Les pompes à chaleur pompent surtout l’argent des contribuables !

L’installation des pompes à chaleur est très abondamment subventionnée, c’est-à-dire financée par le contribuable. Pour des bénéfices faibles. La Cour des comptes a parlé en septembre de « pratiques déloyales graves relevant de la délinquance organisée ». En cause : des installations surfacturées pour du matériel acheté sur des sites chinois.

Ou comment le contribuable finance l’industrie chinoise. 

Elles sont l’une des plaies des temps modernes. « Elles », ce sont les publicités pour les pompes à chaleur (PAC), panneaux solaires et autres offres de rénovation thermique, qui apparaissent à tout bout de champ dès que l’on consulte tel site Internet ou tel article de presse.

« Pompes à chaleur subventionnées par l’État », offres promettant « jusqu’à 9 500 euros d’aides » et autres PAC « à 1 euro » : depuis plusieurs années, les producteurs d’énergie et installateurs de solutions thermiques inondent le Web de leur communication, incitant les Français à s’équiper de PAC électriques. Le tout, en profitant d’aides publiques telles que MaPrimeRénov’ ou les certificats d’économies d’énergie (CEE).

Un secteur sous perfusion d’argent public

Et cela marche. Malgré un net ralentissement en 2023, le marché français des PAC enregistre une forte croissance, portée par la double nécessité de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Avec 1,2 million d’appareils vendus au terme de l’année dernière, les PAC sont perçues comme une solution efficace pour réduire sa facture d’électricité. Une dynamique pleinement encouragée par les pouvoirs publics, selon lesquels la PAC représenterait le principal levier à activer pour offrir aux ménages français une chaleur renouvelable et abordable. Emmanuel Macron lui-même s’est engagé, en septembre 2023, à ce que la France produise un million d’unités par an à l’horizon 2027.

Inséparables de cette dynamique, les aides financières et dispositifs de subvention connaissent une inflation parallèle au nombre de PAC vendues en France. Entre MaPrimeRénov’ (financée par le contribuable), qui permet de réduire le coût d’installation en fonction des revenus des ménages, les CEE (financés par les usagers via un pourcentage de 3% à 4% appliqué sur leurs factures d’énergie) et les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le montant des diverses aides à l’installation des PAC a atteint, pour la seule année 2023, le milliard d’euros, selon les chiffres de la direction générale de l’énergie et du climat.

Dans un rapport publié courant septembre, la Cour des comptes épingle justement les CEE, dont le coût a atteint 6 milliards d’euros en 2023. Dénonçant un dispositif « miné par la suspicion et les fraudes persistantes », les magistrats relèvent qu’au « mieux, seul un tiers des certificats délivrés se traduiraient par des économies d’énergie ». En cause, l’exagération des niveaux de consommation d’énergie avant travaux, des devis aux montants artificiellement gonflés, des gains énergétiques surestimés ou encore des malfaçons. Autant de « pratiques déloyales graves relevant de la délinquance organisée », pointe le rapport.

Où va l’argent ? Quand une PAC facturée 10 000 euros en vaut 1 000 sur Alibaba

Et si la pompe à chaleur pompait surtout les finances publiques ? Car en dépit des rodomontades de l’hôte de l’Élysée, ni la France ni l’Europe ne sont, pour l’heure, en mesure de fabriquer le nombre d’unités nécessaires pour satisfaire la demande de leur marché domestique. Et pour cause : une filière industrielle, ça ne s’invente pas.

« Mal organisée », la filière tricolore « reste à structurer », euphémise dans L’Opinion Benoit Calatayud, de Capgemini Invent, selon qui le secteur souffre de la coexistence d’une trop « grande diversité d’acteurs, fabricants, installateurs, bureaux d’étude, organismes de certification ». Sans parler de l’absence de main-d’œuvre qualifiée.

Devant l’impossibilité d’acheter pour leurs clients des PAC françaises ou européennes, les installateurs se tournent donc bien souvent vers la Chine. Et c’est à cette étape que le contribuable comme le consommateur français sont dupés : alors que les coûts d’installation d’une PAC oscillent le plus souvent entre 10 000 et 20 000 euros, le matériel est, très souvent, acheté dix fois moins cher sur des sites chinois bien connus, comme Alibaba, où la PAC air-eau se négocie entre 1 000 et 2 000 euros. Très loin donc, des tarifs qui sont effectivement facturés aux ménages français, qui se retrouvent par ailleurs heureux propriétaires d’une machine discount aux performances souvent douteuses.

En effet, si une majorité de propriétaires de PAC se déclarent satisfaits de leur investissement, selon une enquête menée par l’UFC-Que Choisir, près d’un sur trois (29%) disent ne pas avoir constaté de baisse de leur facture de chauffage. Pire, 13% d’entre eux déplorent une hausse depuis l’installation de leur PAC. La faute aux carences dans l’étude de dimensionnement ou à l’incompétence plus ou moins volontaire des installateurs, qui « oublient » de préciser à leurs clients que les bénéfices d’une PAC sont réduits à néant dans une habitation peu ou mal isolée. Par ailleurs, un répondant sur trois déclare avoir subi une panne de son matériel, pourtant neuf, et dont la réparation peut atteindre plusieurs milliers d’euros.

Gabegie ou austérité : le gouvernement à l’heure des choix

Ainsi, des millions, voire des milliards d’euros d’argent public sont détournés au profit, d’une part, des installateurs qui n’hésitent pas à faire grimper leurs factures pour toucher le pactole des subventions et, d’autre part, des industriels chinois. Une analyse que reprend à son compte Benoit Calatayud, selon qui

« la guerre commerciale a déjà commencé » : « la politique mercantiliste chinoise subventionnant les exportations apparaît tous les jours plus vigoureuse ».

En attendant l’hypothétique avènement d’une filière française de la pompe à chaleur et à l’heure où le gouvernement promet sang et larmes aux Français, cette gabegie d’argent public peut-elle indéfiniment perdurer ?

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4 réponses

  1. Et, à côté de ça, on interdit les chaudières à gaz pour lesquelles nous avons (ou avions ?), en France, une filière industrielle performante (Frisquet, Saulnier-Duval, ELM Leblanc, …).

  2. J’ai voulu faire une installation mais j’ai exigé de l’installateur qu’il mette un compteur électrique spécifique pour la pompe à chaleur pour que je puisse comparer consommation d’énergie et prix de revient avec ma chaudière fioul actuelle. Avec une exigence: si le COP n’est pas au rendez vous après un hivers où si je consomme plus d’énergie qu’avec la chaudière fioul il me rembourse une partie de l’investissement pour garantir la durée de retour annoncée.
    Personne ne donne suite!!!

    1. Je fais une proposition dans la même veine mais dans un autre domaine. On garantit aux sociétés installant des éoliennes ou des panneaux solaires de racheter (via Energis par exemple) toute l’électricité produite quel que soit le moment de la journée (ce qui est déjà une énorme faveur) mais on rachète au prix du marché au moment où l’électricité est produite. Il n’y aura plus un seul investisseur car les installations ne seront plus rentables et de très loin.

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