Le vote du Sénat pour les énergies renouvelables : des incohérences

Ce projet de loi prévoit en particulier un développement de l’éolien et du solaire qui entre en contradiction avec la volonté affichée de développer aussi le nucléaire.

Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables a été adopté au Sénat mardi 7 février par 300 voix « pour » et 13 voix « contre ».

Que cache ce vote du Sénat en faveur des énergies renouvelables contraires aux intérêts de la nation ?

Un vote aberrant

Ce vote aberrant de la plupart des sénateurs de droite (Les Républicains) pourtant souvent critiques envers les éoliennes et autres panneaux photovoltaïques est-il le résultat d’un marchandage ?

Quels sont les sombres calculs derrière cette décision ?

Les Sénateurs seraient-ils tombés dans un piège machiavélique ou bien ont-ils considéré qu’il était nécessaire d’en passer par cette gabegie financière contre l’intérêt général des Français pour faire accepter le développement du nucléaire en France ?

En effet, ce projet de loi prévoit en particulier un développement de l’éolien et du solaire (deux sources d’énergie aléatoirement variables, voire intermittentes) qui entre en contradiction avec la volonté affichée de développer aussi le nucléaire dont la production doit être massive et la plus stable possible.

Ce texte viserait à rattraper le « retard » de la France dans les énergies renouvelables intermittentes (EnRI), notamment l’éolien et le solaire.

Ces dernières sont pourtant nuisibles pour l’équilibre du réseau, les émissions de CO2 et le portefeuille des Français, alors que la France est en avance en Europe et dans le monde pour sa production d’électricité décarbonée grâce principalement au nucléaire !

Manque d’anticipation

En se soumettant aux diktats de l’Europe et particulièrement de l’Allemagne, les pouvoirs publics ont été surpris en 2022 par leur propre manque d’anticipation et leur impéritie depuis près de 20 ans dans le domaine de la production nationale d’électricité.

Ils ont soudain découvert la nécessité de la production d’électricité nucléaire décarbonée qui permet de diminuer la consommation de gaz et de charbon. Mais il est rapidement apparu à ces « décideurs éclairés » que de telles décisions n’auraient guère d’effets significatifs sur la production d’électricité avant une dizaine d’années au mieux.

D’où une réflexion visant à prolonger la durée du parc nucléaire existant à 60 ans, puis éventuellement à 80 ans, comme aux États-Unis

Un vote bienvenu du Sénat a déjà supprimé la limitation arbitraire du nucléaire à 50 % dans le mix électrique en France en 2035.

En effet, les réacteurs nucléaires français n’ont pas une durée de vie déterminée à l’avance.

Leur prolongation intervient après une visite décennale approfondie de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière consiste à vérifier la conformité des phénomènes de vieillissement et à augmenter le niveau de sûreté pour approcher au mieux celui des réacteurs de troisième génération du type EPR.

Or, le développement inconsidéré des énergies renouvelables (EnRI) envisagé par le projet de loi actuel risque de diminuer la durée de vie des réacteurs à cause de la production non pilotable et intermittente des EnRI nécessitant une modulation nucléaire pour répondre à la demande et équilibrer le réseau.

La modulation nucléaire

La modulation nucléaire (appelée encore suivi de charge et pratiquée en France depuis les années 1980) consiste à diminuer temporairement la puissance fournie par un réacteur, sans l’arrêter (son redémarrage demande environ 24 heures).

Cette modulation est rarement mise en œuvre dans le monde car compte tenu du coût de l’investissement initial, il est plus rentable de faire fonctionner ces réacteurs en permanence à pleine puissance, c’est-à-dire « en base ».

En effet, contrairement à une centrale thermique « à flamme » utilisant du gaz, du charbon, ou du bois, pour laquelle les coûts variables du combustible sont importants, les coûts d’un réacteur nucléaire sont essentiellement fixes (environ 90 % pour l’amortissement, le personnel et la maintenance car l’uranium ne coûte presque rien).

En revanche, le coût de production d’un réacteur nucléaire augmente rapidement s’il ne fonctionne pas à pleine capacité.

Ainsi, dans la plupart des pays, chaque réacteur produit environ 8 térawattheures (TWh) par an par gigawatt installé, alors qu’en France il atteint à peine 6 TWh à cause de cette modulation qui abaisse la production nucléaire pour laisser la place aux productions éoliennes et solaires quand elles sont présentes.

Historiquement, la France module son parc nucléaire depuis longtemps pour diminuer la production pendant les périodes de moindre consommation (nuits, jours fériés, été…) parce que c’est le seul pays au monde avec une proportion de 75 % de nucléaire dans son mix électrique.

Mais hélas, depuis plus de 10 ans, l’ajustement à la production aléatoire et intermittente des EnRI (éolien et photovoltaïque) devient prépondérant (puisqu’elles ont une priorité d’accès au réseau) et accroit cette modulation.

Quand ces EnRI produisent beaucoup (les jours de vent et de soleil) et que la demande est faible, il devient nécessaire de ralentir la production de près d’une trentaine des 56 réacteurs nucléaires existants (il y en avait 58 avant l’inique fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020) pour « désengorger » le réseau.

Complémentarité fictive

Il est inexact de parler d’une « complémentarité du nucléaire avec les EnRI » car cette soi-disant complémentarité fonctionne à sens unique à cause de la priorité d’injection donnée aux EnRI non pilotables au détriment du nucléaire contraint de s’effacer en diminuant sa production !

Puis il doit l’augmenter rapidement si nécessaire (avec les autres moyens pilotables) lorsque le vent et le soleil cessent de souffler et de briller…

En revanche, quand les EnRI sont absentes par manque de vent et/ou de soleil, le nucléaire doit faire face quasiment seul à la demande avec l’appui des faibles moyens thermiques à flammes pilotables restants (charbon, gaz et bois).

Et ce soutien bancal peut avoir de graves conséquences.

Modulation nucléaire et EnRi

La modulation nucléaire de plus en plus forcée par le développement nuisible des EnRI conduira donc à une impasse technique si des mesures correctives ne sont pas anticipées et mises en œuvre.

En effet, la modulation a des effets sur le matériel : dégâts possibles sur la structure des cœurs et vieillissement prématuré de certaines pièces et circuits. Les réacteurs américains ne sont pas soumis à de telles variations.

Le président de l’ASN a synthétisé le problème :

« Avec l’arrêt de la production pilotable utilisant des combustibles fossiles, les fluctuations de la demande d’électricité devront être encaissées par le parc nucléaire. D’où la question : est-ce que cela conduit à des effets particuliers en termes de prolongation du parc ? ».

Par ailleurs, la modulation a aussi des conséquences néfastes sur les finances d’EDF. Elle contrecarre les efforts attendus du groupe pour développer son parc de réacteurs nucléaires.

La perte est d’environ 10 milliards d’euros par an en estimant à 1,5 TWh non vendu par GW installé à cause de la modulation » (multiplié par les 61 GW nucléaires d’EDF) pour un prix de marché de 100 euros/MWh).

De plus, ces pertes de revenus augmentent le coût de l’électricité produite car les coûts fixes des installations et du personnel demeurent, et ils sont prépondérants.

Bien entendu, les producteurs d’électricité issue des EnRI ne sont pas tenus de compenser les coûts supplémentaires qu’ils engendrent pour EDF et pour la collectivité (clients et contribuables) et ne sont pas pris en compte dans le coût global des EnRI !

Cette modulation nucléaire au profit de sources d’électricité non pilotables éoliennes et photovoltaïques, plus chères et plus émettrices de gaz à effet de serre, est une aberration.

Ce choix étrange du « en même temps » gouvernemental risque de réduire la durée de vie des réacteurs par une usure prématurée. Il expose donc la France a une rude sobriété forcée mais aussi à une redoutable pénurie d’électricité.

Heureusement il existe des solutions.

Les solutions

  1. Supprimer dès que possible la priorité d’injection sur le réseau d’électricité en faveur des renouvelables non pilotables. Cette priorité doit être attribuée d’abord à l’hydraulique fluviale (au fil de l’eau), puis au nucléaire.
  2. Arrêter le développement des EnRI non pilotables, notamment éolien et solaire, néfastes au fonctionnement du réseau d’électricité et du parc nucléaire contrairement au vote récent du Sénat en leur faveur.
  3. Accroître la durée de vie du parc nucléaire actuel le plus longtemps possible (il n’existe plus d’autres possibilités sauf à augmenter la production au gaz et au charbon).
  4. Renforcer les capacités de stockage hydraulique du type STEP (Stockage par Transfert d’Énergie par Pompage).
  5. Reporter sur les producteurs d’EnRI les coûts de leurs productions aléatoires et intermittentes aujourd’hui supportés principalement par le parc nucléaire et les contribuables.
  6. Arrêter de promouvoir des mesures de sobriété incohérentes, notamment la nuit durant les « heures creuses » alors que la capacité de production est disponible. Elles perturbent le fonctionnement du parc de production sans intérêt pour les clients.

 

Ce n’est qu’en prenant en compte l’intérêt de la nation et non en se livrant à de sombres calculs politiciens que la situation énergétique précaire de la France pourra s’améliorer.

C’est donc en agissant à l’inverse du vote incohérent, probablement « politique » mais irresponsable, des sénateurs.

En effet, le développement des EnRI ruinent les Français et contribuent au cycle infernal de la modulation nucléaire nuisible à EDF.

Les Français retrouveront des prix acceptables de l’électricité et la sécurité d’approvisionnement électrique au moins jusqu’en 2060 et probablement largement au-delà lorsque les responsables politiques auront pris conscience de l’intérêt général et accepteront les lois de la physique.

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