Plan Climat : l’UE en marche vers un désert industriel

(par Vincent Bénard dans IREF du 25/4/23)

Mardi 18 avril, le Parlement de l’Union européenne a adopté un “plan climat” célébré par les déclarations grandiloquentes de la présidente dudit Parlement, Roberta Metsola, et par la présidente de la commission, Ursula Von der Leyen. Même les représentants de la droite allemande au sein du PPE se sont réjouis de ce vote pour le “plus grand plan de protection du climat de tous les temps”, oubliant commodément que leur pays vient de fermer ses derniers réacteurs nucléaires.

Des taxes, et encore des taxes…

Que prévoit ce plan ? En bref :

  • l’application d’une taxe carbone à la consommation de gaz domestique des ménages, sur la base de 45 euros/tonne à partir de 2027. Pour un consommateur français, l’augmentation du prix du kWh-gaz sera d’environ 11%[1];
  • une taxe carbone aux frontières, dont le dispositif confine à l’usine à gaz, alourdira de quelques milliards la facture des importations continentales ;
  • “naturellement”, après avoir taxé, il ne faut pas oublier de subventionner : un fonds social de 86 milliards sera créé pour amortir le choc de ces nouvelles taxes sur les plus pauvres.

Industries lourdes: vers des fermetures et des délocalisations

Intéressons-nous plus particulièrement à la mesure phare de ce plan : l’obligation, pour les industries énergivores, d’abaisser d’ici à 2030 leurs émissions de 62% par rapport à celles de 2005, au lieu de 43% précédemment. Un calcul simple montre que cela revient à forcer ces industries à accélérer la baisse de leurs émissions d’une moyenne de 2,3% par an jusqu’ici, à 7,6% par an de maintenant à 2030. Or, sans baguette magique, il est impossible multiplier par plus de 3 le rythme de décarbonation de l’économie : les technologies qui pourraient réaliser cet exploit n’existent pas, et quand bien même, le rythme des investissements nécessaires pour les déployer dans un délai aussi court excèderait de loin les capacités des économies et du système financier européen.

Cependant, tel est le plan. Pour tenter d’y satisfaire il faudra, de manière forcée, réduire les quotas des crédits-carbone mis sur le marché par les autorités de l’Union, ce qui fera flamber leur prix. Nombre d’entreprises, afin de juste garder la tête hors de l’eau et maintenir la production, devront payer des sommes astronomiques. Beaucoup d’autres n’auront d’autre choix que de fermer en Europe et de se délocaliser dans des pays imposant moins de contraintes, comme la Chine, l’Inde, ou maints autres pays émergents, lesquels font régulièrement savoir qu’ils ne se soumettront pas au “néocolonialisme écologique” de l’Occident.

Le plan pour une “industrie net zéro” risque donc de se muer en plan pour une “industrie zéro”, ou en tout cas en forte contraction. Nous laissons à chacun le soin d’en imaginer les conséquences économiques et sociales.

Impact climatique : “net zéro”

“C’est pour sauver le climat !”, rétorquerez-vous.

Hélas, c’est faux. Les lecteurs réguliers de l’IREF savent déjà que l’impact climatique des politiques “anti CO2” de l’Union européenne est proche de zéro. L’image ci-dessous synthétise les résultats de l’étude que nous avons publiée en novembre dernier, qui évalue l’influence que l’UE aura sur les températures mondiales en fonction de plusieurs scénarios technologiques, en se basant strictement sur les données fournies par le dernier rapport (AR6) du GIEC.

Entre les scénarios “jaune” ou “rouge” (évolution technologique normale des sociétés à rythme de progrès technologique plus ou moins constant) et le scénario “vert” (mise en œuvre des objectifs de l’Union, ce qui n’est possible que via des moyens coercitifs), la différence d’émissions de maintenant à l’an 2100 n’est que de ≈80 Gt de CO2, correspondant à une différence de moyenne des températures de ≈0,04°C.

Détruire en moins de 10 ans une part non négligeable de notre industrie pour réduire de 4 centièmes de degré Celsius la moyenne des températures mondiales en 2100, est-ce vraiment un bon deal ?

Pendant ce temps, en Asie, en Allemagne…

 Alors que la folie de l’UE est supposée faire “économiser” 80 Gt d’émissions entre maintenant et l’an 2100, le continent asiatique émettra à lui seul environ 250 Gt de CO2 durant la seule décennie actuelle[2]. La Chine et l’Inde, pour ne citer qu’elles, mettent en service tellement de nouvelles centrales à charbon, pour répondre à leur demande d’électricité en hausse exponentielle, qu’il est probable que ces émissions continuent d’augmenter durant la décennie suivante.

Ce sont donc au minimum 500 Gt de CO2 qui seront rejetées par l’Asie dans l’atmosphère en seulement deux décennies (soit environ 0,23°C d’augmentation des températures), donc 6 fois plus que la diminution que l’on pourrait en théorie attendre du suicide de l’industrie européenne d’ici la fin du siècle. Et logiquement, si nombre d’industries nous quittent pour aller prospérer dans des contrées moins obsédées par quelques dixièmes de degrés en plus ou en moins, les émissions asiatiques s’en trouveront probablement accélérées.

Point n’est besoin de regarder l’Asie pour s’indigner des incohérences européennes. L’Allemagne a fermé 17 réacteurs nucléaires parfaitement fonctionnels depuis 2011, renforçant le maintien et l’extension de son parc de centrales au gaz et au charbon. Ces réacteurs lui auraient pourtant permis de réduire ses émissions de plus de 120 millions de tonnes par an. On veut donc imposer aux ménages et aux entreprises européennes de nouvelles contraintes alors que le gouvernement du pays le plus peuplé et le plus riche de l’Union s’exonère de ces obligations en termes de production électrique. Comment, dans ces conditions, s’étonner du fort ressentiment des populations envers leurs élites dirigeantes ?

Les Européens doivent se réveiller

Les calculs qui précèdent n’ont rien de complexe, et ne devraient pas être ignorés des dirigeants et parlementaires européens. Mais la déraison semble prévaloir dans tous les lieux de pouvoir du vieux continent. Si les Européens ne veulent pas être entraînés vers un suicide économique et démocratique sans précédent, et ce en pure perte du point de vue du climat, ils doivent de toute urgence se réveiller et forcer leurs politiciens à changer radicalement leur façon d’aborder les risques climatiques, risques qui seront d’autant mieux gérés que nos économies resteront prospères.


[1] Selon Eurostat, 1 kWh de production de chaleur gaz dégage 216 g de CO2 ; donc 45€ /t ajoutent près d’un centime au kWh gaz, lequel est actuellement facturé à peu près 9 cts/kWh en période “non tendue” par des événements conjoncturels extérieurs.

[2] Source: https://frirefeurope.b-cdn.net/wp-content/uploads/sites/2/2022/11/IREF-Politiques-Climatiques-de-lUE-Un-examen-critique-Novembre-2022.pdf , chapitre II.4

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Une réponse

  1. Le Citoyen Européen est bien réveillé, ce sont les dirigeants élus par eux qui déraillent. Ces dirigeants ont été élus par une minorité inconscientes des conséquences de leurs choix. Espérons que les excès des décisions actuelles permettront de se débarrasser de ces écologistes, socialistes et wokistes de diverses espèces lors de prochaines élections. Là, l’électeur peut agir! Le fera-t-il?

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