L’Union Européenne vote une fuite en avant insoutenable dans les renouvelables

(Article initialement publié dans IREF du 4/4/23)

Le Parlement européen et les gouvernements de l’Union viennent de conclure un accord pour augmenter à 42.5% l’objectif d’énergies renouvelables dans le mix de consommation énergétique (consommation brute finale) de l’Union européenne pour 2030, en lieu et place du précédent objectif de 32%.

Cet accord doit encore faire l’objet d’une approbation formelle du conseil des ministres de l’UE et du parlement pour avoir force de loi. Cette approbation ne semble guère faire de doute. Mais les politiciens à l’origine de cette décision se sont-ils seulement posé la question de la faisabilité d’une telle décision ?

Chiffres : ce qu’implique le nouvel objectif européen

La consommation brute d’énergie finale de l’Union européenne[1] a atteint 984 Mtep (source: UE), soit ~11450 TWh, en 2021. Cette valeur est quasiment la même qu’en 2011, et représente une baisse de ±5% depuis le pic de 2006 (figure 1)

Figure 1

Selon l’UE, la part des ENR dans cette consommation finale a été de 22% en 2021, contre 14.5% 10 ans plus tôt, en 2011.

Pour atteindre l’objectif fixé, l’UE veut d’une part abaisser la consommation d’énergie finale autour de 850 Mtoe (9800 TWh) d’ici 2030. C’est un objectif très discutable, puisqu’il suppose une baisse de cette valeur d’environ 14% en 9 ans (depuis 2021), bien plus forte que toutes les baisses précédentes.

Or l’intensité énergétique du PIB de l’Union s’améliore en moyenne de 1.7% par an, soit, en 9 ans, de 14%. Le vœu de l’UE suppose donc un arrêt de la croissance, ou des miracles technologiques permettant de maintenir la croissance au rythme actuel (1,2%/an entre 2011 et 2021) en diminuant notre intensité énergétique de 2.8% par an, soit une accélération de 64% de nos gains annuels d’efficacité énergétique. On voit mal d’où pourraient provenir de tels gains.

D’autre part, l’UE souhaite donc que 42.5% de cette énergie finale provienne d’énergies renouvelables (hydroélectricité, éolien, solaire, bioénergies et géothermie). Voyons ce que cela implique en termes d’ordres de grandeurs de déploiement de ces énergies, en supposant que la « cible » de consommation globale soit atteinte. Sachant que la production hydroélectrique européenne reste à peu près constante depuis 30 ans, nous supposerons qu’elle ne variera pas, autour de 800 TWh par an (figure 2).

Figure 2

Autrement dit, l’augmentation annuelle de production d’électricité par les renouvelables devrait être plus de deux fois plus rapide entre 2021 et 2030 que lors de la décennie précédente.

Depuis le décollage des néo renouvelables, l’éolien représente un peu plus de 50% de leur production. Il est donc probable qu’une grande partie de la réussite de l’objectif européen repose sur une intensification du déploiement d’éoliennes, terrestres et maritimes.

Une accélération inenvisageable

On voit mal comment une telle accélération du déploiement des renouvelables serait possible. En effet :

  • La courbe de baisse des coûts d’investissement des néo-renouvelables est fortement ralentie (Figure 3), du fait de la hausse des taux d’intérêts et de celle du prix de nombreuses matières premières, notamment certains métaux rares, entrant dans leur composition. L’offre minière ne parvient pas à suivre la demande induite par le photovoltaïque et l’éolien, sans parler de l’électrification du parc automobile. L’ère des taux bas et des matériaux bon marché qui avait permis une baisse significative des coûts de déploiement des renouvelables dans la décennie précédente semble révolue. L’association des producteurs éoliens européens indique dans son dernier rapport qu’ils n’espèrent pas de nouvelle réduction des coûts d’investissement dans les années à venir.

Figure 3 : dépense en capital (CAPEX) par MW produit (éoliennes terrestres et en mer)

  • Malgré les subventions gigantesques accordées par les États, les exploitants de fermes éoliennes obtiennent des résultats financiers souvent moins bons qu’espérés. En effet, l’usure prématurée des grandes éoliennes, des facteurs de vent parfois décevants, impactent négativement les comptes d’exploitation, conduisant régulièrement les exploitants de champ éoliens -ainsi que les fabricants de turbines- à demander plus d’aides. Mais plus d’aides signifie plus de taxes ou plus de dettes, ce qui ne sera pas éternellement soutenable. De ce fait, en Allemagne, ce sont 6GW de projets éoliens qui ont été abandonnés ces derniers mois faute de rentabilité.
  • L’Union européenne a déployé 16 GW de capacité éolienne en 2022. Le nouvel objectif suppose une multiplication par un peu plus de 2 (± 35 GW) de ce rythme de déploiement. Le prix de déploiement du MW éolien variant entre 1.2M€ (onshore) et 3.5 M€ (offshore), ce sont entre 45 et 70 milliards d’investissement annuels qu’il faudrait susciter pour atteindre cet objectif, alors même que les établissements financiers finançant ces investissements se trouvent aujourd’hui fragilisés. Naturellement, des coûts du même ordre devraient être investis dans le solaire et les autres énergies renouvelables.
  • Ces estimations n’incluent pas tous les surcoûts considérables que l’intermittence des néo-renouvelables impose aux gestionnaires de réseaux électriques, qui constituent une « subvention cachée » aux producteurs de renouvelables versée par les autres producteurs d’électricité et les transporteurs, et qui est une fonction croissante du pourcentage d’énergies renouvelables intermittentes non pilotables fournies au réseau (source).
  • Enfin, partout en Europe, alors que les sites favorablement ventés non encore exploités sont plus rares, les oppositions à l’installation de nouvelles éoliennes se multiplient. Voilà pourquoi l’accord entre l’UE et les gouvernements prévoit que partout soient adoptés des textes réduisant les possibilités de recours des opposants à l’installation d’éoliennes, comme la France l’a (hélas) déjà fait.

 

Toutes ces considérations induisent que l’atteinte de l’objectif européen relève du « miracle ». Un miracle qui n’en sera d’ailleurs pas vraiment un, puisque nous ne bénéficierons pas de plus d’énergie, qu’elle sera notablement plus chère, et que l’impact de ces mesures européennes sur le climat mondial avoisinera le zéro absolu (source). La transition énergétique, c’est beaucoup de bruit et beaucoup de milliards pour rien.

 


[1] Note méthodologique concernant les chiffres de consommation d’énergie primaire ou  finale renouvelables diffusées par l’UE, ainsi que par la plupart des institutions comme BP, et reprises par “Our World in Data” ou “Statista”: lorsque ces consommations sont additionnées à celles provenant d’énergie fossiles, quelle que soit l’unité, elles sont divisées par un coefficient de l’ordre de 0.4, correspondant à la perte énergétique par effet Joule des usines électrique basées sur les énergies fossiles. L’énergie consommée est ainsi comparable à celle qu’il aurait fallu brûler en fossile pour obtenir la même consommation d’énergie. Cela explique que la production réelle de renouvelables en TWh de l’UE soit de 1075 TWh mais que l’UE affirme que la consommation finale de renouvelables est de 22% de 11400 TWh soit 2518 TWh, soit un ratio de 0.427. La méthode paraitra curieuse aux non-initiés mais est valide.

Explication plus détaillée sur cette méthode de calcul dite “par substitution” : https://ourworldindata.org/energy-substitution-method

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Une réponse

  1. L’Union européenne n’a pas compris que non seulement les EnR ne pourront jamais croître suffisamment et être suffisamment fiables mais que de plus elles ne sont en aucun cas une solution! Elle veut remplacer des énergies donnant du CO2 alors que le CO2 n’est pour rien dans les évolutions climatiques par des énergies n’en produisant soi disant pas mais qui comme les autres auront les mêmes effets de réchauffement!
    Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de longues études pour comprendre que les capteurs solaires, par exemple, absorbent 100% du rayonnement incident haute fréquence mais n’en transforment que 15% en électricité, le reste étant pour 85% renvoyé dans la nature sous forme de rayonnement thermique!

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