Éolien : le vent tourne en Europe

L’industrie éolienne mondiale a installé 16% de capacités en mer supplémentaires en 2023, la 2e meilleure année de son histoire, en dépit d’un contexte macroéconomique difficile, selon le rapport annuel du Global Wind Energy Council (GWEC), l’association représentative du secteur.

Mais en France, en Allemagne, en Espagne, en Suède, des milliers d’emplois sont menacés par une baisse d’activité alors que les milliards injectés par les finances publiques commencent à manquer. Malgré un secteur en développement, l’Europe connaît un ralentissement en 2024 alors que la Chine a installé plus d’énergies renouvelables que tous les autres pays cumulés.

Dans les énergies renouvelables, l’éolien, le solaire, les batteries, les voitures électriques, etc., l’industrie chinoise est en train d’écraser l’industrie européenne.

Loire-Atlantique : « près de 1.000 emplois » ont disparu en une année

GE Vernova, qui rassemble les activités énergétiques de General Electric, prévoit la suppression de 360 postes sur ses sites de Montoir-de-Bretagne et de Nantes, a révélé une source syndicale. GE Vernova a fabriqué sur son site de Montoir-de-Bretagne les nacelles du parc éolien installé au large de Saint-Nazaire, et travaillé pour le parc de Dogger Bank, au Royaume-Uni.

La direction du groupe a affirmé avoir présenté le 18 septembre « un projet au comité d’entreprise européen de GE Vernova concernant des transformations envisagées de [son] activité éolienne offshore au niveau mondial ». Au mois de mars, GE avait déjà confirmé des « ajustements » sur les effectifs de ses sous-traitants à Montoir-de-Bretagne. Sur les 939 personnes employées par le groupe américain dans cette usine où sont fabriquées les nacelles d’éoliennes, 488 avaient perdu leur emploi, la plupart des sous-traitants.

« En comptant les postes d’intérimaires supprimés plus tôt cette année, ce sont près de 1.000 emplois qui auront disparu en seulement un an dans cette région, mettant en péril un secteur clé de notre avenir énergétique », affirme le syndicat de la CFE-CGC.

De son côté, une source proche du dossier pointe du doigt un

« ralentissement dans le secteur éolien offshore, en raison du coût des matières premières qui a gonflé avec l’inflation ».

Celle-ci note également la « désorganisation des chaînes d’approvisionnement après le Covid et surtout après le [début] de la guerre en Ukraine » ainsi que les « incertitudes de la politique réglementaire » qui ont « abîmé la visibilité des entreprises du secteur et provoqué la chute des carnets de commandes, notamment en France ».

Suède : Vattenfall suspend un important projet d’éolien en mer

Le groupe public énergétique suédois Vattenfall a annoncé début septembre qu’il suspendait un important projet d’éolien en mer, invoquant des « conditions d’investissement non viables » dans le pays.

Le projet Kriegers Flak, prévu au large de la côte sud-ouest de la Suède, devait permettre de produire de l’électricité à partir de 2028 et de générer 2,7 terrawatt-heures par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’environ 500.000 foyers, selon Vattenfall.

Le groupe suédois le décrit comme « le projet d’éolien en mer le plus mature » du pays, mais juge que « les conditions d’investissement pour l’éolien en mer ne sont actuellement pas viables en Suède ». « Vattenfall a donc décidé de suspendre le développement de ce projet », ajoute-t-il.

Allemagne : le business déficitaire des éoliennes

Les exploitants allemands d’installations éoliennes bénéficient d’un droit à rémunération réglementé par la loi, pour le courant électrique qu’ils produisent et qu’ils livrent au réseau électrique public.

Cependant, le ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du climat vient d’annoncer que cette obligation de rémunération de l’État coûtera en 2024 plusieurs dizaines de milliards d’euros aux contribuables. Interrogé par Epoch Times, le ministère de l’Économie a déclaré :

« Pour l’année 2024, l’expertise actuelle des gestionnaires de réseaux de transport prévoit un besoin de financement de l’EEG d’environ 10,6 milliards d’euros. »

En 2023, les recettes provenant notamment des revenus de la vente d’électricité verte ont toujours été inférieures aux coûts. Ainsi, selon « Statista« , ces recettes s’élevaient en septembre à 517 millions d’euros, alors que les coûts s’élevaient le même mois à environ 2,3 milliards d’euros – soit plus de quatre fois plus.

De septembre 2022 à septembre 2023, les données montrent une baisse importante des recettes chaque mois. Les installations d’électricité verte ont enregistré le plus mauvais bilan pendant les mois d’été juillet et août 2023 : l’État a dû régler jusqu’à 1,84 milliard d’euros par mois. La tendance à plus long terme semble montrer que le business de l’électricité verte deviendra encore moins rentable pour l’État à l’avenir, notamment à cause des coûts de maintenance endémiques et le renouvellement des infrastructures.

Selon le cabinet de conseil en énergie Enervis, les rémunérations versées aux propriétaires d’énergies « renouvelables » par l’État devraient augmenter à plus de 19 milliards d’euros chaque année d’ici 2028.

L’Espagne doit démanteler 36 % de ses éoliennes

L’Espagne prévoit de remplacer 7500 de ses anciennes éoliennes par des turbines plus modernes, car après 20 à 25 ans, elles deviennent obsolètes. En 2022, l’Espagne comptait environ 21.000 éoliennes, et fin 2023, l’association espagnole de l’énergie éolienne AEE a annoncé qu’environ 36 % de toutes ces éoliennes devront être mises hors service dans les cinq prochaines années, en raison de leur âge.

Elles devront être démantelées et recyclées, ce qui constitue un défi logistique de taille. Une grande partie des matériaux comme l’acier, le cuivre, l’électronique et les générateurs peuvent être réutilisés, mais les pales renforcées de fibres de verre, qui représentent environ 15 % de l’ensemble de l’installation sont acceptées par peu de décharges et difficilement recyclables.

La construction de nouvelles éoliennes a au moins un aspect positif : l’Espagne espère la création de plus de 7.000 nouveaux emplois dans les années à venir rien que pour les nouvelles éoliennes offshore, comme l’a informé le portail d’information de l’industrie éolienne Windfair.

La Commission européenne a annoncé fin 2023 prévoir de doubler le budget consacré aux technologies dites propres pour le porter à 1,4 milliard d’euros et d’accélérer l’approbation des permis. Mais malgré sa croissance, l’industrie éolienne européenne est confrontée à des pertes qui se chiffrent en milliards d’euros. Cela est dû en partie à la concurrence de la Chine, qui a un meilleur accès aux ressources et propose des produits à des prix plus bas, grâce à des subventions élevées et à une main-d’œuvre bon marché.

La Chine installe plus d’éoliennes que le reste du monde réuni

La Chine consolide sa position de leader mondial dans les énergies renouvelables, en construisant actuellement deux fois plus de capacités dans l’éolien et le solaire que le reste du monde, selon une étude publiée en juillet 2024.

La Chine construit actuellement pour 180 gigawatts (GW) d’énergie solaire et 159 GW d’énergie éolienne supplémentaires, selon l’étude de l’organisme américain Global Energy Monitor (GEM). D’après ce rapport, ce total de 339 GW « représente 64 % de l’énergie solaire et éolienne » qui est « actuellement en construction » sur la planète, soit près du double du reste du monde combiné.

La Chine est suivie par les États-Unis (40 GW), le Brésil (13 GW), le Royaume-Uni (10 GW) et l’Espagne (9 GW), selon le GEM, organisation qui répertorie les projets liés aux combustibles fossiles et aux énergies renouvelables dans le monde.

La Chine s’appuie encore toutefois grandement sur ses centrales au charbon, énergie fossile très polluante, pour répondre à la demande d’électricité en hausse. Elle peine également à acheminer une partie de l’énergie renouvelable, celle produite dans les régions éloignées, vers les centres économiques et densément peuplés de l’Est.

Dans l’UE, les éoliennes chinoises sont vendues à des prix jusqu’à 50 % inférieurs à ceux des concurrents européens, affirme WindEurope, le lobby européen du secteur. « Il n’est pas possible de faire cela sans subventions publiques injustes », assure Giles Dickson, son directeur général.

L’UE lance une enquête anti-subventions visant la Chine

Bruxelles a donné en avril 2024 un nouveau tour de vis contre les pratiques anticoncurrentielles attribuées à la Chine en annonçant une enquête visant les fabricants d’éoliennes subventionnés par Pékin et soupçonnés de fausser le marché en Europe.

« Aujourd’hui, nous lançons une nouvelle enquête sur les fournisseurs chinois d’éoliennes. Nous étudions les conditions de développement de parcs éoliens en Espagne, en Grèce, en France, en Roumanie et en Bulgarie », déclarait la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, lors d’un discours à l’Université de Princeton.

Après l’automobile, le ferroviaire et les panneaux solaires, l’Union européenne s’engage dans un nouveau bras de fer avec la Chine. Selon la commissaire, Pékin exporte « à bas prix » vers le reste du monde pour compenser son propre ralentissement économique.

« Cette stratégie est désormais déployée dans tous les domaines des technologies propres, dans celui des semi-conducteurs traditionnels et au-delà », a détaillé la responsable danoise.

Elle affirme que les mesures européennes n’ont « pas pour but de limiter le succès de la Chine », mais qu’il s’agit de « rétablir l’équité dans nos relations économiques ».

En attendant, les carnets de commande s’amenuisent en Europe et les grands groupes taillent dans les effectifs, n’arrivant pas à trouver leur point de rentabilité.

 

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