En s’empêchant pour de mauvaises raisons d’extraire de son sous-sol des minéraux vitaux pour son industrie et son économie, la France se complique singulièrement la transition énergétique. Entretien avec Éric Marcoux, professeur honoraire à l’université d’Orléans et spécialiste international en ressources minérales, et Sandra Rimey, secrétaire générale de Minéraux industriels-France. Propos recueillis par Bertrand Alliot. Article paru dans le numéro 21 de Transitions & Energies.
La Société géologique de France en collaboration avec l’organisation professionnelle Minéraux industriels-France (MI-F) vient de publier Le minéral dans notre quotidien. Écrite par Éric Marcoux, professeur honoraire à l’université d’Orléans et spécialiste international en ressources minérales, cette magistrale monographie présente les différents minéraux et roches industriels présents sur notre territoire et fait le point sur leur exploitation et leur utilisation dans l’industrie. Richement illustré, ce livre de référence est une plongée dans un univers méconnu représentant un pan important de l’histoire et de l’avenir industriel de la France.
Cette parution est l’occasion d’un entretien croisé avec Éric Marcoux et Sandra Rimey, secrétaire générale de MI-F. À l’heure où la réindustrialisation et la question de la souveraineté reviennent en force, il nous est paru opportun de faire le point sur l’accès aux ressources présentes dans le sous-sol français et de mieux comprendre les obstacles économiques et écologiques à leur exploitation.
T&E – À la lecture des premières pages de votre livre, on réalise qu’il y a un problème de définition. L’expression « roches et minéraux industriels » ne recouvre pas les minerais ni les matériaux de constructions par exemple. Tout ce qui est extrait du sous-sol grâce aux mines et aux carrières n’est donc pas des roches et des minéraux industriels. On apprend par ailleurs que la fluorine peut être définie, selon les cas, comme un « minéral industriel » ou un « minerai ». Mais alors, que sont réellement les roches et les minéraux industriels ?
Éric Marcoux – Vos déductions sont exactes et la sémantique a son importance. On a encore pu constater hier, dans le cadre d’une réunion à MI-F avec les têtes de réseaux des collectivités, que beaucoup de gens confondent ces notions… Ce n’est pas forcément simple.
Les minéraux industriels sont des roches et des minéraux utilisés pour eux-mêmes : tels quels après purification comme le talc, incorporés à d’autres produits comme les peintures, plastiques ou papier, comme la calcite et le kaolin, ou transformés par cuisson ou fusion, comme la silice pour obtenir du verre… Les minerais, quant à eux, ne sont pas utilisables directement : on doit en extraire un élément utile, souvent un métal, grâce à un processus de transformation lourd, une fusion généralement.
Certains minéraux ont des usages doubles (voire triples) comme le sel ou la fluorine, car on peut les utiliser directement ou après en avoir extrait un élément. C’est pourquoi ils peuvent, selon l’utilisation, être un minerai ou un minéral industriel.
Ces distinctions sémantiques recouvrent des différences plus importantes : les compagnies exploitant minerais, minéraux industriels, matériaux de construction, etc., ne sont pas les mêmes. Les marchés aussi sont différents : de locaux pour les matériaux de construction à mondial pour les minerais et ressources énergétiques avec la dépendance qui en résulte. Les minéraux industriels sont aux trois échelles : local, national et international, d’où l’intérêt de conserver, voire de développer ce qui peut être exploité sur le sol national.
– L’enjeu de la souveraineté industrielle est revenu en force en France ces dernières années. Les roches et les minéraux industriels les plus utiles pour la transition énergétique sont-ils abondants en France et les exploitons-nous ?
E.M. – Le lithium et les terres rares sont deux des arbres qui cachent la forêt de la transition énergétique. La plupart des roches et minéraux industriels contribuent aussi à cette transition. Un seul exemple : les panneaux photovoltaïques sont en forte proportion des plaques de verre dopées, fabriquées avec de la silice qui, par ailleurs, est exploitée en France. Il est nécessaire de faire comprendre au public qu’une transition énergétique bien menée …
Une réponse
… et pourquoi pas aussi du gaz et du pétrole que nous nous sommes même interdit d’explorer ?