Conseil d’Etat et politique climatique : des juges politiques

(Alain Mathieu dans IREF du 17/5/23)

Dans un arrêt du 10 mai 2023, le Conseil d’Etat vient de faire un nouveau pas dans ses injonctions au gouvernement sur sa politique climatique.

Déjà dans « l’affaire du siècle » (l’arrêt « commune de Grande Synthe » du 1er juillet 2021) il avait « enjoint au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national », avec un délai impératif au 31 mars 2022. Le maire de Grande Synthe estimait que sa commune était menacée à la fois par les inondations et par la sécheresse, et que l’asthme dont il souffrait était dû à « l’inaction climatique » du gouvernement.

Des conséquences néfastes pour la vie des Français à cause des « mesures supplémentaires » demandées par le Conseil d’Etat

Un mois plus tard, un nouvel arrêt du Conseil d’Etat décidait que « l’Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 ». Ces décisions concernaient des réductions du dioxyde d’azote et des particules fines dans plusieurs zones. Le Conseil d’Etat avait assorti cet arrêt du versement par l’Etat de 100 000 euros à l’association « Les amis de la Terre » et 1,1 million à des associations de surveillance de la qualité de l’air.

Il vient de juger maintenant que son arrêt Grande Synthe n’a pas été « complètement exécuté ». Il « enjoint à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 ».

Le gouvernement a soutenu qu’il a beaucoup fait pour lutter contre le réchauffement climatique. Comme le rappelle l’arrêt, il a dépensé « 30 milliards d’euros d’aides aux énergies renouvelables entre 2021 et 2026, avec l’objectif de mettre en œuvre des installations produisant 25 GW d’énergie renouvelable sur la période » (le Conseil d’Etat, dont la compétence scientifique peut être mise en doute, confond la puissance installée – en GW – avec la production d’énergie – en GWH).

D’après une enquête de l’OCDE d’août 2022, 43% des Français pensent que le réchauffement n’est que marginalement dû à l’homme et donc que le gouvernement en fait trop dans sa lutte contre ce phénomène. Ils subissent de ce fait maints désagréments : hausses massives des prix de l’électricité, de l’essence et du gaz, interdiction prochaine de location pour un tiers des logements loués, hausse rapide des prix du logement, interdiction en 2035 de l’achat de voitures thermiques neuves, dévalorisation de leurs véhicules, etc.

Les conséquences néfastes pour la vie des Français des « mesures supplémentaires » demandées par le Conseil d’Etat incitent à examiner en détail les motivations de cet arrêt du 10 mai 2023 :

  • « Le règlement (UE) du 19 avril 2023 porte l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre assigné à la France de – 37 % à – 47,5 % pour la période 2005-2030. Ces nouveaux objectifs vont rapidement devoir être déclinés par les autorités françaises ». Alors que la France, grâce son parc de réacteurs nucléaires, émet très peu de gaz à effet de serre, en quoi les fonctionnaires de Bruxelles seraient-ils compétents pour lui imposer des objectifs de réduction ?  Le Conseil d’Etat est-il lui-même compétent pour en juger, avant même que le gouvernement ait pris ses décisions ?
  • « La répartition (de la réduction des émissions) par période prend en compte notamment la durée du séjour de chaque gaz dans la haute atmosphère ». Cette motivation scientifique est sans fondement.
  • « La stratégie bas-carbone intègre des orientations sur le contenu en émissions de gaz à effet de serre des importations dans tous les secteurs d’activité ». Egalement sans fondement : les Chinois, comme les autres pays d’exportation vers la France, se gardent bien de nous donner ces contenus.
  • « Si le gouvernement fait valoir que ses mesures permettront d’atteindre les objectifs de réduction des émissions, l’évaluation prospective qu’il a produite repose sur des hypothèses de modélisation qui ne sont pas vérifiées… il demeure des incertitudes persistantes ». Là, le Conseil d’Etat a raison : la science du climat utilise des modèles peu fiables. Mais ce raisonnement ne pourrait-il pas s’appliquer aux objectifs – forcément incertains – de réduction d’émissions ?
  • « Le haut conseil pour le climat relève un retard dans le déploiement des infrastructures nécessaires au développement des voitures électriques ou hybrides. Il estime qu’il existe des risques majeurs persistants de ne pas atteindre les objectifs fixés pour 2030 ». En quoi un organisme de conseil, qui ne compte que deux climatologues sur ses 13 membres, aurait-il le droit de définir la politique climatique du gouvernement ?

Le gouvernement des juges est contraire à la démocratie

L’arrêt du Conseil d’Etat se termine ainsi : « la Première ministre communiquera au Conseil d’Etat tous éléments utiles de nature à justifier des mesures supplémentaires adoptées pour exécuter la décision du 1er juillet 2021 et à permettre leur évaluation, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024 ».

Le Conseil d’Etat va trop loin. La responsabilité des décisions politiques – et notamment de leurs conséquences néfastes pour la vie quotidienne des Français – relève du gouvernement et du Parlement, élus par les Français, et non des fonctionnaires du Conseil d’Etat. Les politiques ne doivent pas se faire arracher leurs pouvoirs. Le gouvernement des juges est contraire à la démocratie.

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3 réponses

  1. L’arroseur arrosé
    L’Etat est malheureusement très mal placé pour se plaindre, après qu’il ait depuis des années lui-même alimenté la pire propagande alarmiste qu’il soit, et soutenu et signé tous les plans et projets mondiaux (Accord de Paris) et européens (net Zéro 2050,..) sur ce sujet sans aucune réserve.
    Il s’est donc donné toutes les verges possibles pour se faire battre en soutenant toute l’argumentation totalement infondée du GIEC et de ses affidés, en particulier le rôle supposé du CO2, que ses opposants utilisent maintenant perfidement contre lui, donc contre nous.
    Un summum de naïveté béate !
    Difficile dans ces conditions de se défendre!
    Ludovic Penin
    Message déjà déposé sur le site de l’IREF

  2. Message laissé aussi sur Mythes Mancies et Mathématiques
    Bientôt vous serez tous psychiatrisés , profs et élèves pour commencer
    Education : le gouvernement envisage de rendre obligatoire le Service national universel (SNU)

    https://www.francebleu.fr/infos/education/education-le-gouvernement-envisage-de-rendre-obligatoire-le-service-national-universel-snu-9275309

    « » » » » » » »Vers un retour du service militaire obligatoire en France ? Selon un document de travail du ministère de l’Education nationale, daté du 2 décembre 2022, et que franceinfo a pu consulter jeudi, le gouvernement envisage de rendre obligatoire le Service national universel obligatoire dès septembre 2024. » » » » »

    Bon , maintenant il faut arrêter !
    Après le confinement du COVID et des masques obligatoires vide de sens , après les mesures restrictives énergétiques suite au réchauffement climatique anthropique qui est une invention du GIEC, voila qu’on remettra en route la formation militaire dans les écoles pour faire rentrer dans la tête de ces jeunes : limitation des mouvements, économies d’eau , de chauffage , retour au travail manuel , industrie verte etc…

  3. Le point commun entre la question covid et la question climat c’est l’existence d’institutions à qui on demande non seulement l’impossible mais aussi, dans le cas du climat, à qui on ne donne pas suffisamment de liberté! Le Giec n’est pas chargé de démontrer que l’Homme est responsable des variations climatiques ce fait est admis dans son ordre de mission. Ces institutions se veulent pérennes et doivent donc démontrer en permanence leur utilité! Ceux qui en sont à l’origine les défendent et les médias se délectent des excès que tout ce monde déploie pour annoncer des catastrophes que d’autres essaient de démontrer improbables.
    Nous ne sommes plus dans le domaine de la science mais dans celui de la compétition médiatique que des acteurs extérieurs au débat essaient d’exploiter à leur avantage. C’est la foire aux idées saugrenues de Macron en matière d’énergies, de climat, d’économies, d’industries que des Français inconscients, entre autre, facilitent l’apparition en votant pour des assemblées ignares qui avec notre gouvernement et la commission européenne multiplient d’une par les contre vérités scientifiques et les actions non seulement inutiles mais ruineuses. Tant que le Citoyen n’aura pas la possibilité, à tout moment, de réagir en s’opposant, après avoir pris conscience de la situation, nous continuerons à couler. Il faut de vrais votations comme en Suisse pour ne plus être dépendant d’institutions incapables et de décideurs pas toujours bien intentionnés.
    Les Français ne veulent pas de voitures électriques!!!!

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