L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a un problème grandissant avec la réalité. Elle souligne, à juste titre, que la demande dans le monde d’énergies fossiles reste trop élevée pour correspondre aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais elle annonce dans le même temps leur déclin irréversible dans les toutes prochaines années… avant même la fin de la décennie. Une contradiction difficile à surmonter tandis que la consommation de charbon et de pétrole va atteindre des records cette année et que les investissements, notamment dans le gaz et le pétrole, se multiplient. Une fois encore on peut se demander si l’Agence internationale de l’énergie ne prend pas ses désirs pour la réalité.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient une nouvelle fois de découvrir la lune. A un mois de la COP28, elle souligne dans son traditionnel rapport prospectif, le World Energy Outlook, publié le 24 octobre, qu’en dépit du bond « phénoménal » des énergies bas carbone, la demande de carburants fossiles devrait rester « trop élevée » pour respecter les objectifs les plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment peut-il en être autrement quand la consommation de charbon et de pétrole va atteindre cette année des records historiques et que le gaz naturel serait dans la même situation si la Russie n’avait pas envahi l’Ukraine en février 2022?
Les modèles de l’AIE prédisent un reflux de la demande de charbon, pétrole et gaz d’ici la fin de la décennie
« La transition vers une énergie propre est en cours dans le monde entier et elle est inévitable. Ce n’est pas une question de « si », c’est juste une question de « quand » – et le plus tôt sera le mieux pour tout le monde », affirme Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, en commentant la sortie du rapport. D’ici 2030, l’AIE estime qu’il devrait y avoir dans le monde 10 fois plus de véhicules électriques sur les routes qu’aujourd’hui et que la part des renouvelables dans le mix électrique mondial devrait approcher de 50% (contre 30% actuellement). Mais des « politiques plus fortes sont nécessaires » pour atteindre l’objectif de réchauffement maximal de 1,5° Celsius.
Selon les modèles de l’AIE (voir ci-dessous), qui ne sont pas toujours d’une grande fiabilité, la demande de gaz, pétrole et charbon devrait atteindre un sommet dans la décennie. Dans son scenario basé sur des politiques actuelles, la part des combustibles fossiles dans l’approvisionnement énergétique mondial, restée depuis des décennies à plus de 80%, diminuera à 73% d’ici 2030… en seulement 6 ans. Une soudaine accélération de l’histoire. Et mieux encore les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie culmineront même d’ici 2025. Presque trop beau pour y croire et en contradiction avec dans le même temps des mises en garde répétées sur le poids trop important conservé par les carburants fossiles…