La filière nucléaire : comment libérer son portentiel ?

Technologie maudite par la classe politique au pouvoir en France durant la décennie 2010, le nucléaire civil connaît un regain d’intérêt salutaire à la suite des craintes que les crises de 2022 ont fait peser sur la sécurité de notre approvisionnement électrique. Les médias et les politiciens se sont rappelés que le nucléaire avait quelques avantages : technologie décarbonée et pilotable, elle est considérée par beaucoup comme la clé d’une politique énergétique capable de concilier sécurité de l’approvisionnement et décarbonation des économies.

Mais pour atteindre ces objectifs, le nucléaire doit évoluer, car il n’est pas sans défauts. Notre analyse a pour but de résumer où en est la filière nucléaire dans le monde, ce qu’on peut en attendre ou pas, quels sont les défis qu’elle doit relever, et quels sont les obstacles étatiques à lever pour que cette industrie puisse libérer tout son potentiel.

En voici les points clé:

  1. La crise énergétique de 2022 a fait reprendre conscience des qualités de l’électricité nucléaire: fiable, décarbonée, ressource combustible élevée. Mais ce virage à 180° de la presse et du monde politique ne doit pas faire oublier que, malgré son potentiel, l’industrie nucléaire reste une filière minoritaire dans la production d’électricité dans le monde.
  2. Les coûts de construction des centrales ont explosé depuis les années 80. Bien plus que l’accroissement des normes de sécurité applicables au secteur, c’est leur instabilité, et la propension des régulateurs à imposer des modifications normatives en cours de projet, qui explique l’essentiel de la hausse des coûts de construction.
  3. La rentabilité financière des centrales est menacée par deux autres phénomènes: la hausse des taux d’intérêt, et les politiques de priorité aux énergies renouvelables intermittentes et aléatoires (ENRi) promues par de nombreux gouvernants. Or, du fait de ses caractéristiques techniques, un important parc nucléaire classique ne peut coexister avec les ENRi sans subir d’importants surcoûts de production et opérationnels.
  4. Le nucléaire se révèle en outre plus cher et plus difficile à déployer dans les pays émergents, que les centrales à charbon.
  5. Pour toutes ces raisons, le nucléaire restera, jusqu’en 2050 au moins, un acteur secondaire de la génération électrique mondiale.
  6. Les évolutions de la technologie nucléaire, et notamment l’éclosion du marché des petits réacteurs modulaires (SMR), peuvent abaisser les barrières à l’entrée des pays émergents dans cette filière, et résoudre la plupart des inconvénients techniques inhérents aux gros réacteurs classiques. Mais l’éclosion de ce marché n’est pas envisagée avant 2035, et il reste encore à prouver que les SMR puissent abaisser le coût de l’électricité produite à moyen et long terme.
  7. La filière nucléaire a un potentiel bien plus élevé que les renouvelables intermittentes pour, à l’avenir, constituer le socle d’une production d’énergie fiable, décarbonée et bon marché. Mais pour cela, elle doit résoudre ses problèmes actuels de coûts. Les États pourraient y contribuer en améliorant la stabilité du cadre réglementaire applicable aux centrales, et en abandonnant leur favoritisme envers les renouvelables intermittentes, qui fausse le jeu compétitif entre ces deux filières.

 

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