Cinquante ans après le choc pétrolier de 1973, le danger d’un nouveau choc guette l’UE

Aujourd’hui, 6 octobre 2023, il y a 50 ans, débutait la guerre du Kippour entre Israël et les pays arabes. Elle n’a duré que quelques jours, mais elle a servi de prétexte pour révolutionner le marché du pétrole, les pays arabes ayant décidé de pénaliser les pays occidentaux qui soutenaient Israël. Nous nous trouvons aujourd’hui dans la situation inverse, l’Union Européenne (UE) pensant qu’elle n’a plus besoin de pétrole, et les pays arabes sachant que leurs réserves sont aussi importantes stratégiquement qu’elles l’étaient il y a 50 ans. Cette situation est également dangereuse, et pourrait conduire à une nouvelle crise pétrolière.
 

Les modèles du Club de Rome nous ont créé les pires ennuis !

En 1972, le Club de Rome publie le « Rapport Meadows », intitulé «  Halte à la croissance  ?  ». Tiré à 30 millions d’exemplaires et traduit dans une trentaine de langues, ce livre a marqué une génération. Basé sur des modèles, il prédisait l’épuisement des réserves de pétrole pour l’an 2000. Tout le monde y a cru – même moi –, ce qui m’a permis de faire un doctorat dans ce domaine. Ce rapport «  au  » Club de Rome est toujours loué par les décroissants, bien que ses prévisions se soient avérées fausses. Même Ursula von der Leyen a déclaré au Parlement européen, le 15 mai dernier, que le Club de Rome nous avait averti de stopper la croissance économique et démographique.

Le colonel libyen Mouammar Kadhafi se réjouissait de la crainte de la fin du pétrole en l’an 2000. Trois ans plus tôt, il avait chassé le roi Idriss. Une fois au pouvoir, le jeune colonel nationalise l’industrie pétrolière. Hier comme aujourd’hui, la première condition pour produire du pétrole est la stabilité du pays, mais c’est tout le contraire dans la Libye de Kadhafi. La production libyenne est en baisse, or, la révolution a besoin d’argent. Le prix du pétrole doit augmenter.

Puisque les idiots utiles croient aux modèles catastrophistes du Club de Rome, le colonel va exploiter leur peur de la fin du pétrole et convaincre les autres pays arabes d’augmenter le prix du brut. C’était l’occasion rêvée pour ces pays d’utiliser leurs réserves pour influencer la politique occidentale à l’égard d’Israël.

La guerre du Kippour déclenche le premier choc pétrolier

Le 6 octobre 1973, jour de la grande fête juive de Yom Kippour, alors que tout Israël célèbre le «  Grand Pardon  », l’Égypte et la Syrie attaquent Israël, pour le contraindre à restituer les territoires conquis lors de la guerre des Six Jours, en 1967. Le prix du pétrole brut s’envole.

Pour obliger les pays occidentaux à faire pression sur Israël, 10 jours après le début de la guerre, les pays arabes producteurs de pétrole, l’OPAEP (et non l’OPEP), augmentent le prix de 70 % et réduisent de 5 % par mois les exportations de pétrole vers l’Europe et l’Amérique, notamment les États-Unis, les Pays-Bas, le Portugal et l’Afrique du Sud, «  jusqu’au retrait complet d’Israël des territoires arabes occupés en 1967 et au rétablissement du peuple palestinien dans ses droits  ».

Les conséquences de la crise de 1973

À la fin du conflit, le 23 octobre, l’OPEP réduit sa production de 25 %. Les conséquences sont immédiates. Les signes les plus tangibles des conséquences de ce premier choc pétrolier ont été une poussée inquiétante de l’inflation. Les dépenses énergétiques ont accéléré la crise économique qui a frappé l’UE, d’abord sous la forme dne récession qui a interrompu brutalement la croissance économique des Trente Glorieuses. La production industrielle a reculé, les secteurs économiques traditionnels ont été directement touchés et les faillites se sont multipliées. Les pays en développement ont dû sendetter et continuent de payer les intérêts de leurs dettes.

Comme en 2022 et 2023, la hausse des prix de l’énergie frappera fort  !

L’UE s’organise pour résister au choc

Mais les pays de l’OCDE se sont organisés. Ils créent rapidement l’Agence internationale de l’énergie (AIEA). Les gouvernements réagissent pour réduire la consommation de produits pétroliers en décrétant les fameux dimanches sans voiture, dont le premier a eu lieu le 18 novembre 1973. Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, lance l’heure d’hiver et le slogan «  En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées  ». La maîtrise de l’énergie devient un enjeu public majeur, bien avant que l’on ne parle de changement climatique d’origine anthropique.

Ces circonstances ont conduit à une intensification de la recherche pétrolière, avec une vaste campagne d’exploration lancée dans de nombreux pays, qu’il s’agisse de producteurs traditionnels ou non.

Parallèlement, des alternatives au pétrole sont recherchées, comme l’éthanol issu de la canne à sucre au Brésil. La Commission européenne a lancé le programme de démonstration « pétrole et gaz » pour le développement technologique, qui a abouti à une production en mer du Nord (je consacre plusieurs pages à cette réussite dans mon livre Energy insecurity : The organised destruction of the EU’s competitiveness). Grâce à cela, le contre-choc pétrolier du milieu des années 80 a été réussi, ramenant les prix du pétrole à des niveaux raisonnables. Les écologistes du Parlement européen se sont empressés de tuer ce programme dès leur arrivée au pouvoir à Bruxelles-Strasbourg.

2023 comme 1973 ?

Quelles leçons pouvons-nous tirer de la crise pétrolière ? Tout d’abord, ne pas croire les modèles : puisqu’un ordinateur ne peut pas prédire l’avenir, pourquoi définir des politiques punitives et radicales sur la base de ces projections, même si les scientifiques veulent vous y faire croire ? La recherche a toujours fonctionné ainsi, mais sur base des modèles du GIEC, il nous faut maintenant décarboner. Pensez aux modèles qui prédisent la température en 2100. Ils se sont révélés faux jusqu’à présent, mais de nombreuses personnes — de moins en moins nombreuses — continuent à y croire et poussent l’UE à adopter une politique de décroissance volontaire ou involontaire (le sujet de mon dernier livre, mentionné ci-dessus). Dans une université que je connais bien, on envisage de pénaliser les chercheurs qui se déplacent pour partager leurs travaux et échanger des idées avec d’autres chercheurs.

Deuxièmement, il faut poursuivre la recherche technologique, y compris dans le domaine des hydrocarbures, qui restera incontournable, car — après des décennies de subventions et de soutiens multiples — l’énergie primaire produite par les éoliennes et les panneaux solaires ne représente que 3 % du total, et ils ne pourront approcher les 100 % ni en 2050 ni plus tard ; prétendre le contraire n’est guère crédible. Ce sont les nouvelles technologies de l’époque — production d’hydrocarbures et d’énergie nucléaire — qui ont permis de museler la géopolitique de la peur. Il n’y a pas lieu de désespérer de la capacité des ingénieurs à trouver des solutions aux problèmes que nous continuerons à rencontrer.

Plus inquiétant encore, les banques de l’UE hésitent à financer des projets d’énergie conventionnelle de peur de s’attirer les foudres des ONG écologistes. Elles réduisent, voire cessent de financer des projets essentiels pour l’avenir  ; c’est le cas, par exemple, de la BNP et de la Société générale, qui aiment à se montrer vertes. En revanche, les banques hors UE investissent massivement dans les secteurs vitaux du pétrole et du gaz, car elles ne sont pas soumises au crible des ONG écologistes.

Si Bruxelles-Strasbourg ne change pas de position après les élections du 9 juin 2024, nous retomberons dans un piège similaire à celui de 1973. À l’époque, nous ne savions pas que le Club de Rome se trompait. Aujourd’hui, nous le savons. Il y a suffisamment d’experts en énergie dans le monde pour dénoncer l’imposture de la décarbonation. Il est temps d’agir si nous voulons éviter un choc, mais cette fois-ci, il ne sera pas mondial comme en 1973, mais confiné à l’UE verte. Et ce choc sera bien plus terrible que celui d’il y a 50 ans, car le reste du monde, encouragé par les BRICS+, se précipite avec enthousiasme vers les énergies conventionnelles.

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