Électricité : on en manque et on en exporte ? Explication

(Un article de Daniel Fédou de BV du 17/12/22)

Des lecteurs de mon précédent article ont demandé : est-il raisonnable de supposer que l’on exporte de l’électricité alors qu’on en manque et qu’on doit en importer ? Oui, c’est malheureusement une hypothèse qui doit être envisagée. La raison en est qu’il y a deux types d’acteurs qui agissent indépendamment : EDF et ses filiales de transport d’une part, les nouveaux fournisseurs d’électricité d’autre part.

Or, ces derniers n’ont pas été créés pour assurer l’approvisionnement des consommateurs français mais pour faire de la concurrence à EDF sur les coûts de distribution.

Il y avait une autre motivation, dont l’Union européenne ne s’est pas vraiment cachée : celle d’enlever à la France l’avantage concurrentiel que lui donne son parc nucléaire, qui produit à coûts plus faibles. Ainsi, la centaine de TWh[1] qu’EDF est contrainte de vendre à ces fournisseurs chaque année à bas prix est certainement convoitée par des clients étrangers, dont les industriels allemands.

C’est pourquoi en France, et contrairement à ce que notre bon sens nous dit, les exportations d’électricité peuvent aller de pair avec des importations. Mieux : plus nos nouveaux fournisseurs exportent, plus nos opérateurs historiques doivent importer pour satisfaire les besoins français.

Est-ce le cas ? On n’a pas trouvé les données qui permettent de l’affirmer. Bizarrement, alors que le site de RTE nous fournit tous les quarts d’heure les chiffres de la production en cours[2], ces chiffres ne sont plus mémorisés depuis fin mai. Sur ceux disponibles, on a simplement remarqué que l’on a eu une nette augmentation des importations entre 2020 et 2021, de 9,4 TWh. On aurait pu attendre une baisse simultanée des exportations. Or, on constate qu’elles ont augmenté elles aussi, d’une valeur aussi importante, à 9,2 TWh.

L’opinion publique ne comprendrait sans doute pas que le gouvernement lui demande de restreindre fortement sa consommation alors que RTE exporterait de l’électricité. C’est pourquoi j’ai proposé que, dans la situation actuelle de pénurie, ces exportations soient interdites.

Je ne crois pas, en effet, que l’on puisse compter sur le sens du devoir des fournisseurs alternatifs. Comment pourrait-on le leur reprocher ? Ils sont entrés sur ce marché dans le cadre très libéral imposé par Bruxelles pour gagner de l’argent en faisant de la concurrence à EDF, un monopole public supposé inefficace. Un bon nombre d’entre eux sont d’ailleurs des filiales françaises de sociétés étrangères.

On découvre, d’ailleurs, que leur pénétration s’est faite à l’aide d’arguments publicitaires trompeurs. Pour comprendre pourquoi, il faut savoir qu’il n’existe en France qu’un réseau électrique, désormais géré par RTE et Enedis, dans lequel est injectée toute l’électricité produite. Cette injection faite, aucun consommateur ne peut savoir quel type d’électricité il reçoit : les électrons transportés par ce réseau sont totalement indistinguables.

C’est pourquoi annoncer, comme ils font, qu’ils fournissent une électricité 100 % française est déjà inexact. En 2021, la France a importé 7,8 % de l’électricité produite. Chacun en revend donc en moyenne la même proportion. Mais annoncer, comme ils le font presque tous, qu’ils fourniront une électricité verte à 100 % est, pour les mêmes raisons, un mensonge caractérisé. En effet, seule une petite minorité – 23,6 % – des électrons livrés en 2021 étaient d’origine verte – hydraulique, éolien, solaire, bioénergies. Les nouveaux fournisseurs ont donc fait livrer, comme le fournisseur historique. une électricité non verte pour plus des trois quarts.

On peut accepter ce mensonge lorsqu’il est formulé par les quelques nouveaux fournisseurs qui injectent dans le réseau de l’électricité verte – à la condition qu’ils ne fournissent pas davantage de kWh à leurs clients, ce qui demande vérification. En revanche, il s’agit d’une tromperie caractérisée de la part de ceux qui ne produisent rien, c’est-à-dire la plupart d’entre deux. Ils se donnent comme alibi l’achat de certificats dits « garanties d’origine ». Selon moi, cela confirme qu’ils sont conscients de tromper les consommateurs qui sont prêts à faire des efforts pour contribuer à la décarbonation de l’atmosphère.

[1] Le quart de la production nationale d’électricité à partir du nucléaire
[2] https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere

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