L’Irlande prête à sacrifier 195.000 vaches aux dieux du climat ?

Fin mai 2023, le ministre de l’Agriculture irlandais, Charlie McConalogue, annonçait sur la radio RTE que le gouvernement envisageait de tuer 195.000 vaches sur trois ans. Pas des vaches malades, non, de bonnes vaches en pleine santé. La raison de cette gigantesque hécatombe (dont le sens, en grec, était « un sacrifice de cent bœufs ») ? Fournir aux dieux du climat, insatiables et exigeants, un tribut pour apaiser leur colère. En termes profanes : atteindre les objectifs de limitation des gaz à effet de serre, fixés par l’Union européenne pour 2030.

Les flatulences des vaches produisent trop de méthane.

L’idée avait été formulée dans un rapport de l’Autorité de développement de l’agriculture et de l’alimentation, intitulé « Contexte laitier actuel et scénarios futurs » (2022). L’abattage de bovins y apparaissait discrètement (p. 14 : « cattle slaughter ») comme une des solutions pour atteindre les objectifs climatiques. Une piste parmi d’autres, mais des plus éclairantes sur la détestation du vivant, homme et animal, qui – derrière un discours contraire – anime les écologistes.

Un ministre fuyant et une Commission européenne favorable

En Irlande, le secteur de la viande bovine et des produits laitiers est florissant et représente 10 % des emplois. L’Irlande compte plus de vaches (7,4 millions) que d’habitants (5 millions). Dans les années 2010, l’État incite les éleveurs à s’agrandir (donc à investir) ; en 2023, il envisage d’abattre les vaches. Mais avec près de 200.000 vaches à abattre, on est plus près du massacre que de la variable d’ajustement.

Face à l’émotion suscitée par l’annonce de Charlie McConalogue, la question fut débattue au Parlement, fin juin 2023. Face à un ministre de l’Agriculture plutôt fuyant, les députés se montrèrent combatifs. Interrogée sur le sujet irlandais, fin juillet, par une eurodéputée italienne du groupe ID, Silvia Sardone, la Commission européenne répondit qu’elle n’avait pas connaissance du projet irlandais mais qu’elle ne s’oppose pas en principe à une « réduction du cheptel », laquelle 

« pourrait contribuer à réduire les émissions et à atteindre les objectifs climatiques contraignants énoncés dans le règlement de l’UE sur le partage de l’effort ».

La « probable » nécessité d’une réduction du troupeau

Aujourd’hui, où en est-on ? TF1 a diffusé, le 25 mars, un reportage sur l’éventuel abattage. Les éleveurs pourraient être sollicités pour supprimer du bétail, avec une compensation financière et sur la base du volontariat. Joint par BV, l’attaché à l’Agriculture de l’ambassade d’Irlande en France, Colm O’Cribin, se montre rassurant. 

« Non, aucune décision de ce genre n’a été prise. Elle serait très difficile à mettre en œuvre en Irlande où le sujet est sensible. Certes, le ministre en a parlé, mais il y a d’autres solutions, modifications de la nourriture donnée au bétail, méthanisation… »

La proposition de supprimer en masse du bétail n’est donc plus à l’ordre du jour ? Ce n’est pas si clair. 

« L’une des principales recommandations du Food Vision Dairy Group était d’explorer un programme de réduction volontaire pour le troupeau laitier. Les responsables du ministère travaillent actuellement à approfondir cette proposition et il y aura un engagement important avec les parties prenantes au cours des prochains mois », nous annonce M. O’Cribin.

Contactée par BV, la députée d’opposition Carol Nolan ne baisse pas la garde : 

« Les efforts pour réduire le cheptel national se poursuivent avec la poursuite incessante, par le gouvernement, de l’objectif de zéro émission nette. »

Récemment, indique-t-elle, un rapport de l’Environmental Protection Agency soulignait comme « probable » la nécessité d’une réduction du troupeau. Elle dénonce les pressions du Parti vert, l’un des trois partis de la coalition gouvernementale. 

« Ceci, combiné à la récente perte de notre dérogation à la directive sur les nitrates, explique Carol Nolan à BVrend pratiquement impossible la survie des petits agriculteurs. Il s’agit d’un programme élitiste, détaché et impitoyable qui ne se soucie pas de l’impact de sa poursuite d’objectifs nets zéro émission dans le monde réel. » 

Face aux menaces écologistes, elle entend bien défendre et les animaux et 

« la réputation de classe mondiale des agriculteurs irlandais pour un système de production de bœuf durable nourri à l’herbe ».

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