La France et l’Allemagne en désaccord sur l’hydrogène vert

Le différend entre la France et l’Allemagne au sujet de l’hydrogène nucléaire vert met en évidence les divergences sur les politiques énergétiques européennes.

La France demande que l’hydrogène fabriqué par électrolyse avec de l’électricité nucléaire soit qualifié de vert, mais l’Allemagne refuse… pour mieux vendre sa transition énergétique fondée sur le gaz russe et des énergies intermittentes.

La France veut des garanties

L’approbation de la directive sur les renouvelables (RED3) par les États membres de l’Union européenne qui devait avoir lieu le 17 mai a été reportée car la France souhaite des « garanties » supplémentaires concernant l’hydrogène issu du nucléaire.

La France, soutenue par une quinzaine de pays de l’Union européenne, veut faire reconnaître que l’hydrogène « bas carbone » produit à partir de l’énergie nucléaire participe aux objectifs de l’Union européenne en matière d’énergies renouvelables.

La France insiste pour que les objectifs énergétiques de l’Union européenne prennent en compte « les réalités industrielles ».

Les inquiétudes françaises sur l’hydrogène vert s’ajoutent à celles exprimées par une quinzaine de pays européens qui jugent la directive trop orientée vers les énergies renouvelables intermittentes éoliennes et solaires.

Atteindre 150 GW de nucléaire dans l’UE en 2050

La ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a réuni le 16 mai 2023 à Paris les 16 pays membres de l’Alliance européenne pour le nucléaire (Belgique, Bulgarie, Croatie, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède, Slovaquie, Italie, Royaume-Uni), ainsi que la Commissaire européenne en charge de l’énergie (Kadri Simpson).

L’Italie, qui revient doucement au nucléaire, même si elle n’a pas encore pris de décision de relance, était également présente en tant qu’observateur.

Le Royaume-Uni, bien que non-membre de l’Union européenne, était aussi présent en tant qu’invité spécial, en raison de son vaste plan nucléaire dont la construction en cours de deux EPR à Hinkley Point.

Cette Alliance s’est réunie pour la troisième fois. La première rencontre date seulement du 28 février 2023 (11 pays) à Stockholm, et la deuxième du 28 mars 2023 (12 pays), en marge du Conseil de l’énergie à Bruxelles.

Dans leur communiqué final, les 16 États européens participants ont affiché des objectifs ambitieux de déploiement de réacteurs nucléaires en Europe. L’Alliance du nucléaire va préparer une feuille de route pour le développement d’une filière nucléaire européenne afin d’atteindre 150 GW de nucléaire dans le mix électrique de l’Union européenne d’ici à 2050, contre environ 100 GW aujourd’hui (dont 60 GW en France) en envisageant « la construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) ».

Ils appellent aussi l’Union européenne à reconnaître le rôle du nucléaire pour décarboner le mix énergétique des nations européennes.

L’Alliance anticipe également les besoins de formations et de compétences : « plus de 300 000 emplois directs et indirects seront créés d’ici 2050, dont 200 000 emplois qualifiés, et 450 000 recrutements d’ici 2050 ». La France envisage 100 000 recrutements en 10 ans.

L’Allemagne est cernée par l’Alliance des 16 pays européens

Source : Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN)

Les carburants 

La confrontation actuelle entre la France et l’Allemagne autour du rôle du nucléaire dans la directive RED3 sur les renouvelables impacte aussi les négociations sur les carburants synthétiques bas carbone (« e-carburants ») fabriqués avec de l’électricité nucléaire qui, eux, seront autorisés en tant que carburants durables… pour l’aviation.

Message à la Commission européenne

La Commission européenne, nettement antinucléaire sous la pression de l’Allemagne, n’apporte pas de soutien officiel à cette Alliance, mais la Commissaire estonienne Kadri Simson a indiqué :

« C’est une façon aussi pour les États membres présents d’attirer l’attention de la Commission européenne sur l’importance de la bonne prise en compte de l’énergie nucléaire dans l’élaboration des textes européens et des politiques européennes en matière d’énergie ».

Dans le communiqué final, l’Alliance invite la Commission

« à reconnaître l’énergie nucléaire dans la stratégie énergétique et les politiques pertinentes de l’UE, notamment en proposant des initiatives pertinentes et en reconnaissant les efforts et l’engagement des États membres à décarboner leur bouquet énergétique au moyen de l’énergie nucléaire, aux côtés de toutes les autres sources d’énergie non fossiles, dans le cadre de la transition vers la neutralité climatique ».

Ainsi l’Alliance invite à « l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la stratégie énergétique européenne ». Les membres demandent en particulier de « promouvoir de meilleures conditions pour le développement et le déploiement de nouvelles capacités nucléaires dans l’Union européenne, y compris un meilleur accès au financement ».

Une future réunion de l’Alliance est d’ores et déjà programmée en marge du prochain conseil de l’énergie, le 19 juin prochain à Luxembourg.

L’Allemagne ne veut surtout pas y participer. Elle continue obstinément à se battre contre le nucléaire, et donc aussi contre l’hydrogène issu de l’électricité nucléaire qu’elle ne veut pas qualifier de vert !

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