Le marché de l’électricité en 2024

L’électricité n’étant pas un produit « conservable » et provenant de diverses centrales de natures et de stabilité de production différentes son prix ne peut être établi ni seulement pour l’une d’elles ni durablement.

Merit order ?

Pour les revendeurs ou les producteurs directs le marché de gros est dit au « merit order » c’est-à-dire que le régulateur choisit que le courant envoyé sur le réseau est celui des productions selon leur prix marginal croissant. (ce prix marginal est l’addition du coût de carburant, du coût de la maintenance, et de celui du rejet de CO2)

Il s’agit d’un choix idéologique qui avantage les énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïque puisque le cout de leurs subventions, des investissements spécifiques faits pour le réseau et celui des centrales de substitution qui les remplacent lors de leur arrêt n’est pas pris en compte.

Il faut savoir que lorsqu’une production d’électricité disparait (panne d’une centrale ou plus fréquemment chute du vent) une centrale disponible (dite de réserve) doit le plus rapidement remplacer cette production pour maintenir la fréquence du réseau à 50 Hz (qui est le marqueur de l’égalité de la consommation et de la production d’électricité). Hormis l’hydraulique trop insuffisant, les centrales les premières mises en œuvre sont au gaz car bien plus rapide que les centrales nucléaires ce qui revient à investir en excès pour suppléer à ce type de production aléatoire.

Selon le choix de la gestion au « merit order » lors des fluctuations et augmentations de consommation, le courant des centrales les moins chères (soi-disant les renouvelables) est envoyé sur le réseau en premier, puis lorsque ces centrales sont au maximum (ne peuvent pas produire plus), c’est la production des centrales un peu plus chères (le nucléaire) qui est envoyée sur le réseau, puis les centrales à carburant fossile (dont le coût est censé être celui du gaz).

Comme ces dernières centrales à carburant fossile sont les productrices dans les périodes de pointe c’est leur coût qui est appliqué aux ventes, même à la production des centrales les moins chères dans ces périodes, ce qui fait dire que l’électricité est alignée sur le prix du gaz.

Les gestionnaires de réseau

Ces aléas dans chaque pays sont gérés par les gestionnaires de réseaux de transport GRT européens, dont le français RTE, qui échangent de l’électricité sur tout le continent européen au moyen des bourses d’échange d’électricité. Une de celles-ci est à Paris dans laquelle s’effectue le trading journalier où sont fixés les prix tous les quarts d’heure.

Le gestionnaire de réseau français RTE qui reçoit les prévisions de production la veille est chargé de cette répartition des sources et en fonction des prix sur les bourses européennes l’organise en tenant compte des distances des centrales aux consommateurs et des déperditions qui s’en suivent.

Le prix d’achat pour les revendeurs est fixé tous les quarts d’heures afin d’ajuster celui-ci à la consommation sur le réseau. (Voir les bourses de l’électricité)

Cela c’est pour les revendeurs dits fournisseurs alternatifs, mais les clients ont à choisir entre le tarif règlementé et l’offre du marché.

L’ARENH

En France cela se complique car à la suite d’une contestation des « Allemands » le gouvernement par la loi Nome a créé l’ARENH qui oblige EDF à vendre (à perte) à 42 € le MWh environ un tiers de sa production aux Fournisseurs Alternatifs.

Cette disposition n’existe nulle part ailleurs en Europe, ce qui fait dire à certains qu’elle a été prise pour tuer EDF !

Cette manipulation de concurrence ne concerne pas le prix de l’électricité pour les entreprises qui n’ont que le choix de l’offre du marché ce qui leur est insupportable, alors que le tarif règlementé est réservé aux petits consommateurs.

Comme le tarif règlementé se rapproche du coût de l’énergie nucléaire les fournisseurs alternatifs peuvent vendre le courant un peu moins cher qu’EDF. Ils peuvent aussi être obligés d’imposer des augmentations de prix considérables à leurs clients quand leurs engagements les obligent à aller sur le marché en cas de pénurie, comme cela s’est produit en 2023.

Dans le prix de vente réglementé au consommateur la consommation en KWh représente 35% auquel s’ajoute l’abonnement, puis la contribution d’acheminement (CTA) 3%, puis la contribution au service public (CSPE) et la taxe pour les communes et les départements (TDCFE) d’environ 18% conservée pour le tarif règlementé et remplacée par la taxe sur la consommation finale pour les autres. A cela s’ajoute le coût du réseau environ 34 % et la TVA à 5% sur l’abonnement et 10% sur la consommation. Depuis le début d’année 2024 le ministre Bruno Lemaire a augmenté la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale (TICF) qui avait été réduite à zéro lors du bouclier fiscal pour la porter à 10% du cumul ci avant.

L’accord EDF – Gouvernement

Face aux défaillances d’entreprises liées au prix de l’électricité qu’elles consomment, le gouvernement a décidé après avoir conclu un accord avec EDF de supprimer le tarif de l’ARENH dès le 1er janvier 2026. Pourquoi si tard et seulement en 2026 ? Peut-être pour laisser le temps de s’adapter aux fournisseurs alternatifs.

Cet accord est basé sur un prix de vente de 70 € le MWh, avec une ristourne au profit de l’E+tat de 50 % du dépassement si le prix de vente de l’électricité dépasse 78 € et de 90 % si le prix dépasse 110 €. Cet accord est destiné à éviter l’envolée des tarifs de l’électricité bien que l’on ne voit pas bien par quel mécanisme.

On voit que ce système imposé par l’UE pour prétendument libéraliser le marché de l’électricité s’est traduit par une usine à gaz (!) hyper réglementée de type dictatorial.

 

Henri de Saint Romain

Janvier 2024


Ingénieur de formation ESME SUDRIA (Ecole supérieure de mécanique et d’électricité) Henri de Saint Romain est spécialiste de l’alimentation haute tension de grands secteurs industriels. Il a participé à la conception et à la réalisation de plusieurs grands aéroports mondiaux.

Nos articles sont généralement publiés sous licence Creative Commons CC BY-NC-SA

Ils peuvent être reproduits sous la même licence, en en précisant la source, et à des fins non commerciales.

Laisser un commentaire

Les commentaires sont modérés avant d’être publiés, restez courtois.

Derniers commentaires :

Formulaire de contact

Recevoir la Newsletter hebdomadaire