(Par Jonathan Frickert dans Contrepoints du 8/10/23)
Lors de sa récente Nuit de l’écologie, LR a esquissé les contours d’un écologisme pro-nucléaire, pro-libertés et pro-croissance.
C’est dans un parc des expositions de la porte de Versailles en pleine modernisation, à quelques mois des JO de Paris, et avec une vue imprenable sur une tour Eiffel qui n’était toutefois plus illuminée aux couleurs du drapeau israélien, que s’est tenue ce mardi 10 octobre la Nuit de l’écologie.
Durant plus de quatre heures, un parterre de 250 militants et sympathisants Les Républicains a été invité à définir l’écologisme de droite.
Au programme : changement climatique, neutralité carbone, adaptation et fiscalité verte. Le tout lié par une opposition déclarée à la logique de la décroissance.
Les Verts réfractaires au débat
Ces quatre heures d’orchestre ont eu pour chefs deux hommes : Geoffroy Didier et Antoine Vermorel-Marques, député de la Loire, chef de file de la tendance écologiste du parti, et parmi les plus fervents partisans d’un accord de gouvernement avec la Macronie.
Si le duo a bien tenté d’inviter des membres d’EELV, ses principales têtes d’affiche ont décliné. La soirée était toutefois animée par une douzaine de pontes du parti gaulliste sous le regard d’Emmanuelle Mignon, nouvelle vice-présidente du parti en charge du projet et des idées.
Parmi les invités extérieurs se trouvaient notamment Robert Vautard, membre du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) et coprésident du GIEC, mais également le plus médiatique des apôtres de la décroissance, l’ingénieur civil, créateur du bilan carbone et président du Schift Project Jean-Marc Jancovici, connu notamment pour avoir récemment proposé de limiter le nombre de trajets aériens à 4 par personne et par vie.
Définir une doctrine
En conclusion d’une conférence donnée à l’Université de Haute-Alsace ce jeudi 12 octobre, l’ancien Premier ministre, et désormais membre du Conseil constitutionnel Alain Juppé a appelé la jeunesse, et en particulier les étudiants de son auditoire, à se saisir de deux sujets majeurs : le numérique et le changement climatique.
Deux thématiques désormais centrales dans le débat public, et ce n’est pas pour rien si la Nuit de l’écologie, organisée par son ancien parti politique, s’inscrit dans un travail de refondation doctrinale initiée depuis maintenant plus d’un an.
Chez les jeunes en particulier, des sondages nous montrent que la préoccupation environnementale chez nos électeurs est désormais au-dessus de celle de la sécurité », estime d’ailleurs Geoffroy Didier chez nos confrères du journal Le Monde.
Une droite déjà en pointe sur le sujet
Le thème serait d’autant plus important à aborder que LR serait suspecté de se laisser aller à une tentation climatosceptique depuis la présence du docteur d’État en science politique et docteur en philosophie Yves Roucaute lors d’une journée de formation auprès des jeunes cadres du parti le 9 septembre dernier. L’auteur de L’Obscurantisme vert : la véritable histoire de la condition humaine, paru l’année dernière aux éditions du Cerf, estime en effet que la contribution anthropique au changement climatique serait « dérisoire ».
Pourtant, le passif de la droite gaulliste en matière d’environnement n’est plus à démontrer, qu’il s’agisse de son combat pour le nucléaire depuis bientôt sept décennies ou le Grenelle de l’environnement créé par Nicolas Sarkozy en 2007.
Néanmoins, les nouveaux enjeux de sociétés appellent à la définition d’une doctrine environnementale claire, à laquelle la droite ne saurait échapper.
Cartographie de l’écologisme
Cet environnementalisme de droite se distingue de trois autres formes : l’écologisme de gauche, l’écologisme d’extrême droite, et l’écologisme libéral.
Si l’idée que le clivage gauche-droite est obsolète court dans les discussions de café du commerce depuis plusieurs décennies, il existe un invariant distinctif : la droite conserve l’acquis occidental auquel la gauche s’oppose avec plus ou moins de vigueur selon le degré. Cet acquis peut être lié au christianisme, au libéralisme ou au républicanisme, auxquels la gauche oppose l’anticléricalisme, le socialisme, et la discrimination positive.
Il n’est donc pas étonnant que l’écologisme de gauche se base sur une contre-religion, avec sa divinité, ses blasphèmes, ses sacrifices médiatiques, son apocalypse, ses commandements précis appliqués à la vie quotidienne, son rigorisme, son prométhéïsme et son millénarisme. Selon ses tenants, cette contre-religion justifie l’application d’une pensée planiste, voire tout simplement socialiste.
Cet écologisme s’oppose, mais se rapproche de l’écologisme d’extrême droite. Ce dernier, théorisé par des philosophes allemands entre le XIXe siècle et l’avènement du IIIe Reich, se fonde essentiellement le mouvement « Blut und Boden » (le sang et la terre) théorisé par Oswald Spengler.
Si la législation environnementale nazie a servi d’exemple aux législations actuelles sur le sujet, l’écologisme d’extrême droite se fonde avant tout sur l’exaltation du monde rural et de la pureté fantasmée de la nature qui rejoint celle de la race.
De façon évidente, cet écologisme s’oppose également à l’écologisme libéral, fondé sur la logique d’assurance et de propriété privée comme moyen d’une gestion « de bon père de famille » des ressources naturelles à la manière d’un capital à faire fructifier.
Un écologisme croissantiste
De son côté, LR propose un écologisme de droite « responsable et supportable » et reprenant l’idée d’une co-prospérité homme-nature. Cet écologisme se veut naturellement pragmatique, pro-nucléaire et pro-libertés individuelles. Surtout, il s’oppose vigoureusement à la décroissance des deux premières formes d’écologisme évoquées plus haut.
Ce n’est pas pour rien si Éric Ciotti estime que cet écologisme est financé « par la croissance ».
Ce n’est donc pas un hasard si l’invité phare de la soirée n’était autre que Jean-Marc Jancovici, dont le discours économique se fonde sur l’idée que la croissance serait liée à la consommation d’énergies fossiles.
Or, la science se fonde sur le débat.
Pour cause, cette thèse est fortement discutée. Cette corrélation l’est notamment par Lucas Bretschger, professeur au Centre de recherche économique de l’université de Zurich.
Même son de cloche du côté de Gaël Giraud dans une entrevue pour le journal du CNRS parue en 2015. S’il estime effectivement qu’il existe une corrélation entre croissance et consommation d’énergies en général, l’économiste concède que la croissance actuelle se fonde sur « d’autres types d’énergie que des énergies fossiles ».
Cette idée est confirmée par Peter Newman, professeur de développement durable à l’Université Curtin, en Australie, qui constate le découplage du PIB et de l’émission de gaz à effets de serre et anticipe une explosion de la part des énergies renouvelables dans les 25 prochaines années, tout en soutenant la croissance du PIB mondial.
Contre les décroissants
Nous, libéraux, sommes régulièrement accusés d’être des fanatiques d’une croissance économique que les penseurs autrichiens critiquent pourtant eux-mêmes bien davantage que quiconque.
Cependant, l’écologisme rime de moins en moins avec décroissance.
L’extrême gauche devra donc trouver un autre moyen de légitimer sa volonté de nous ramener à l’Âge de pierre.
Dans ce sens, et comme le notait dans nos colonnes l’ingénieur et expert à l’Institut Sapiens Philippe Charlez au début du mois, la droite doit s’opposer vigoureusement à cette logique.
Les Républicains semblent donc avoir répondu favorablement à cet appel.
4 réponses
Qu’est allé faire LR dans cette galère ?
Les climato-non-alarmistes représentent aujourd’hui 38% de l’électorat et sont en croissance.
(A comparer aux moins de 5% de Valérie Pécresse aux dernières présidentielles).
Je suis bien d’accord, je suis inscrit aux LR, non pas que j’adhère à toutes leurs décisions mais parce que ce parti représente au mieux mes idées sauf pour l’écologie, le climat et l’environnement. Seul François Xavier Bellamy manifeste des avis qui, dans ces domaines correspondent, aux miens mais il ne les défendra pas dans le cadre de l’assemblée européenne. Ni RN ni reconquête ne le feront et ce, par électoralisme. Seul un nouveau parti aura l’audace de défendre ces idées en sachant que ses chances de gagner seront faibles.
Etes-vous sûr que ce sera encore Bellamy qui sera tête de liste LR aux Européennes ? A mon avis, il vont encore parachuter quelqu’un d’autre (Emmanuelle Mignon par exemple) ?
Je ne résiste pas à la tentation de parler de JMJ.
Les lignes qui suivent n’engagent pas le site qui les héberge.
Au premier abord l’homme est séduisant, mais il se prend pour un grand physicien. Pas de chance, il sort parfois des énormités. Un seul exemple : le CO2 émis par les activités humaines resterait des siècles dans l’atmosphère. Sauf que le CO2 anthropique ne fait qu’environ 4% du CO2 atmosphérique (chiffre GIEC, le monsieur ne lit même pas sa bible), et que le CO2 rejeté dans l’atmosphère a la même molécule et le même comportement chimique que le CO2 naturel, donc non identifiable, et surtout il feint d’ignorer que le CO2 est assez rapidement assimilé par les végétaux qui s’en nourrissent et est dissous dans les océans qui sont en permanence en phases de dissolution ou de dégazage en fonction des variations de température. Je doute que le précité ignore cela. Je crois qu’il écarte ce qui ne convient pas à son objectif politique et qu’il tombe lui comme bien d’autres dans la triste démarche de l’alarmisme catastrophiste. Une bien curieuse démarche scientifique !
Mais l’intéressé, il faut lui rendre cette justice, est un bon communicant et un bon commerçant. Opportunément il a choisi d’emboîter le pas de la doxa dominante à la mode. Ayant observé que plus de la moitié de la population est sensible aux thèses réchauffistes, son objectif est de vendre ses conférences et ses bouquins à ce lectorat. Et même plus, la rumeur dit qu’il aurait été tenté d’entrer au gouvernement de E.Borne.
Le seul mérite du personnage est de ne pas s’opposer à la relance du programme nucléaire. Enferré dans sa démarche de chasse au CO2 à tout crin il aurait du mal à faire autrement. Changera-t-il d’avis quand il aura capté que le CO2 n’y est pour rien ?
Il ne faut pas chercher une quelconque rivalité scientifique avec JMJ pour la bonne raison qu’il n’appartient plus vraiment à la communauté scientifique mais à la seule communauté médiatique.
Au total, il est de ceux qui croient qu’il n’y a pas d’autre source d’énergie après les fossiles. Quel manque d’imagination pour un physicien ! Dans un siècle notre physique aura progressé et on se déplacera peut-être sous antigravitation par exemple (des études sont en cours, comme au CERN). Sur le plan philosophique l’Homme n’est pas destiné à retourner frileusement à l’âge de la lampe à huile, mais bien à se développer technologiquement et pourquoi pas à essaimer un jour dans le système solaire et dans la galaxie. Les bases lunaires et martiennes sont déjà pour demain. Mais ceci est un autre chapitre qui échappe visiblement à notre ami .