Si la COP29 de Bakou a permis de trouver des accords – décriés – sur les financements et les marchés carbone, les autres sujets concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre (atténuation), le bilan mondial ou les droits humains ont peu progressé voire reculé.
C’est l’information principale de la COP29. Les pays développés se sont engagés à verser 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 aux pays du Sud. Mais cet accord, très décrié par les pays en développement et les ONG, n’est qu’une partie de ce qui s’est joué au sommet climatique de Bakou. L’enjeu était également d’avancer sur de nombreux autres sujets, comme les marchés carbone, l’atténuation, le bilan mondial (Global Stocktake) ou encore le programme de travail sur le genre.
Le sommet avait démarré fort avec l’adoption, dès le premier jour, des règles du marché des crédits carbone, supervisé par l’ONU, ouvert aux pays et aux entreprises (article 6.4 de l’Accord de Paris). Mais les Etats devaient encore finaliser les autres éléments de l’article 6 de l’Accord de Paris, le seul dont les règles n’avaient pas pu aboutir au fil des COP. C’est donc désormais chose faite.
“C’est l’autre avancée de la COP29 de Bakou : l’accord historique sur l’article 6 après neuf ans de négociations”,
… se réjouit Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique dans un brief à la presse. Les détails à régler comprenaient la structure d’un registre pour suivre les crédits, ainsi que la quantité d’informations que les pays devraient partager sur leurs accords et les répercussions en cas de non-conformité.
Mais pour les spécialistes, l’intégrité des crédits carbone n’est pas assurée.
“Les défauts de l’article 6 n’ont malheureusement pas été corrigés”, réagit Isa Mulder, experte au sein de Carbon Market Watch (CMW). “Il semble que les pays étaient plus disposés à adopter des règles insuffisantes et à en gérer les conséquences plus tard, plutôt que de prévenir ces conséquences en premier lieu.”
Les marchés des crédits carbone sont régulièrement pointés du doigt pour leur manque d’intégrité.
Atténuation, le maillon faible
Autre sujet majeur, celui de la réduction des émissions. Le programme de travail sur l’atténuation, lancé à la COP27, n’a pas beaucoup progressé à Bakou, en raison de la volonté de certains Etats, emmenés par l’Arabie saoudite et plus généralement le groupe arabe, de ne pas mentionner le bilan de la COP28 et toute sortie progressive des énergies fossiles.
Ce qui a été adopté à Bakou est simplement la poursuite des discussions. Le texte final a même supprimé toute mention de l’objectif 1,5°C. Les mêmes objections ont été opposées dans les négociations autour du texte sur le bilan mondial (Global Stocktake) qui a quant lui été tout bonnement rejeté, les discussions ayant été reportées à juin 2025 lors de l’intersession de Bonn.
Ces reculs sont inquiétants alors que les pays doivent, en théorie, présenter de nouvelles contributions nationales déterminées (NDC) d’ici février 2025.
C’est “très inquiétant“, a ainsi jugé auprès de l’AFP François Gemenne, chercheur belge en politique du climat et coauteur du 6e rapport du Giec.
“On pouvait s’attendre a minima à une reprise des termes de la COP28 et on ne l’a même pas obtenu”, a-t-il déploré.
Pour Laurence Tubiana, l’architecte de l’accord historique de Paris,
“la discussion n’est pas close” sur les fossiles. Elle est juste “repoussée”.
Droits humains, une ligne rouge
La COP29 devait aussi se pencher sur la question du genre, avec le renouvellement du programme de travail de Lima de 2014. Sur le sujet, il n’y a pas eu de recul mais pas non plus de progrès notables, si ce n’est qu’il a été reconduit pour dix ans au lieu de cinq. L’objectif était notamment de progresser dans le vocabulaire pour aller vers une inclusion non seulement de genre mais aussi de diversité de genre (individu transgenre, non-binaire, etc).
(NDLR : on peut légitimement se demander ce que ce problème vient faire dans la COP29 : quel rapport avec le climat ?)
Mais les Etats les plus conservateurs, les pays du Golfe et la Russie, ont réussi à supprimer la mention dans le texte des termes “femmes dans toute leur diversité” et d’”intersectionnalité”, qui permettait la reconnaissance du cumul des inégalités qui aggravent les discriminations.
“Il y a aussi eu des oppositions très fortes avec des pays qui ont été jusqu’à dire que la mention des droits humains dans le texte constituait pour eux une ligne rouge, ce qui est très préoccupant”,
… note Anne Barre, coordinatrice des programmes genre de la coalition Women Engage for a Common Future. La référence aux droits humains a finalement été conservée.
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De nombreux sujets devront donc aboutir lors de la COP30 de Belém, qui coïncide avec les dix ans de l’Accord de Paris.
Le sommet, baptisé par Lula “la COP du tournant”, doit permettre d’accroître l’ambition climatique avant le début du deuxième bilan mondial, qui commencera en 2026 pour aboutir en 2028. Le contexte sera particulièrement difficile puisque Donald Trump sera arrivé à la Maison-Blanche et aura probablement fait sortir les Etats-Unis de l’Accord de Paris.
Si les pays continuent d’affirmer leur attachement au multilatéralisme, notamment dans la déclaration du G20 publiée pendant la COP, la COP30 sera un véritable crash-test.