À en croire bon nombre d’experts et d’institutions, comme l’Agence internationale de l’énergie, le succès de la voiture électrique était garanti et son ascension irrésistible. Il suffisait de prolonger les courbes de progression des ventes… Il s’est ainsi commercialisé près de 14 millions de voitures neuves 100 % électriques l’an dernier, portant leur nombre total sur les routes dans le monde à 40 millions. Le nombre de véhicules électriques commercialisés en 2023 a augmenté de 35 % par rapport à 2022. Il était plus de six fois supérieur à celui de 2018, cinq ans plus tôt. Les voitures électriques à batterie représentaient 18 % de toutes celles vendues neuves en 2023 contre 14 % en 2022 et 2 % en 2018.
Mais ces chiffres ne disent pas tout. Depuis la fin de l’année dernière et encore plus en 2024, le marché des voitures électriques est arrivé à un plateau et les perspectives sont soudain devenues bien moins favorables. En dépit des investissements considérables privés comme publics, d’une véritable avalanche publicitaire et médiatique, des aides, subventions et autres contraintes et malus imposés aux véhicules thermiques, l’adoption par le cœur du marché, l’automobiliste moyen, reste incertaine. La stagnation de la demande de véhicules électriques est aujourd’hui une réalité un peu partout dans le monde, sauf en Chine. Et même s’il y aura sans doute plus de 50 millions de véhicules électriques en circulation dans le monde d’ici la fin de l’année, cela reste une goutte d’eau dans un parc de plus de 1,4 milliard de véhicules.
Un cas d’école des errements européens
Pour son malheur et le nôtre, la transition énergétique est une question rarement abordée de façon rationnelle, dépassionnée et responsable. Elle est polluée en permanence par des considérations idéologiques, morales, politiques et des intérêts économiques. Les exemples abondent de mauvaises décisions, d’erreurs stratégiques et de refus obstinés de reconnaître les échecs et les limites technologiques, sociales et économiques des politiques imposées.
La voiture électrique est un cas d’école. L’Union européenne (UE) en a fait le fer de lance du modèle qu’elle veut être pour le monde. Et dont personne ne veut… D’ici 2035, toutes les voitures neuves vendues dans les pays de l’Union seront 100 % électriques à batteries ou ne seront pas. Il ne s’agit pas ici de se laisser aller à la caricature. Les véhicules électriques ont des qualités indéniables. Ils réduisent sensiblement la pollution atmosphérique où ils circulent, pas de gaz d’échappement, et les émissions de gaz à effet de serre, à condition qu’ils soient rechargés avec de l’électricité bas-carbone. Mais ils posent des problèmes techniques, économiques, sociaux, environnementaux et de souveraineté qu’il faut regarder en face. Il est devenu impossible aujourd’hui de faire comme s’ils n’existaient pas. Même la Cour des comptes européenne tire la sonnette d’alarme et considère que nous sommes dans « une impasse ». Elle ajoute : « L’UE doit veiller à ce que sa souveraineté industrielle et ses citoyens ne paient pas ses ambitions au prix fort. »
Une stratégie purement politique
La question des véhicules électriques est en outre devenue éminemment politique. Elle divise profondément les populations et les sociétés car elle est considérée, à tort ou à raison, comme une menace pour le mode de vie et même la liberté de mouvement des classes moyennes. La fracture recoupe en grande partie celle entre les métropoles, qui se détachent de la civilisation automobile, et les régions dites périphériques restées dépendantes de ce moyen de transport. Les partis populistes ont fait de leur opposition à la transition contrainte vers la motorisation électrique un argument électoral efficace en Europe comme en Amérique du Nord.
Et il est indéniable que le remplacement des véhicules à motorisation thermique par des électriques à batteries est une décision avant tout politique. L’impulsion ne vient ni des constructeurs, ni des consommateurs. Elle vient, au nom de la réduction nécessaire des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation de pétrole, à la fois des subventions et des aides dont bénéficient les acheteurs, et des contraintes et pénalités infligées aux utilisateurs de véhicules thermiques et aux constructeurs qui ne basculent pas vers l’électrique.
Un marché artificiel
Du coup, le marché de la …