(Par Éric Letty dans BV du 26 mai 2023)
Depuis le maintien, en 2017, d’un impôt sur la fortune immobilière, on a compris que l’ancien banquier d’affaires Emmanuel Macron n’est pas favorable au placement dans la pierre, pourtant privilégié par de nombreux Français. Lorsqu’à cette hostilité de principe s’ajoute un enjeu écologique, les propriétaires fonciers ont tout à craindre.
Ainsi le gouvernement a-t-il promulgué, le 22 août 2021, une loi « Climat et Résilience » qui s’inscrit dans la continuité du « Pacte vert pour l’Europe » adopté par l’Union européenne en 2020 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Bon élève, le gouvernement français veut traquer les mauvais proprios coupables de mettre en location des logements considérés comme des « passoires thermiques ».
Les bailleurs des biens les plus « énergivores », classés F ou G, se sont d’abord vu interdire, à partir du 24 août 2022, d’augmenter le montant des loyers. Mais depuis le 1er janvier 2023, les logements classés G+ (dont la consommation est supérieure à 420 kWh d’énergie finale par m² et par an), jugés « indécents », ne peuvent plus du tout être loués. Près de 200.000 biens sont concernés. Cette interdiction s’étendra, en 2025, à l’ensemble des logements classés G puis, en 2028, à ceux classés F et, enfin, aux classés E, en 2034. Des millions de biens sont concernés.
À en croire le gouvernement, c’est une bonne nouvelle, à la fois pour la planète menacée par le réchauffement et pour les locataires de ces logements, dont les conditions de vie seront améliorées et les factures de gaz ou d’électricité diminuées.
Mais encore faudra-t-il que les propriétaires réalisent les travaux (isolation, ventilation, remplacement du système de chauffage, double vitrage, etc.) qui leur permettront d’améliorer leur note, en vertu du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) mis en place en juillet 2021.
C’est ici que le bât blesse. Selon le rapport Sichel « Pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés », le passage de la passoire thermique au label BBC coûte, en moyenne, 25.000 euros pour un logement collectif et 46.000 euros pour une maison.
Certes, l’État propose des aides (MaPrimeRénov’, Prime Coup de pouce, éco-prêt à taux zéro, TVA à 5,5 %…) mais, pour beaucoup de propriétaires, la facture reste lourde.
Et les règles du nouveau DPE n’arrangent rien. Il instaure, en effet, un nouveau mode de calcul, pénalisant notamment les propriétaires de petits logements et risque d’entraîner « la fermeture de millions de logements », selon le président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), Christophe Demerson.
À l’échelle nationale, 5,2 millions de résidences principales, soit 17 % d’entre elles, seraient en effet classées F ou G. S’y ajoutent deux millions de résidences secondaires ou de logements vacants qui sont dans le même cas.
Sur le site Actu.fr, un autre responsable de l’UNPI, David Gonthier, indique qu’à Paris, 55 % des logements de moins de 18 m² sont classés en catégorie G. Ils ne devraient donc plus pouvoir être loués à partir de 2025…
De nombreux propriétaires, qui ne pourront ou ne voudront pas réaliser les travaux nécessaires, les laisseront inoccupés ou les vendront. Selon une enquête menée en septembre 2022 par la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), 26 % des bailleurs de biens classés F ou G envisageraient de vendre leur bien. 32 % seraient prêts à engager les travaux de rénovation exigés et 36 % voudraient « relouer en l’état », malgré la loi – et les sanctions encourues.
Ceux qui mettront leurs biens aux normes devront, pour les rentabiliser, augmenter des loyers déjà élevés : un studio se loue en moyenne près de 850 euros par mois à Paris. Et les prix ne sont pas près de baisser si, de surcroît, l’offre se raréfie.
À l’UNPI, David Gonthier prévoit une « catastrophe sociale » :
« Notre inquiétude est pour les propriétaires, mais elle est encore plus grande pour les locataires. Comment vont se loger les étudiants, les salariés précaires ? »
Bien que les rigueurs de la nouvelle loi ne s’appliquent pas aux logements dont le bail est déjà en cours, la recherche de logements par les étudiants, par exemple, risque en effet de devenir beaucoup plus difficile, alors que le marché est déjà saturé dans de nombreuses villes universitaires. Une fois de plus, le gouvernement (de même que l’Union européenne) met la charrue avant les bœufs et fait primer l’idéologie verte sur les réalités.
Reste à savoir si le but réel de cette politique n’est pas de porter atteinte à la propriété privée immobilière. Mais ce soupçon relève sans doute du « complotisme »…