Ursula von der Leyen va-t-elle sacrifier le Pacte vert pour sa réélection ?

La reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne doit être adoptée au Parlement européen. Mais pour obtenir la majorité, va-t-elle céder sur certains textes clés du Pacte vert ?

C’est une première étape de franchie, mais la route est encore longue et semée d’embûches. Ursula von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne a obtenu le feu vert pour un second mandat lors du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est tenu les 27 et 28 juin. A ses côtés pour former le nouvel exécutif européen, le Portugais Antonio Costa a été nommé président du Conseil européen et l’Estonienne Kaja Kallas cheffe de la diplomatie européenne.

Pour beaucoup d’observateurs, la reconduction d’Ursula von der Leyen, qui a été en 2019 l’une des architectes du Pacte vert avec Frans Timmermans, à l’époque vice-président de la Commission européenne, apparaît comme le scénario le plus prometteur pour sauver ce paquet de mesures qui vise à atteindre la neutralité climatique sur le continent à horizon 2050 et à transformer en profondeur l’économie. 

“Avec cette décision, les dirigeants européens signalent la stabilité de la transition verte de l’UE”,

réagit ainsi Manon Dufour, directrice exécutive d’E3G Bruxelles, un groupe de réflexion indépendant sur le changement climatique.

Virage à droite toute ou passage au vert ?

L’agenda stratégique pour 2024-2029 a également été validé lors de ce sommet. 

“Si les priorités sont inversées par rapport à 2019, il comporte toutefois des éléments intéressants pour sécuriser le Pacte vert et poursuivre la transition écologique“,

commente pour Novethic Neil Makaroff, directeur du laboratoire d’idées européen Strategic Perspectives. 

“Les dirigeants européens ont donné à Ursula von der Leyen un mandat clair pour faire de l’Europe une puissance industrielle. Loin de s’arrêter ou de revenir sur la transition vers le zéro émission nette de l’Europe, ils en dessinent les prochaines étapes naturelles : construire des usines de technologies propres, accélérer l’électrification et la circularité de l’économie”, détaille-t-il.

Mais ce premier vote doit désormais être confirmé au Parlement européen lors de la session du 18 juillet, durant laquelle Ursula von der Leyen prononcera son discours programmatique, censé rallier une large coalition. Ce qui est loin d’être gagné.

En effet, si l’alliance centriste qui a soutenu sa candidature, allant du Parti populaire européen (PPE) aux Sociaux-Démocrates (S&D) en passant par les libéraux de Renew Europe, compte actuellement 399 eurodéputés – au-dessus des 361 voix nécessaires pour obtenir la majorité simple – certains partis nationaux au sein des groupes pourraient décider de s’opposer à son second mandat, leur vote étant par ailleurs anonyme. C’est notamment le cas du parti français Les Républicains ou du Parti libéral démocrate allemand.

“Là, l’exercice va être beaucoup plus difficile et périlleux pour Ursula von Der Leyen qui doit trouver un nouvel équilibre politique et se tourner vers un quatrième partenaire. Celui-ci pourrait être le parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia de Georgia Meloni, en sachant que c’est une ligne rouge à ne pas franchir pour les S&D, ou les Verts et une partie de la droite allemande s’opposerait. De cet équilibre dépendra la survie du Pacte vert”,

analyse Neil Makaroff. Le discours du 18 juillet sera donc clé pour savoir à qui Ursula von der Leyen va décider de tendre la main.

Le risque de rouvrir des textes

Son parti, le PPE, fait également pression pour inclure dans un accord de coalition la réouverture de plusieurs textes déjà adoptés comme la fin des véhicules thermiques en 2035, la directive CSRD sur le reporting extra-financier, la directive sur le devoir de vigilance ou encore celle qui concerne l’interdiction de la déforestation importée. 

“Or, rouvrir un texte, c’est prendre le risque de tout revoir. C’est extrêmement dangereux”, pointe Neil Makaroff.

A ce contexte déjà difficile s’ajoutent les élections législatives anticipées en France, dont le second tour se tient dimanche 7 juillet, avec le risque que le RN obtienne la majorité à l’Assemblée. Si un premier ministre d’extrême-droite était nommé, c’est alors son gouvernement qui prendrait les décisions à Bruxelles, au sein du Conseil de l’Union européenne, dont la présidence depuis le 1er juillet est assurée par la Hongrie, pays dirigé par l’extrême-droite et opposé aux règlementations du Pacte vert. Avec l’Italie, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, la Pologne et la France, ce bloc constituerait une minorité de blocage, empêchant dès lors toute avancée.

Autre hypothèse possible : le rejet par le Parlement européen de la reconduction d’Ursula von der Leyen. Alors, les chefs d’Etats et de gouvernements devraient nommer une nouvelle personnalité. Avec le risque qu’elle ne soutienne pas du tout le Pacte vert… ■

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