tempêtes tropicales ou les inondations, que savons-nous faire ? Quels investissements valent-ils la peine d’être entrepris pour faire face à ces phénomènes naturels qui ont toujours existé ? Imposer toujours plus de mesures sacrificielles et restrictives ou continuer une bonne croissance économique permettant de s’adapter face aux grains ? Par exemple, à la Réunion, île tropicale  française, les maisons sont construites selon les règles et le savoir-faire français. Quand la tempête arrive, les maisons résistent. D’ailleurs, les habitants sont dûment informés de ne pas en sortir. Résultat, il n’y a pas ou très peu de victimes. Aux Philippines, au Bangladesh, en Floride même, là où les maisons sont faites de tôles et de bouts de bois, la tempête détruit tout sur son passage.

Pourquoi alors ne pas miser davantage sur l’adaptation ? Il faut comprendre que, pour les alarmistes du climat, les efforts d’adaptation ne doivent pas être prioritaires car ils peuvent craindre que cela conduise à une banalisation du réchauffement puisque nous pourrions nous en accommoder.

Si les objectifs de mitigation systématiquement formulés lors des COP semblent totalement intenables comme nous venons de le voir, c’est qu’il n’existe aucune technologie qui permette de faire passer la dépendance du monde aux énergies fossiles de 81 % à zéro, ce pourcentage diminuant actuellement de 0,3 % chaque année. Un esprit aussi linéaire que chagrin pourrait alors dire qu’à ce rythme-là, le net zéro sera atteint dans 270 ans alors que l’on prétend ne s’en donner que 28. Qu’il s’agisse du nucléaire ou de la capture et séquestration définitive du CO2 , rien de toutes ces solutions ne permettront d’atteindre les ambitions définies lors des COP. Pour l’adaptation en revanche, les défis ne sont ni quantitatifs ni technologiques, même si, par exemple, de gros travaux d’endiguement devront être réalisés. Elle se fera sans nécessiter de planification, de gigantisme ou de gouvernance mondiale (2).

Aussi, les enseignements du passé montrent que chacune des transitions vers une nouvelle source d’énergie s’est faite en utilisant un surcroît de l’énergie existante. C’est ce que démontre l’expert énergéticien Vaclav Smil : la transition du bois vers le charbon a été effectuée à la force des bras, la combustion du charbon a permis le développement du pétrole, le nucléaire ne s’est pas créé tout seul ; c’est donc en utilisant du pétrole et du gaz que que les équipements nécessaires à une transition énergétique pourront être construits. Or certains veulent diaboliser les fossiles et le nucléaire pour nous pousser dans les bras des énergies intermittentes que sont le solaire et l’éolien, en les présentant comme seules solutions durables, alors qu’elles entraînent des pénuries et forcent à utiliser encore plus d’énergies conventionnelles pour palier leur intermittence.

Plutôt risques et bénéfices que bien ou mal

Là encore il faut se débarrasser d’un sophisme qui consiste à moraliser le débat et parler de source d’énergie en termes de risques et de bénéfices et non de bien ou de mal. Par un réflexe pavlovien, les Climatocrates veulent systématiquement subventionner ces énergies intermittentes, pour les plus positifs d’entre eux, alors que d’autres se contentant d’appeler à la décroissance et de stigmatiser toute solution technique. Et ne parlons pas de Strasbourg et Bruxelles qui, pour tenter de réduire les émissions de CO₂, ont sorti de leur chapeau de prestidigitateur le lapin hydrogène, qui n’est même pas une énergie primaire, puisqu’il faut consommer de l’énergie pour le produire : autant brûler des sacs Louis Vuitton pour se chauffer (3).

Si la conclusion de cette COP pouvait être de réorienter les objectifs en admettant que, face au changement climatique, les mesures de mitigation relèvent de la mission impossible, elle pourrait alors libérer les esprits de leurs charges morales et leur permettre de reprendre foi dans la science prométhéenne trop longtemps sacrifiée sur l’autel de l’écologisme. Elle en finirait avec cette tendance suicidaire promulguée par le secrétaire général de l’ONU et se fixerait alors des objectifs atteignables d’adaptation pour échapper à l’enfer de la décroissance : nouvelles générations de réacteurs nucléaires, y compris des modulaires aptes à être déployés simplement, fusion nucléaire un jour ; mais aussi les nouvelles biotechnologies (NGT, New Genomic Techniques) permettant de développer des semences résistantes au stress climatique ainsi que des méthodes conservation des sols et d’agriculture de précision… ces solutions sont réalistes et faisables, fruits de notre civilisation.

Mais il semble bien que tout cela relève d’un vœu pieux alors que, suivant le ton donné par la Climatocratie, la science des législateurs continue de l’emporter sur celle des ingénieurs.

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(1) Jean-Paul Oury « Greta a ressuscité Einstein, la science entre les mains des apprentis dictateurs » (VA edition, 2022)

(2) Michel de Rougemont « Réarmer la raison » (2017)

(3) Samuel Furfari « L’Utopie de l’hydrogène » (2020)

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[1]  En Amérique latine +73 % ; en Afrique +93 % ; hors OCDE +134 % ; en Inde +280 % ; en Chine +311 % ; et au Vietnam +1380 %. S’il n’y avait pas eu la Covid elles auraient crû de 65 %.

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