Énergies renouvelables : au-delà du possible, il n’y a plus de limite

(Michel Negynas dans Contrepoints du 9/4/23)

Des écarts significatifs entre les performances des pays européens en matière d’énergies renouvelables.

Les États voulaient 40 %, la Commission 45 %. Comme toujours l’Europe a trouvé un compromis qui change tout : la part des énergies renouvelables en Europe sera de 42,5 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030. Cela comprend : l’hydraulique, la biomasse, l’éolien, le solaire, la géothermie.

À noter que les pompes à chaleur sont étiquetées « à énergie renouvelable ». On ne sait pas si c’est quel que soit la nature de l’énergie ou du vecteur énergétique qui les alimentent. C’est pratique si on veut allonger la sauce. Le nucléaire, lui, n’est pas considéré comme renouvelable. Il est juste toléré en tant que « non fossile ».

Quelle était la situation en 2020 ?

Pour l’ensemble de l’Europe, on est à 22 %. Il « suffira » donc de presque doubler en dix ans. Mais les dernières années n’ont pas évolué de façon significative, sauf écarts dus à la consommation finale et à la météo.

Les pays européens sont inégaux devant ces objectifs. Avec 60,1 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans sa consommation finale brute, la Suède était en 2020 le pays de l’Union européenne le plus à la pointe en la matière. Elle dépassait ainsi la Finlande (43,9 %), la Lettonie (42,1%) et l’Autriche (36,5 %). La performance de ces pays a une seule cause : des possibilités d’hydraulique très importantes par rapport à la population.

Viennent ensuite les grands pays. L’Allemagne et la France sont à 20 % environ, une égalité qui va d’ailleurs à l’encontre de la perception du public. La France bénéficie d’un parc hydraulique plus important que celui de l’Allemagne.

Cette analyse montre que c’est l’hydraulique qui est prépondérante dans les performances. Or, les perspectives d’augmentation sont assez faibles : quasi nulles sauf en Suède et en Norvège. La biomasse restera limitée car on ne peut pas tout brûler ou faire pourrir…

Perspectives de progrès

L’atteinte de l’objectif passera donc par une électrification via l’installation à marche forcée d’éoliennes et de panneaux solaires et éventuellement de pompes à chaleur, à condition toutefois qu’on ferme les yeux sur l’origine de l’électricité.

On est en droit de rechercher les études qui définissent comment y arriver, surtout dans sept années. Je n’en ai trouvé aucune.

Pourtant, en Allemagne, il y avait déjà en juin 2018 quelques clairvoyants, dont le ministre de l’Énergie de l’époque lui-même ! Je cite :

« Lors d’une réunion des ministres de l’Énergie à Luxembourg le 11 juin, reportée par Euractiv, Peter Altmaier, le ministre allemand, avait fustigé les objectifs « irréalisables » de l’Union en termes d’énergies propres. Pour lui, cela fait partie des raisons pour lesquels les électeurs ne font plus confiance aux cercles politiques.

« L’Allemagne soutient des objectifs responsables, mais atteignables », a indiqué Peter Altmaier dès le début de la rencontre, soulignant les efforts consentis par Berlin pour faire passer la part des énergies vertes à 15 % dans le pays.

Des efforts qui coûtent cher aux citoyens allemands, soit environ 25 milliards d’euros par an, selon lui.

« Et si nous adoptons des objectifs qui dépassent les 30 %, cela impliquerait plus d’un doublement de cet effort dans les dix ans à venir. »

Quant à l’objectif de mettre un million de voitures électriques en circulation d’ici 2020 sur les routes allemandes, « nous n’y parviendrons pas », estime-t-il. « Aucun pays européen ne peut faire ça. Et même si nous parvenions à mettre en circulation assez de véhicules électriques, nous n’aurions pas assez d’énergie propre pour les alimenter », assure-t-il. Il est donc favorable à « un compromis sans objectifs irréalisables » au niveau européen. L’intervention du ministre allemand a été qualifiée de « pathétique » par Claude Turmes, principal négociateur du Parlement sur le dossier, qui deviendra ministre de l’Énergie au Luxembourg d’ici la fin du mois. »

Et 5 ans après, la réponse des Européens, y compris des Allemands, c’est de passer de 30 à 42 % !

Perspectives de progrès

En réalité, la biomasse, même si actuellement, c’est le poste le plus important  est limitée : on ne va pas déforester l’Europe et couvrir nos champs de colza et de maïs pour les faire pourrir. Et la géothermie (hors pompes à chaleur) restera marginale. La seule issue est une électrification à outrance : chauffage électrique et  mobilité électrique et passage de l’industrie fortement consommatrice à l’électrique, mais sans nucléaire… Or, on voit bien qu’aucun de ces moyens n’est mobilisable en 7 ans en quantité significative. L’interdiction des véhicules thermiques est en 2035, on ne peut installer des pompes à chaleur partout, et dans l’industrie, la conversion est soit impossible (chimie) soit à l’état de pilotes)

Mais admettons que ce soit possible. Il est assez facile, par exemple pour la France, de calculer quels seraient les besoins. Rappelons que le nucléaire n’est pas considéré comme renouvelable.

Approximativement, la consommation d’énergie en France est de 1500 TWh, dont 300 TWh d’ENR. (La production d’électricité est de 500 TWh.) Compte tenu des remarques ci-dessus, pour arriver à 40% d’ENR, il faut en faire 300 TWh de plus, essentiellement avec de l’éolien  et du solaire. (On n’aura de toutes façons pas de nucléaire de plus que maintenant en 2030.)  L’éolien et le solaire font 50 TWh actuellement, pour 30 GW d’installés. Il faut donc multiplier les parcs par 6, et installer en tout 180 GW d’éoliennes et de panneaux solaires en 7 ans. C’est trois fois le parc nucléaire actuel, et dans 20 à 25 ans il faudra tout recommencer car c’est la durée de vie de ces engins.

Ces chiffres intègrent les pompes à chaleur dans le renouvelable, si on ferme les yeux sur l’origine de l’électricité, une partie des 300 TWh pourraient toutefois être nucléaires. Par contre, on raisonne à activité constante.

Conclusion

Peter Altmaier ne s’attardait qu’aux coûts astronomiques de ces objectifs surréalistes. Mais en deçà des coûts, c’est la faisabilité qui est en cause, et même un calcul de coin de table permet de le démontrer. Il n’y aurais pas de coins de table, à Bruxelles ? Mais laissons au Ministre le soin de conclure :

« Les citoyens de toute l’Europe perdent confiance dans la politique. Quand ils nous voient instaurer des objectifs très ambitieux puis, quelques années, les manquer, nous ne répondons pas à leurs attentes. »

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Sources :

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/16-energies-renouvelables

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/15-electricite

https://www.ecologie.gouv.fr/energies-renouvelables

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021PC0557&from=FR

https://www.actu-environnement.com/ae/news/objectifs-ENR-renouvelables-Europe-industrie-transports-batiments-2030-41470.php4

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/donnees-cles

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Une réponse

  1. En dehors des chiffres d’investissements évoqués ici, il faut souligner, bien plus que ne le fait l’article, que les énergies dites renouvelables ne sont pas neutres non plus du point de vue climatique. Elles réchauffent l’atmosphères comme toute utilisation d’énergie! Et il faut aussi souligner que le CO2 n’a aucune influence sur le climat contrairement à qu’affirment les défenseurs de tels investissements (Le message finira bien par passer). Si bien qu’au lieu d’investir pour de vraies raisons on investit pour qu’empire le mal que l’on prétend réduire!

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