Prix de l’énergie : l’hiver s’annonce mal !

Après un invraisemblable plus haut historique à 240 €/MWh en août 2022, les prix du gaz avaient continûment baissé, durant l’année 2023. En février 2024, le prix du TTF (prix de gros européen négocié à Rotterdam) était redescendu à 30 €. Historiquement, cette valeur restait cependant élevée en comparaison des prix (de l’ordre de 15 €) qui dominaient avant la crise énergétique et le conflit russo-ukrainien. Malheureusement, depuis mi-2024, les prix sont repartis à la hausse. Le TTF flirtait, en début de semaine, avec les 50 €, soit une augmentation de 45 % depuis février 2024.

Jackpot pour l’Amérique

Multifactorielle, cette hausse est surtout exogène. Alors que nous approchons de la période hivernale, les stocks européens, bien que satisfaisants, sont inférieurs aux années précédentes. Mais ce sont surtout les tensions géopolitiques avec la Russie qui provoquent cette hausse.

Rappelons que sur les trois systèmes européens, le seul encore en service est le Brotherhood (ou pipe de la « fraternité ») véhiculant le gaz russe à travers l’Ukraine. Les deux autres (Nord Stream, sabotés par explosion le 26 septembre 2022, et Yamal, traversant la Biélorussie) ne sont plus opérationnels.

Or, le contrat entre la Russie et l’Ukraine sur le Brotherhood arrivant à terme en fin d’année, il y a de fortes incertitudes quant à son renouvellement.

Rendant les marchés nerveux, ces incertitudes provoquent mécaniquement une hausse des prix. Si le contrat de transit n’était pas renouvelé, l’Europe n’aurait d’autre choix que d’accroître à nouveau ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. À titre de comparaison, le MWh de gaz est vendu sur le marché spot américain à 12 €, soit… quatre fois moins cher qu’en Europe ! Accroître les importations de GNL américain devrait continuer de renchérir les prix du gaz en Europe.

Pour Donald Trump, c’est le jackpot. D’autant qu’en remerciement de nos achats massifs de GNL au prix fort, le président fraîchement élu envisage de taxer lourdement nos produits à l’importation. Plus naïve que jamais, l’Europe, qui a toujours refusé de développer ses gaz de schiste, sera perdante sur tous les tableaux.

L’accroissement des prix du gaz n’est pas la seule mauvaise nouvelle. Alors que les grandes périodes de froid ne se sont pas encore installées, on a vu le MWh électrique spot dépasser les 150 € sur le marché de gros. Rien d’étonnant puisque le gaz, en tant que source marginale, impose le prix de l’électricité et qu’il faut entre 2 et 3 MWh de gaz pour fabriquer un MWh électrique.

Suicide programmé sur l’autel de la vertu

Une bien mauvaise nouvelle pour un gouvernement qui peine à faire voter un budget et bute notamment sur la volonté du RN et du NFP de redonner du pouvoir d’achat aux Français en baissant significativement le prix de leur facture d’électricité.

Avant la crise, la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) était de 32 €/MWh. Pour compenser les hausses vertigineuses du prix du MWh durant la crise de 2022, l’État avait temporairement supprimé la TICPE. Elle a, depuis, été relevée à 22 €. À la suite de l’arrêt définitif du bouclier tarifaire en février 2025, elle devait retrouver sa valeur originelle de 32 € à partir de février 2025. En dernière lecture et sous la pression du RN, le gouvernement a accepté de la maintenir à 22 € (NDLR : il a été censuré depuis).

Grâce à cette décision, les 60 % de Français bénéficiant du « tarif bleu » devaient voir leur facture baisser de 16 %, début 2025. Toutefois, cette baisse pourrait devenir rapidement caduque. L’augmentation des prix de gros de l’électricité faisant suite à l’accroissement des prix du gaz devrait rapidement faire fondre la baisse attendue.

Sauf à remettre en place un bouclier tarifaire dont l’État n’a plus les moyens, les Français pourraient voir leur facture s’accroître et non baisser, en 2025. Les revendications du RN et du NFP vont donc à contresens de la réalité des marchés.

Mais le drame pourrait surtout venir des 40 % de ménages et d’entreprises dont les contrats indexés sur les prix du marché subissent de plein fouet les hausses des prix de gros. C’est notamment le cas pour de nombreuses PME, déjà en grande difficulté (les défaillances n’ont jamais été aussi nombreuses et on annonce des plans sociaux à la chaîne, avec près de 200.000 emplois menacés) : pourront-elle absorber des coûts énergétiques supplémentaires dans la mesure où un nouveau « quoi qu’il en coûte énergétique » ne paraît plus envisageable ?

Le seul moyen pour retrouver des marges de compétitivité serait de faire une pause temporelle sur la transition énergétique européenne qui est à la fois irréaliste, injuste, insoutenable et surtout inutile sur le plan climatique.

Rappelons qu’actuellement, la France débourse annuellement près de 100 milliards d’euros (dont 30 milliards de fonds publics) dans la transition énergétique.

Sans cette pause, l’Europe continuera son suicide programmé sur l’autel de la vertu !

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Une réponse

  1. Le seul moyen pout retrouver des marges de compétitivité c’est que la France contribue à rendre à l’Europe sa souveraineté pour que cette partie du monde devienne une vraie puissance capable de défendre des stratégies communes! L’Europe est mal partie car elle est devenue le paillasson des autres puissances qui ne voit en elle qu’un conglomérat d’égoïsmes en opposition permanente incapable de se raidir pour s’imposer!

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