Permis carbone : en route pour l’algorithmocratie

Emmanuel Macron a donné son approbation à une proposition sur «un CO2 score» dont la conséquence probable serait de promouvoir des algorithmes aptes à formater nos comportements et à imprégner nos esprits d’une attitude sacrificielle en conformité avec l’idéologie écologique.


Le permis carbone : en route pour l’algorithmocratie

Lors de l’émission d’anticipation BFMTV2050 diffusée le 14 novembre, parmi les solutions proposées pour gagner le défi climatique, l’une d’entre elle s’est fait particulièrement remarquer : le permis carbone… Rappelons qu’il y a quelque temps, parmi les 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron avait validé celle d’un CO2 score « qui permettra à chaque citoyen d’évaluer l’impact sur le climat sur ce qu’il consomme ou mange ». Théorie du complot, scénario dystopique ou proposition gouvernementale ; que recouvre cette idée et quelles seraient les conséquences de son application ?

Lifestyle impact calculator : simulez votre empreinte carbone

A l’occasion du World Economic Forum de Davos, J. Michael Evans a défrayé la chronique sur twitter, et pas seulement dans les sphères complotistes. Le président d’Alibaba Group a évoqué la possibilité d’une application qui permettrait aux consommateurs de mesurer leur propre empreinte carbone en fonction de leurs déplacements et de la manière dont ils voyagent, de ce qu’ils mangent, de ce qu’ils consomment. Loin de relever de la fiction cette idée est déjà bien réelle. Le site de l’entreprise suédoise Doconomy, le « Lifestyle Impact Calculator 2.0 » (littéralement, le Calculateur d’impact de mode de vie), réalisé en partenariat avec la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, vous permet de découvrir votre impact sur la planète à l’issue d’une douzaine de questions.

Le pays de résidence est le tout premier critère. Si vous vivez en France, vous avez une empreinte de 0,34 tonne de CO₂  (en Afghanistan elle aurait été de 0,11 et aux USA de 0,45). La deuxième question porte sur l’utilisation d’énergie renouvelable et permet de choisir entre quatre options : « oui », « non », « oui je produis ma propre électricité renouvelable » et « je ne sais pas ».

Ensuite, viennent les paramètres chauffage de votre foyer et source d’énergie pour cuisiner ; puis votre mode de transport, le nombre de vols effectués, votre temps passé dans les transports en commun , vos dépenses en meubles et articles de sports, appareils ménagers et vêtements (neufs ou d’occasion!)

Enfin, l’ultime question porte sur votre alimentation. Arrêtons-nous sur cette dernière qui donne une parfaite idée de l’orientation de ce questionnaire :  « omnivore » c’est (+1,33), « un jour sans viande » (+1,26), « j’essaye d’éviter la viande rouge » (+1,14), « je ne mange pas de viande rouge » (+0,66), « je mange du poisson » (+0,66), « je suis végétarien » (+0,83), « je suis végan » (+0)[1].

Les biais du système

La dernière question démontre s’il en est besoin l’orientation idéologique de l’algorithme. Les biais sont multiples : en effet, pour prendre un autre exemple, le choix de la réponse « énergie solaire » induit un moindre impact. Or, on sait parfaitement que le recours à cette source intermittente implique, pour fonctionner, le recours forcé à une production d’énergie pilotable, autrement dit, à des centrales à gaz ou à charbon, qui sont des sources d’énergies carbonées.

Idem pour le véhicule électrique qui est comptabilisé comme neutre. Pourquoi l’énergie grise (les émissions de CO₂ produites tout le long de la chaîne de fabrication du véhicule) ne sont-elles pas prises en compte ? Ensuite un principe de base dit qu’« une voiture électrique est aussi propre que la manière de produire l’électricité. » Dans le cas, par exemple, d’un pays où 40 % de l’énergie utilisée par le véhicule électrique serait produite par une centrale à charbon (c’est le cas de la Chine), le véhicule produirait 20 % de CO₂ en moins qu’un modèle thermique. Dans le cas où l’électricité serait davantage décarbonée (en France, par exemple, grâce au nucléaire), le véhicule émettrait 80 % de CO₂ en moins.

On perçoit les limites du système : l’algorithme renforce par des biais des présupposés idéologiques issus de l’idéologie écologiste et induit les utilisateurs du calculateur en erreur.

Enfoncer l’attitude sacrificielle dans les crânes

Mais il y a plus grave encore. La vérité défendue par ce genre d’algorithme est que seule une attitude décroissante peut permettre d’atteindre l’objectif visé. Aussi, le moyen pour y parvenir réside forcément dans des attitudes sacrificielles.

Or, ces dernières, en plus d’être inefficaces, ont des implications sur le comportement des individus comme le démontre Bjorn Lomborg en citant l’exemple d’une famille qui participait au programme « Ethical man » sur la BBC : après avoir diminué son empreinte carbone de 20 %, elle s’est offert un voyage à l’autre bout du monde avec les économies réalisées !

Chaque attitude sacrificielle est suivie d’un « effet rebond ». L’argent économisé permet l’achat d’un autre bien qui annule l’effort accompli. Outre l’efficacité comportementale douteuse, il faut s’interroger sur l’impact macro-économique qu’aurait la transposition des implications de cet algorithme dans notre quotidien, au travers par exemple, d’une carte de crédit bloquante (un ticket de rationnement virtuel) comme le propose Doconomy (autrement dit le permis carbone). Cela nous forcerait immédiatement à la décroissance. Or, une société qui fait un tel choix est tout à fait imaginable, mais les conséquences seront terribles pour les citoyens qui subiraient l’appauvrissement général et l’apparition d’une caste – l’Algorithmocratie ? – qui pourrait s’attribuer des droits que d’autres n’ont pas, puisque se situant au-delà des mobiles économiques…

C’est ainsi que l’on voit déjà certains justifier le fait qu’ils voyagent en jet privé pour se rendre à des sommets de la Terre… Pour eux la fin justifiera toujours les moyens.

Planification et néo-scientisme

A titre de comparaison, si on calcule via le Lifestyle impact Calculator l’empreinte d’un Ethiopien qui ne prendrait jamais les transports, ne disposerait d’aucun véhicule, se chaufferait et cuisinerait de manière alternative (charbon de bois et bouse séchée), ne s’achèterait ni vêtement, ni appareil ménager, ni produit de beauté, mais mangerait occasionnellement de la viande (l’inverse de la question proposée)… son impact serait tout à fait respectueux des cibles définies par l’Accord de Paris, puisqu’il ne serait, selon l’algorithme de Doconomy, que de 1,04 tonne de CO₂ (et encore c’est en supposant qu’il ait la chance de manger occasionnellement de la viande, car sans cela il pourrait encore mieux  faire). Au travers de cet exemple fictif on réalise parfaitement le type de société que souhaitent planifier les algorithmocrates qui font la promotion d’un permis carbone.

Nous voici donc ramenés au scientisme de Renan qui pensait dur comme fer que la science pouvait organiser la société. Or, cette application fait son chemin dans les esprits et devient tous les jours un peu plus crédible, car comme je le démontre dans Greta a ressuscité Einstein, les politiques ont récupéré la science et pensent que l’on peut s’appuyer sur des modélisations pour créer et justifier de nouvelles lois (la climatocratie soutient l’algorithmocratie)…

On assiste à un véritable changement de paradigme et la science des législateurs l’emporte sur celle des ingénieurs. La création d’un ticket de rationnement virtuel qui s’appuie sur un algorithme pensé d’après les modèles climato-catastrophistes en est la parfaite illustration.

Et si nous ne prenons garde, le sort de nos libertés sera à tout jamais scellé dans ce gadget de l’algorithmocratie. 

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