Le Sud global ne veut pas se laisser imposer le rythme de la transition énergétique par les pays occidentaux. Il rejette des leçons de morale jugées « hypocrites ». À cela, une raison simple et majeure : la richesse matérielle d’un pays et de ses habitants est étroitement liée à leur niveau de consommation d’énergie. Et les pays en développement estiment pouvoir aspirer au même niveau de vie que les pays riches. Par Éric Leser. Article paru dans le numéro 21 du magazine Transitions & Energies.
Il existe aujourd’hui une tendance grandissante dans le Sud global à rejeter tout ce qui peut venir de près ou de loin des pays occidentaux et est perçu, à tort ou à raison, comme du « colonialisme ». Cela concerne aussi la transition énergétique et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Si le réchauffement climatique n’est pas nié tout comme la nécessité de le limiter, il n’est pas question que ce soit un frein au développement ni un moyen d’empêcher les populations du Sud d’accéder à des niveaux de vie comparables à ceux des pays riches.
Un exemple frappant vient d’être donné lors d’une interview devenue virale, réalisée le 29 mars dernier par la BBC du président du Guyana Mohamed Irfaan Ali. Le Guyana, petit pays pauvre de 800 000 habitants, vient en quelques années d’être propulsé au rang de producteur important de pétrole et de gaz après la découverte de gisements considérables au large de ses côtes. Les experts et le gouvernement de Georgetown estiment que le Guyana pourrait produire 1,2 million de barils de pétrole brut par jour d’ici 2027.
Une réponse cinglante
Depuis les découvertes et le début de l’exploitation, le Guyana est devenu le pays qui connaît la plus forte croissance économique de la planète : +62 % en 2022 et encore + 26 % en 2023. Au point d’ailleurs de susciter les envies d’invasion de son voisin le Venezuela qui aimerait bien mettre la main sur ses richesses. Le Venezuela est bien à la tête des premières réserves mondiales de pétrole mais son économie a été torpillée depuis deux décennies par la dictature d’inspiration communiste à la sauce latino-américaine, chère à Jean-Luc Mélenchon, de Hugo Chávez d’abord et Nicolás Maduro ensuite.
Pour en revenir à l’interview de la BBC, elle a pris un ton inattendu quand le journaliste de la BBC a abordé la question de l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation des ressources en hydrocarbures du pays. « Au cours des deux prochaines décennies, il est prévu que pour 150 milliards de dollars de pétrole et de gaz seront extraits du sous-sol de vos côtes. C’est un chiffre extraordinaire. Mais cela signifie aussi, selon de nombreux experts, que 2 milliards de tonnes de CO2 provenant de ses réserves seront émises dans l’atmosphère ? »
La réponse a été immédiate et cinglante. « Je vous arrête tout de suite, a répondu Mohamed Irfaan Ali. Savez-vous que nous avons une forêt éternelle qui est de la taille du Royaume-Uni et de l’Irlande combinée et absorbe bien plus de carbone que ce que nous allons émettre. Elle représente 19,5 gigatonnes de carbone ! Une forêt que nous avons préservée avec l’aide de personne et sans la moindre compensation. Au nom de quoi avez-vous le droit de nous donner des leçons sur le changement climatique… Tout cela, c’est l’hypocrisie qui existe dans le monde. »
Sénégal et Inde
Il y a quelques années, Macky Sall, alors président du Sénégal, justifiait de la même façon l’exploitation à venir des …