La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur la relance du nucléaire

(Transitions & Energies du 15/1/25)

Les magistrats de la Cour des comptes estiment dans un rapport cinglant, rendu public mardi 14 janvier, que le programme de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires EPR2, et éventuellement de huit de plus, annoncé il y a près de trois ans par Emmanuel Macron, est aujourd’hui menacé « d’un échec ». Ils dénoncent le flou persistant sur le calendrier du programme, sur ses coûts réels, sur une partie des spécificités techniques des EPR2 et sur le financement d’investissements très lourds pour un Etat et une entreprise publique surendettés. Ils étaient évalués l’an dernier pour la première tranche de six réacteurs à 67,5 milliards d’euros et la facture finale pourrait atteindre 100 milliards. En conséquence, la Cour demande de « retenir la décision finale d’investissement du programme EPR2 », prévue pour début 2026 par EDF, « jusqu’à la sécurisation de son financement et l’avancement des études de conception détaillée ». La filière « est loin d’être prête ».

Cela va faire bientôt trois ans qu’Emmanuel Macron a annoncé la relance du nucléaire, qu’il avait combattu jusque-là, il est plus que temps qu’elle se concrétise. Cela fait presque déjà trois ans de perdus… Ce que souligne la Cour des comptes dans un rapport de près de 100 pages rendu public mardi 14 janvier. Elle demande à l’Etat et à EDF de lever les nombreuses « incertitudes » sur le programme de construction de 6 et éventuellement 14 nouveaux réacteurs nucléaires EPR2.

Tout est encore flou : l’ampleur du programme, son calendrier, les coûts réels, une partie non négligeable des spécificités techniques définitives des EPR2 et le financement d’investissements très lourds pour un Etat et une entreprise publique surendettés. Le coût de la construction de la première tranche de six EPR2 (il pourrait y en avoir huit de plus) a été estimé en début d’année dernière à 67,5 milliards d’euros. Il était de 51,7 milliards d’euros il y a trois ans… Et la facture finale pourrait atteindre 100 milliards d’euros. EDF en quasi-faillite a été renationalisée à 100% en 2023 par l’Etat.

Le risque d’un « échec »

La juridiction financière s’inquiète de « l’accumulation de risques et de contraintes qui pourraient conduire à un échec du programme d’EPR2 » rappelant que l’EPR de Flamanville en Normandie a été connecté au réseau électrique 12 ans après la date prévue…

« Les incertitudes les plus préoccupantes portent sur les retards d’avancement de la conception de l’EPR2, l’inconnue sur le coût des trois premières paires (de réacteurs) et l’absence de financement du programme », a souligné le premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici. « La décision du conseil d’administration d’EDF de réduire l’enveloppe financière dédiée aux travaux préparatoires des futurs EPR2 en 2025, acte manifestement ces incertitudes financières », a-t-il ajouté.

Il faut dire que les « dérives », le mot est faible, des coûts et des calendriers des chantiers des EPR de Flamanville, d’Olkiluoto en Finlande et de Hinkley Point au Royaume-Uni sont ahurissantes. Selon les magistrats financiers, le coût final de Flamanville est de 23,7 milliards d’euros de 2023, financements compris. Il était évalué à l’origine à 3,3 milliards… Ils évoquent des …

Article réservé aux abonnés
Déjà abonné ? Se connecter

Pour poursuivre la lecture de cet article
Abonnez-vous dès maintenant à Transitions Energies
À partir de 23€ par an


> JE M’ABONNE

Nos articles sont généralement publiés sous licence Creative Commons CC BY-NC-SA

Ils peuvent être reproduits sous la même licence, en en précisant la source, et à des fins non commerciales.

9 réponses

  1. Il est vrai que si on préfère investir dans l’éolien, qui produit 25% du temps prioritairement sur toutes les autres sources, on réduit d’autant la rentabilité d’un investissement dans le nucléaire, et donc on renchérit d’autant le kWh qu’il produit (dans lequel le coût du combustible est négligeable).
    C’est une façon d’arriver à prouver que le nucléaire n’est pas rentable.
    Ce sont les écologistes qui décident.

  2. de deux choses l’une
    – ou on continue à vouloir remplacer la voiture thermique par la voiture électrique et on construit des centrales nucléaires
    – ou on continue à importer du pétrole tant qu’il y en a , et on demandera aux Français de rester chez eux quand celui-ci vaudra une fortune comme au dernier choc pétrolier en 1973

  3. Le programme EPR est trop coûteux pour être amorti avant l’arrivée de la fusion qui, vraisemblablement sera là en 2050. Pourquoi ne pas faire du 900MW, plus optimisé pour les pertes en ligne et forcer sur Astrid qui permettrait d’utiliser pendant plusieurs siècles un combustible que nous avons déja et qui est très cher à stocker?
    Sans oublier la filière SMR qui offre encore (mais plus pour longtemps) des perspectives à l’export avec la gamme des 300MW.

    1. Je pense que vous rêvez en ce qui concerne la fusion en 2050 : nous ne savons toujours pas produire de l’énergie par fusion, … et rien ne dit que nous saurons un jour.
      Donc nous sommes loin d’avoir un prototype de réacteur à fusion.
      Et il faut compter au moins 25 ans pour passer au stade industriel.
      Mes plus jeunes petits-enfants, qui ont 9 et 6 ans ne le verront sans doute jamais.
      Par contre, la surgénération reste effectivement une vraie possibilité.
      SMR, je ne sais pas.

        1. Le SPARC n’est qu’un réacteur de recherche. Ce premier réacteur doit aboutir à une première réaction auto-entretenue pendant quelques secondes. Ensuite il faut atteindre une réaction entretenue pendant des heures, voire des jours, donc évacuer la chaleur : c’est un deuxième réacteur. Ensuite il faut réaliser un démonstrateur producteur d’électricité, donc insérer des tubes vapeur dans les couvertures primaires pour envoyer directement ou indirectement cette vapeur à la turbine : c’est un troisième réacteur. Bref le MIT cherche des fonds pour sa recherche, mais ce n’est pas lui qui ,dans un siècle, un délai qui semble raisonnable, se raccordera au réseau.

  4. La fusion est une chimère qui coûte cher et qui ne sera pas opérationnelle avant un siècle. Voir :
    https://climatetverite.net/2023/01/01/fusion-controlee-et-production-delectricite-reflexions-particulieres/
    L’EPR a coûté cher à cause du lobby antinucléaire qui a phagocyté l’ASN ces dernières années. On a modifié par exemple les critères d’acceptation des soudures au fur et à mesure que celles-ci étaient exécutées, ça a duré 12 ans, ce qui ne se fait évidemment nulle part ailleurs, sauf chez nous… !
    Quant aux SMR c’est une fausse bonne idée, qui pose notamment de nouveaux problèmes de sûreté liés, entre autres à la dissémination que la sûreté exècre, voir :
    https://climatetverite.net/2024/03/25/elements-de-surete-des-smr-reflexions-preliminaires/
    En revanche oui pour les surgénérateurs, mais on peut facilement sauter l’étape ASTRID et engager deux réacteurs jumelés de 1500 MW, SuperPhénix2 est depuis longtemps dans les cartons. Avec le déploiement de ces réacteurs dans le parc on a un millier d’années d’électricité devant nous avec les réserves d’uranium appauvri dont nous disposons déjà. Nul besoin de faire appel à la fusion contrôlée, dont l’absence de déchets est une honteuse légende, voir plus haut.

Laisser un commentaire

Les commentaires sont modérés avant d’être publiés, restez courtois.

Derniers commentaires :

Formulaire de contact

Recevoir la Newsletter hebdomadaire