La Cour d’appel de La Haye vient de rendre, ce 12 novembre, une décision historique en déboutant les activistes climatiques qui exigeaient que Shell réduise drastiquement ses émissions de CO₂. Cette décision marque un tournant dans l’équilibre entre les politiques climatiques et les besoins énergétiques fondamentaux de l’humanité, tout en établissant une jurisprudence significative pour l’avenir des contentieux climatiques. Au cœur du débat se trouve une question cruciale : une entreprise privée peut-elle être juridiquement contrainte à modifier sa stratégie commerciale au nom de la lutte contre le changement climatique ? La réponse des juges néerlandais est sans équivoque : non.
Les citoyens n’ont pas à dicter aux entreprises des objectifs
En s’appuyant sur des arguments juridiques solides, la cour d’appel a donné raison à Shell dans son argumentation juridique. L’entreprise pétrolière contestait la légitimité des objectifs de réduction d’émissions qui lui avaient été imposés par les juges de première instance. Elle a notamment fait valoir deux arguments principaux qui ont été retenus par la cour :
- Absence de base légale : l’entreprise a soutenu que les tribunaux n’avaient pas le pouvoir juridique d’imposer de tels objectifs en matière d’émissions, et encore moins de les quantifier. La cour a notamment souligné que les objectifs de réduction des émissions de CO₂ relèvent de la responsabilité des États et non des entreprises privées.
- Inefficacité de la mesure : Shell a argué que ces objectifs imposés ne constituaient pas un moyen efficace pour atteindre son propre but de neutralité carbone à l’horizon 2050. Au contraire, l’entreprise a estimé que ces contraintes pourraient s’avérer contre-productives.
En validant ces arguments, la cour d’appel a ainsi infirmé la décision et donné gain de cause à Shell dans cette affaire. Cette décision remet en question la capacité des tribunaux à imposer directement des objectifs climatiques aux entreprises privées. Cette distinction fondamentale entre responsabilités publique et privée est un principe essentiel du droit qui ne saurait être remis en cause par ceux qui prétendent qu’il y a une urgence climatique, aussi pressante soit-elle.
On ne peut se passer de pétrole comme le prétendent les activistes
Les hydrocarbures demeurent indispensables pour répondre aux besoins fondamentaux de l’humanité. Les énergies fossiles représentent encore plus de 80 % du mix énergétique mondial, tandis que la demande énergétique globale continue d’augmenter, en particulier dans les pays émergents.
Les énergies renouvelables croissent, mais cinq fois moins vite dans les pays en développement.
La sécurité de l’approvisionnement énergétique, souvent négligée dans le débat climatique, est de nouveau au premier plan des préoccupations internationales, comme lors de la COP28 à Dubaï. Les récentes crises géopolitiques, notamment en Europe avec la guerre en Ukraine, ont démontré l’importance stratégique d’un approvisionnement énergétique fiable et diversifié.
Dans ce contexte, Shell et les autres majors pétrolières jouent un rôle crucial en maintenant des capacités de production stables et en investissant dans de nouvelles technologies d’extraction plus efficaces.
« Petrol Great Again »
L’évolution politique aux États-Unis, avec le prochain retour effectif de Donald Trump à la présidence, illustre un changement de paradigme majeur. Sa promesse de développer considérablement la production d’hydrocarbures américains reflète une tendance plus large qui consiste à donner la priorité à l’indépendance énergétique par rapport aux objectifs climatiques.
Cette approche « America First » en matière énergétique aura des répercussions mondiales considérables sur les marchés de l’énergie. Le remplacement total des hydrocarbures se heurte à des obstacles techniques considérables.
L’intermittence des énergies renouvelables nécessite des solutions de stockage qui n’existent pas pour la production d’électricité en quantité industrielle ; la durée de vie de la batterie de votre smartphone devrait vous faire comprendre l’ampleur incommensurable du défi. Les matériaux nécessaires aux technologies vertes posent leurs propres défis environnementaux et géopolitiques. Le coût des infrastructures de transition représente des investissements colossaux que tous les pays ne peuvent supporter.
Les secteurs comme l’aviation, le transport maritime et l’industrie lourde n’ont tout simplement pas encore de solutions alternatives viables.
L’expérience européenne récente offre des enseignements précieux. La crise énergétique de 2022-2023 a démontré la vulnérabilité d’une transition énergétique précipitée et l’importance stratégique de maintenir des sources d’énergie diversifiées. Elle a également mis en lumière le risque social et politique d’une augmentation brutale des prix de l’énergie, plaidant ainsi pour une approche pragmatique plutôt qu’idéologique.
Mario Draghi a d’ailleurs souligné ce risque et la nécessité d’une approche pragmatique dans son rapport dénonçant en termes feutrés la perte de compétitivité de l’UE due au prix de l’énergie résultant de la politique énergétique assujettie à la politique climatique.
Shell et les autres majors pétrolières ne sont pas uniquement des producteurs d’hydrocarbures, mais également des acteurs essentiels pour faire fonctionner le monde. Leurs investissements massifs dans la recherche et le développement pour rendre la prospection et l’exploitation des hydrocarbures plus efficaces sont considérables. Ils savent qu’on les surveille et ne tiennent pas à finir sur la première page des journaux, mais être efficace signifie aussi avoir une meilleure rentabilité économique.
L’arrêt de la Cour d’appel de La Haye s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, marqué par la montée en puissance des pays BRICS qui ne pensent qu’à la croissance économique et à la compétition pour les ressources stratégiques, loin des préoccupations des politiciens de l’UE et des activistes néerlandais.
Si la décision de La Haye marque ainsi un tournant dans l’approche juridique et politique de la transition énergétique, elle doit être l’occasion d’une prise de conscience que le monde ne peut pas être dirigé par des activistes, mais par la recherche du bien-être pour huit milliards d’êtres humains.
Pour cela, le point de départ est une énergie abondante et bon marché pour tous.