L’étourdissant dilemme du marché des voitures électriques européen

(Par Germain de Lupiac dans The Epoch Times du 12 septembre 2024)

Les constructeurs automobiles européens risquent 15 milliards d’euros d’amendes s’ils ne respectent pas les règles de l’UE sur les émissions alors que les ventes de voitures électriques ralentissent sur le vieux continent.

Championne des moteurs essence et diesel, l’industrie automobile européenne craint également de voir ses usines disparaître si elle échoue à endiguer la déferlante annoncée des modèles électriques chinois, à l’aube de l’interdiction en 2035 des ventes de véhicules neufs à moteur thermique.

Ces restrictions intra-européennes interviennent dans un contexte de tensions commerciales grandissantes entre les Occidentaux et la Chine, accusée de vouloir détruire la concurrence mondiale à l’aide d’une hyper-production subventionnée par le régime. De quoi alimenter un dilemme cornélien entre une Europe qui restreint ses capacités industrielles et une Chine qui les démultiplie. En jeu, des centaines de milliers d’emploi et l’indépendance des pays européens vis-à-vis du régime chinois.

Les constructeurs européens risquent 15 milliards d’euros d’amendes

Pour respecter les normes d’émissions de CO2 calculés sur l’ensemble des voitures vendues, les constructeurs devront réduire leur production de « plus de 2,5 millions de véhicules » pour ne pas être sanctionnés de 15 milliards d’euros d’amende, avertit le patron du groupe Renault, Luca de Meo, également président de l’Association des constructeurs européens. En cause, la suppression des voitures thermiques neuves à partir de 2035, voulue par Bruxelles.

« Il faut qu’on nous donne un peu de flexibilité », a plaidé Luca de Meo. « Mettre simplement des échéances et des amendes sans avoir la possibilité de flexibiliser ça, c’est très dangereux. »

En août, l’électrique ne représentait que 12,5 % du marché automobile européen, avec une baisse de 10,8 % des ventes sur un an.

Pour expliquer le manque de vigueur du marché, le patron de Renault cite les prix encore élevés, mais également l’installation trop lente de bornes de recharge et « l’incertitude » sur les subventions à l’achat, supprimées par exemple en décembre dernier en Allemagne, entraînant une chute drastique des ventes. Sur ces aides, « on a besoin de stabilité, de visibilité » et « d’une certaine cohérence », a plaidé le patron de Renault, alors que le budget français 2025 pourrait acter également des baisses.

Symbole de la crise traversée par l’industrie automobile européenne, sous forte pression de la concurrence chinoise : le plus gros constructeur européen Volkswagen a annoncé préparer un plan d’économies sans précédent qui pourrait entraîner des fermetures d’usines en Allemagne.

Volkswagen envisage des fermeture d’usines en Allemagne 

Face à la pression croissante de la concurrence de voitures électriques (VE) chinoises moins chères, Volkswagen envisage pour la première fois de fermer ses usines en Allemagne. Le constructeur automobile vise à réduire les coûts de plus de 10 milliards d’euros d’ici 2026 pour survivre à la transition voulue par l’UE vers les VE.

Premier employeur industriel d’Allemagne et premier constructeur automobile européen en termes de chiffre d’affaires, Volkswagen emploie environ 680.000 personnes. Le marché automobile en Allemagne a chuté de 27,8 % en août, plombé par l’effondrement des ventes de voitures électriques, alors que 40,9 % de toutes les voitures électriques importées au cours des quatre premiers mois de l’année provenaient de Chine. Les prix des VE des concurrents chinois sont généralement inférieurs de 20 % à ceux des modèles fabriqués en Europe.

Andy Mayer, directeur des opérations et analyste de l’énergie du groupe de réflexion Institute of Economic Affairs, a indiqué par courriel à Epoch Times que les fermetures d’usines allemandes étaient « inévitables chez Volkswagen et ailleurs ». M. Mayer a souligné que la concurrence chinoise « sape le modèle industriel qui fait de l’Allemagne un cas unique en Occident, dont l’économie repose à 18 % sur l’industrie manufacturière. »

La stratégie de la Chine pour écraser l’industrie européenne

Dans l’acier, l’automobile, l’éolien, le solaire, les batteries, la chimie, les produits pharmaceutiques, etc., l’industrie chinoise montre une volonté d’écraser l’industrie européenne, prise entre la crise énergétique et la guerre en Ukraine. Pour y parvenir, l’Empire du Milieu ne cesse d’augmenter ses capacités de production et d’exportations pour inonder le marché européen de produits de pointe à prix cassés.

« Ce que nous voyons actuellement, c’est le déroulement d’un accident de train au ralenti », a réagi Jens Eskelund, président de la Chambre de commerce danoise en Chine, dans un rapport de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, alertant des menaces chinoises sur l’économie européenne.

Pour doper leur production, les usines chinoises, largement subventionnées par le Parti communiste chinois (PCC), tournent depuis deux ans à plein régime, aboutissant à des prix de production défiant toute concurrence au niveau mondial.

Rien n’est dû au hasard, selon Philipp Lausberg, analyste au European Policy Centre (EPC), qui souligne les dangers des politiques « néomercantilistes » de la Chine pour l’économie européenne. « Tout ce qui est stratégique pour eux, ils veulent le produire eux-mêmes. Ils veulent être autonomes, mais ils veulent continuer à utiliser les marchés libres pour exporter et obtenir des revenus d’exportation. Et bien sûr, c’est un problème pour l’Europe », explique-t-il sur Euractiv.

L’UE veut imposer jusqu’à 36 % de taxes aux voitures électriques chinoises 

En juillet, la Commission européenne a décidé d’imposer des droits de douane provisoires allant jusqu’à 37,6 % sur les importations de VE à batterie en provenance de Chine, ajoutés aux 10 % de taxes déjà présentes, invoquant des subventions déloyales qui font peser une « menace de préjudice économique » sur les fabricants européens.

Ces droits de douane entreront en vigueur fin octobre, sous réserve de l’aval des 27, à moins qu’un accord alternatif avec Pékin ne soit trouvé d’ici là. Si la France et l’Espagne poussent activement pour des mesures proportionnées, l’Allemagne, très engagée en Chine, bataille au contraire, avec la Suède et la Hongrie, pour éviter des sanctions, craignant des représailles de Pékin. Berlin est en effet particulièrement réticent, en raison du poids en Chine de son industrie automobile – les constructeurs Audi, BMW, Mercedes et Volkswagen réalisant près de 40 % de leurs ventes mondiales en Chine.

L’UE espère protéger une filière automobile qui emploie 14,6 millions de salariés dans l’UE tout en évitant un conflit mortifère avec son deuxième partenaire économique derrière les États-Unis.

En représailles, Pékin a lancé une enquête anti-dumping sur les importations de porc et de produits à base de porc, dont l’Espagne est le plus grand exportateur européen vers la Chine. Le PCC a également lancé une enquête sur les eaux-de-vie de vin de l’UE – dont le cognac français. Les vins, produits laitiers et voitures à grosses cylindrées pourraient aussi être concernés, selon la presse chinoise.

La Norvège tire son épingle du jeu grâce à ses hydrocarbures

Les voitures électriques se sont arrogé une part de marché de plus de 94 % en Norvège en août, à contre-courant de la tendance observée dans le reste de l’Europe où le tout-électrique est en difficulté. Premier producteur d’hydrocarbures européen, le pays scandinave s’est fixé l’objectif de ne vendre que des voitures zéro émission, essentiellement électriques, à compter de 2025, soit dix ans avant l’UE.

En 2023, la Norvège a généré près de 79 milliards d’euros grâce à l’industrie pétrolière, qui vont remplir les caisses de l’État et le fonds souverain, qui pèse actuellement 1310 milliards d’euros, assurant la prospérité du pays. Grâce à cela, le pays peut mettre en place une fiscalité hyper-favorable qui rend les modèles électriques très compétitifs par rapport aux véhicules thermiques et hybrides – seule exception à la règle en Europe.

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