Contrairement aux discours triomphants et aux campagnes publicitaires incessantes, la conversion vers les véhicules électriques à batteries est tout sauf un chemin de rose. Non seulement, elle met en jeu la survie des constructeurs traditionnels que l’Europe est en train de sacrifier, mais elle se heurte à la réticence persistante des automobilistes. La progression rapide des ventes de véhicules électriques le doit aujourd’hui avant tout aux flottes d’entreprises, aux technophiles qui adorent jouer les précurseurs et aux porteurs de signes. Conquérir le cœur du marché s’avère beaucoup plus compliqué, en France comme dans de nombreux autres pays comme l’Allemagne ou les Etats-Unis. C’est notamment ce que montre la dernière étude annuelle sur l’automobile du cabinet Deloitte. Seules 9% des personnes interrogées en France envisagent l’achat d’une voiture électrique.
Passé le succès manifeste auprès des geeks qui s’enorgueillissent d’être des précurseurs, des porteurs de signe et plus encore des flottes d’entreprises, les véhicules électriques doivent maintenant convaincre le cœur du marché. A savoir, les automobilistes qui gèrent un budget serré et n’ont rien à prouver. Et cela s’avère beaucoup plus difficile. C’est ce que montre l’étude annuelle mondiale sur l’automobile réalisée par le cabinet Deloitte. La Global Automotive Consumer Study a été réalisée en septembre et octobre 2023 auprès de 27.000 personnes dans 26 pays, dont 1.000 en France. Elle souligne l’attentisme et les doutes persistants des automobilistes face à la motorisation électrique. Et les Français ne sont pas les seuls, les mêmes réticences existent en Allemagne comme aux Etats-Unis. Seule la Chine y échappe.
Le marché pourrait avoir atteint un plateau
Cela signifie que si les chiffres de ventes de véhicules électriques en France l’an dernier ont été encore favorables avec une progression de 17% et environ 300.000 voitures neuves immatriculées, les prochains mois et sans doute même les prochaines années s’annoncent plus compliquées. Le marché pourrait avoir atteint un plateau. Une très mauvaise nouvelle pour des constructeurs automobiles contraints par les gouvernements et les institutions européennes à faire un virage coûteux et risqué à marches forcées vers la motorisation électrique et confronté dans le même temps à une concurrence redoutable chinoise comme américaine.
La lutte pour des parts de marché de plus en plus difficiles à conquérir est illustrée par les successions de baisses de prix de nombreux constructeurs sur leurs modèles électriques. C’est le cas, pêle-mêle de l’américain Tesla, du chinois MG et même du japonais Toyota.
Seules 9% des personnes interrogées envisagent l’achat d’une voiture électrique
Cela dit, la guerre des prix n’y fait pas grand-chose, l’étude de Deloitte montre que seuls 9% des personnes interrogées envisagent l’achat d’une voiture électrique. Les autres ne sont toujours pas convaincus par les campagnes publicitaires incessantes par une technologie jugée coûteuse, avec trop de contraintes d’usage et dont la pérennité interroge toujours.
Sans surprise, la question de l’autonomie reste essentielle. Dans la majorité des pays, les consommateurs souhaitent au moins 400 kilomètres d’autonomie et même au moins 600 kilomètres en Allemagne. Pour ce qui est du temps de recharge des batteries, c’est la tranche « entre 21 et 40 minutes », pas plus, qui est plébiscitée. Plus d’autonomie, moins de temps de recharge, et des prix moins élevés ! Une équation impossible. Ainsi, 62% des Français interrogés indiquent ne pas vouloir payer plus de 30.000 euros pour l’achat… éventuel de leur véhicule électrique.
Du coup et logiquement le thermique ne perd plus de terrain, avec 40% des consommateurs qui continuent à envisager un prochain achat essence ou diesel et 19% des personnes interrogées qui penchent pour une hybride. Cela rend encore plus irréalistes les objectifs fixés par le gouvernement d’avoir 15 à 20% du parc constitué de véhicules purement électriques à l’horizon 2030, soit entre 6 à 8 millions contre environ 1 million aujourd’hui.
« Un bain de sang » pour les constructeurs traditionnels européens
La situation est encore plus difficile pour l’électrique en l’Allemagne ou aux États-Unis, où respectivement 49% et 67% des consommateurs privilégient la motorisation thermique pour leur prochain achat automobile.
Aux États-Unis, les loueurs à l’image d’Hertz qui voulait jouer les précurseurs et s’en mord les doigts se défont de leurs parcs électriques trop lourds à entretenir et à réparer. En Allemagne, pour la première fois le marché électrique devrait voir ses ventes baisser cette année avec la fin du versement des aides fédérales à l’achat. En France, autre signe qui ne trompe pas, le marché de l’occasion électrique, essentiel aux petits budgets, reste totalement anecdotique.
L’exception, c’est la Chine avec un déclin accéléré de l’attrait du thermique qui ne bénéficie plus que de 33% des intentions d’achat des consommateurs selon l’étude Deloitte. Une excellente nouvelle pour les constructeurs chinois qui peuvent continuer à s’appuyer sur un marché national, le premier au monde, qu’ils contrôlent de plus en plus comme base de conquête.
En revanche, les constructeurs traditionnels européens et américains ont quelques raisons de s’alarmer. Carlos Tavares (Stellantis), l’un des seuls à dire tout haut ce qu’il pense tout bas, redoute un « bain de sang ».