(Par Adrien Hall dans Contrepoints du 25/10/23)
NDLR : Nous publions cet article, non pas pour le but qu’il poursuit, mais pour le constat qu’il fait du gaspillage d’argent et des contraintes stupides qu’on nous impose pour un résultat nul.
La baisse des émissions de GES de la France n’est pas due à la planification écologique du gouvernement, mais plutôt à la crise énergétique. Pour Adrien Hall, une politique écologique efficace doit s’appuyer sur le marché, l’innovation et l’investissement capitalistique.
S’il est vrai que sur le premier semestre 2023, les émissions françaises de gaz à effet de serre (GES) ont reculé de 4,3 % par rapport à 2022, ce n’est pas pour autant « le résultat d’une planification écologique déterminée où, secteur par secteur, nous avons un plan de bataille », comme l’affirme la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.
Pire, l’analyse des faits laisse plutôt transparaître une absence de vision gouvernementale au service d’une sobriété subie.
Cocorico ! C’est effectivement avec enthousiasme que les premières estimations 2023 du Citepa, l’organisme officiel chargé de calculer les émissions de GES françaises, ont été accueillies par les médias, ainsi que par le gouvernement, qui s’est empressé de verser dans l’autosatisfecit de son action politique.
Il faut dire que les résultats ont de quoi donner le sourire, dès lors qu’ils permettent d’envisager les 5 % de réductions annuelles nécessaires pour remplir les objectifs climatiques de la France d’ici à 2030. Surtout que, depuis 2018, le pays enregistre une baisse continue de ses émissions de GES que le rebond post covid n’a pas réussi à enrayer.
Ainsi, en 2022, la France avait déjà vu ses émissions reculer de 2,7 % par rapport à celles de 2021.
Source : Citepa, « Comparaison entre l’émission mensuelle de l’année et celle de l’année précédente »
Des résultats hétérogènes selon les secteurs
Dans la lignée de 2022, les baisses des émissions sont une nouvelle fois portées par les secteurs de l’industrie, -10 % en 2023 contre -8 % en 2022, et par le résidentiel/tertiaire, avec -7 % en 2023 contre -15 % en 2022. Constants, ces bons résultats sont accompagnés par ceux du secteur de l’énergie qui passe de +8 % en 2022 à -8 % en 2023. Pour le transport routier, après deux années de hausse en 2021 (+12 %) et en 2022 (+2 %), les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué sur les six premiers mois de l’année (-1,5 %), alors que le secteur est responsable de 32 % des émissions françaises, selon le Haut Conseil pour le Climat.
Surtout, le rebond post-crise du transport aérien se poursuit toujours, avec une hausse de 25 % des émissions des vols domestiques au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022 ; et une hausse de 34 % pour les vols internationaux.
La sobriété subie
Bien que la satisfaction climatique soit évidente, faut-il pour autant s’en réjouir sans réserves et se convertir aux mérites de la planification écologique ? L’honnêteté nous impose de répondre par la négative.
Effectivement, comme le souligne très justement le Citepa, ces résultats sont d’abord la conséquence d’une crise énergétique qui a fait s’envoler les tarifs du gaz. Que ce soit pour le secteur de l’industrie, qui verra les émissions de GES de la métallurgie des métaux ferreux baisser de 22 %, ou pour le secteur du bâtiment, avec une baisse de consommation du chauffage résidentiel (-8 %), c’est d’abord la crise énergétique qui est à la manœuvre dans ces résultats écologiques, et non l’action du gouvernement.
Si certains en doutaient encore, c’est bien le signal prix activé par le marché qui est le meilleur allié du climat, puisque lui seul a la possibilité de modifier durablement les comportements des consommateurs. Dommage de devoir s’en rendre compte avec une crise qui touche durement les secteurs concernés, les contraignant à une sobriété subie.
Plus grave encore, l’affirmation de la ministre de Transition écologique démontre à quel point le gouvernement navigue à vue dans une improvisation la plus totale.
Le meilleur résultat de 2023 est en effet porté par le secteur de l’énergie. Or, l’évolution des émissions de GES de la production d’énergie est liée en particulier au niveau de disponibilité des moyens de production électrique décarbonés, notamment les centrales hydroélectriques et les centrales nucléaires, que le gouvernement voulait encore réduire de moitié il y a peu.
En comparant les six premiers mois de 2022 aux six premiers mois de 2023, on constate effectivement une baisse des émissions de 15 %, liée à une augmentation de 2,6 % de la production d’électricité nucléaire avec la remise en service progressive de centrales nucléaires, et à une moindre production des centrales thermiques (-17 % entre les deux périodes) que le gouvernement avait dû rouvrir en urgence l’hiver dernier afin d’éviter un risque de blackout, et pour compenser les maintenances non anticipées des centrales nucléaires.
Enfin, ces résultats écologiques sur les émissions de CO2 doivent être analysés avec ceux beaucoup plus inquiétants des puits de carbone. Depuis 10 ans, nos forêts absorbent deux fois moins de CO2. Certaines sont même devenues émettrices de carbone, comme dans le Grand Est.
C’est ce que démontrent les dernières données officielles publiées par l’Académie des sciences dans son rapport de juin 2023 sur « Les forêts françaises face au changement climatique ».
En 2021, la forêt française avait en effet absorbé 31,2 millions de tonnes équivalent CO2, soit environ 7,5 % des émissions du pays. Un chiffre en nette diminution, puisqu’en 2011, elle avait absorbé 57,7 millions de tonnes de CO2.
Une perte qui alerte, alors que ces écosystèmes restent aujourd’hui le principal puits naturel de carbone dans le pays, devant les prairies. Si les sécheresses à répétition couplées au dérèglement climatique sont évidemment les premiers coupables pour ces mauvais résultats, on peut tout de même regretter que le gouvernement n’ait pas mieux contrôlé le taux de prélèvement de bois dans nos forêts, celui-ci passant de 55 à 65 % en dix ans, accentuant ainsi la mauvaise dynamique.
Plus que jamais, une action écologique déterminée devra être mise en place afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Celle-ci ne pourra toutefois pas se faire sous l’égide d’une planification politique mal calibrée qui passe son temps à défaire ce qu’elle faisait l’année précédente. Le sujet est effectivement bien trop sérieux pour être laissé à un gouvernement qui improvise à la petite semaine les actions qu’il compte mener.
Non, seule une action politique activant des leviers tels que le marché, l’innovation et l’investissement capitalistique seront à même transformer notre appareil productif pour faire face aux enjeux climatiques. Il y a urgence.