On peut le dire, les couleurs sont belles. La scène est dans une mine de charbon à Lützerath, en Allemagne, où le ciel « bas et lourd/Pèse comme un couvercle », non pas sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis mais, ce coup-ci, sur une adolescente qui ressemble à la poupée Chucky du film d’horreur éponyme.
Elle s’appelle Greta, Greta Thunberg, et ce qu’elle aime, dans la vie, à part venir à la tribune de l’ONU insulter les grandes personnes, c’est manifester pour le climat. Les couleurs sont belles parce qu’elles sont tristes, mornes, désaturées. Il y a des flaques d’eau par terre. On sent qu’il doit faire froid. La mine de Lützerath, figurez-vous, est en train de s’étendre. Et les militants éco-anxieux sont bien décidés à ne pas laisser passer ça.
N’écoutant que son courage, celle qui est désormais une jeune femme, dont le cas nécessiterait davantage une prise en charge adaptée que des déplacements en jet pour défendre la nature, s’est rendue aux côtés des manifestants (point « e », point « s », ça va sans dire). Elle a été arrêtée par la police allemande. On la voit, portée par plusieurs policiers en uniforme.
Mathilde Panot, avec le sens de la mesure qu’on lui connaît, s’est empressée de tweeter : « Tout mon soutien à Greta Thunberg arrêtée en Allemagne. La criminalisation des militants écologistes n’arrêtera pas le combat pour l’intérêt général. » Rien que ça. Clémentine Autain, elle, n’est pas en reste, en retweetant les photos de cette odieuse atteinte au militantisme écolo, évidemment.
Une arrestation musclée de l’icône ? Pas vraiment. La vidéo qui circule sur les réseaux sociaux l’atteste. Sur ces images, on voit Greta rire de bon cœur encadrée par les policiers, tandis que, lors de ce qui ressemble bien à un shooting photo, des journalistes la mitraillent. La presse du monde entier prend des images dans une ambiance détendue.
On est loin de la répression aveugle d’un système climatosceptique. « Le petit cinéma de Greta Thunberg », titre le journaliste. C’est encore trop indulgent : on est loin d’une production artisanale et on a, bien plutôt, incontestablement affaire à du grand cinéma. Mal fagotée en lycéenne pauvre, Greta Thunberg, dont les photos prises chez elle, en compagnie de sa mère, laissent voir un goût plus sûr et des moyens plus conséquents, fait le show.
Les couleurs, on l’a dit, sont belles, là encore, justement, parce qu’elles sont moches. Tout est important : ça doit sentir la tristesse. On n’imagine pas une manifestation alarmiste aux Maldives, ni même dans une mine de pierres précieuses en Afrique. Ça n’aurait aucune allure, et ça ne s’attaquerait pas aux méchants Occidentaux.
Quant aux pollueurs gigantesques que sont l’Inde et la Chine, on imagine que Greta a dû quitter l’école pour vivre sa vie de militante bien avant les cours de géographie. Il ne peut pas y avoir d’autre explication.
Dans la société du spectacle postmoderne, comme autrefois au théâtre, la mise en scène doit se faire en coulisses, sinon la fiction devient trop visible. Greta Thunberg devrait le savoir. L’agit-prop en carton-pâte était concevable dans les années 60, mais aujourd’hui, il y a toujours un mauvais plaisant pour démasquer la grosse farce, mettre au jour le business de la pleurniche.
C’est tant mieux…et puis ça nous fait bien rigoler.