(Par Louis de Torcy dans BV du 06 juin 2024)
Dans un entretien accordé à Sud Radio, le 3 juin, le commissaire européen Thierry Breton s’est fendu d’une déclaration pour le moins controversée sur les bienfaits énergétiques de l’Union européenne. Explications.
Selon M. Breton, il suffirait de regarder l’évolution des prix du gaz et de l’électricité pour se convaincre du bien-fondé de la politique énergétique européenne. Il affirme ainsi :
« Il y a un an et demi, on était à des prix stratosphériques sur le gaz et l’électricité. On est retombé, maintenant, à des prix qui sont normalisés. Donc, bien sûr que c’est grâce à l’Europe, qu’on va faire baisser de manière significative et stabilisée le coût de l’électricité. »
Quelques heures, à peine, après cette déclaration, on apprenait que le prix du gaz augmenterait prochainement…
Au-delà du sens du timing de Thierry Breton, on peine à comprendre le lien de causalité entre l’Union européenne et la baisse promise du prix de l’électricité. Certes, une réforme du marché commun de l’électricité va permettre de stabiliser les prix. Mais empêcher l’explosion des prix ne signifie pas permettre leur diminution.
La suite de l’interview nous fait comprendre où se situe l’intérêt de la France.
« On va de plus en plus utiliser l’électricité, grâce en particulier à nos investissements dans le nucléaire »,
explique ainsi le commissaire européen. Ce qui est tout à fait juste. Ces investissements, en revanche, ne sont pas le fruit d’une politique européenne mais d’une politique bien française.
Au contraire, sur la question nucléaire, l’Europe est profondément divisée. L’Allemagne, pays le plus puissant et influent de l’Union, est même farouchement opposé au nucléaire, en particulier le nucléaire français, comme l’a démontré l’École de guerre économique, à travers deux rapports sur les ingérences de son gouvernement dans notre politique énergétique.
De ce point de vue, l’Europe semble donc plus être le problème que la solution…
Revenons sur le marché commun de l’électricité. Celui-ci fonctionne, en quelque sorte, comme une vente aux enchères.
L’Europe fait tout pour favoriser les énergies vertes en les utilisant en priorité. Si elles ne parviennent pas à couvrir la demande, on passe alors à une source d’énergie moins verte et plus onéreuse, et ainsi de suite.
Or, les prix sont indexés sur celui de la dernière source d’énergie utilisée. Ainsi, lorsque le gaz est utilisé, les producteurs d’énergie éolienne font d’énormes marges… La guerre en Ukraine et le sabotage des gazoducs Nord Stream ont fait exploser les prix du gaz, ce qui explique la crise des deux dernières années.
Pour résoudre le problème, les eurodéputés ont donc validé une réforme du marché commun. C’est à cette réforme que Thierry Breton faisait allusion lorsqu’il déclarait que l’Europe ferait baisser nos factures.
Le sujet est complexe. BV a pu interroger, à ce sujet, Philippe Charlez, ingénieur des Mines et expert en énergie, pour qui cette réforme est une excellente nouvelle. La France est en effet (grâce à son parc nucléaire) exportatrice d’électricité.
Ainsi, le marché commun lui permettrait d’écouler son excédent. Surtout, la réforme instaure un plafond sur les prix permettant d’éviter qu’ils n’explosent, comme ce fut le cas au plus fort de la crise. Cependant, limiter la hausse des prix ne signifie pas les diminuer.
Selon un autre expert de l’électricité, le débat sur le marché commun de l’électricité reste ouvert. La France exportait plus avant d’y entrer. À ses yeux, ce marché avantage surtout l’Allemagne. Le pays est en effet en tête concernant le renouvelable. Le marché lui permet ainsi de stocker chez ses voisins ses excédents de renouvelable. Elles font donc d’énormes marges à chaque fois que le charbon ou le gaz sont requis, puisque le mécanisme du marché fait que, bien souvent, ces sources indexent ses prix.
Ainsi, l’avantage que la France peut tirer du marché commun de l’électricité est tout à fait circonstanciel. Mercredi 5 juin, Bruno Le Maire affirmait pourtant, lors d’une audition devant les sénateurs, que le marché commun a permis d’éviter les black-out et, surtout, à EDF d’exporter son électricité. Ce n’est qu’en partie vrai. EDF exportait plus avant d’entrer sur le marché commun.
Mais si les Français bénéficient d’une énergie peu onéreuse, ils le doivent avant tout au nucléaire, à Pierre Messmer et à eux-mêmes, puisque ce sont leurs impôts qui ont servi à financer notre parc.
Une réponse
Il suffit d’y croire