Fusion contrôlée et production d’électricité, réflexions particulières

Les quelques réflexions qui suivent portent sur le sujet maintes fois évoqué de la providentielle fusion nucléaire contrôlée pour subvenir à la production d’électricité.

Tout ingénieur ou tout physicien ne peut que se féliciter que des recherches soient effectuées dans ce domaine. Les moins avertis du sujet, comme toujours, sont les plus prompts à s’emballer. Mais les résultats n’arriveront pas demain, comme le signale très opportunément l’article « Fusion nucléaire pour produire de l’électricité : mythe ou réalité ? » de Jacques Foos et Michel Gay.

Cet article est remarquable de justesse. Il rappelle qu’il ne faut pas trop s’enthousiasmer prématurément et il s’interroge même sur le bien-fondé des sommes englouties dans cette recherche probablement très longue, alors que nous avons déjà tous les outils en main pour produire de l’électricité avec nos réacteurs de troisième et surtout à long terme de quatrième génération (surgénérateurs) dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Voir par exemple : Climat et Vérité – Nucléaire, il n’est pas trop tard ! (climatetverite.net)

Dans ce contexte il apparaît pertinent de rappeler ici quelques très partielles remarques sur la ou les filières de fusion contrôlée.

Les Américains en avance ?

Les Américains ont annoncé récemment un « succès » dans le laboratoire du Lawrence Livermore National Laboratory. Ce résultat est obtenu par des lasers visant une petite cible. On n’imagine pas avec ce procédé réaliser un réacteur de puissance producteur d’électricité. La véritable percée se fera dans un réacteur de type confinement magnétique. Hélas, on est en effet encore bien loin d’un démonstrateur capable de produire de l’électricité, comme le disent les auteurs précités qui se retournent naturellement vers le réacteur ITER construit à Cadarache, une étape intermédiaire.

Cette machine est très volumineuse et  l’expérimentation coûte donc cher. Certains se demandent aux USA par exemple  si un tokamak plus compact ne serait pas mieux adapté et moins coûteux, au moins en phase de recherche. C’est l’objet du réacteur SPARC, développé par Commonwealth Fusion System et le MIT et qui dispose d’aimants supraconducteurs plus efficaces de taille réduite par rapport aux aimants d’ITER.

ITER serait-il déjà obsolète avant la fin de sa construction ? Il y a peut-être lieu de s’interroger. Mais ceci ne sera pas abordé davantage ici.

Les déchets radioactifs d’ITER

En revanche, il convient de revenir sur la question des déchets radioactifs des réacteurs de fusion, qui sont réputés être en faible quantité, voire nuls selon un mythe souvent véhiculé par certains écologistes (par naïveté ou par malice?). Il reste à vérifier que ce bon réacteur ITER notamment n’entraînera pas trop de déchets radioactifs.

S’il n’y a pas de produits de fission par définition, il y a de grandes masses de tritium en jeu et une probable grosse masse de produits d’activation hautement radioactifs.

Le tritium

Les rejets normaux de tritium (émetteur bêta de période 12 ans, dont l’inhalation est déconseillée) seraient en première évaluation de l’ordre du triple de l’autorisation existante actuelle de l’ensemble du centre de Cadarache. Certaines associations locales ont soulevé ce point.

Par ailleurs le risque de fuite incidentelle est très facile avec le tritium, exactement comme avec son isotope l’hydrogène. Le tritium est évidemment contrôlé comme tout déchet radioactif liquide, solide ou gazeux. Le tritium est connu, il est déjà géré dans diverses installations nucléaires, telles certaines installations relevant de la défense où il est manipulé en petite quantité. Il y est très surveillé et on sait le piéger en cas de fuite et le traiter dans les rejets gazeux, liquides, ou même solides après fixation sur zéolithe.

Dans un réacteur de fusion contrôlée, il est en grande quantité, et les sources de fuite sont multipliées par rapport aux installations existantes, même si les techniques pour s’en prémunir sont validées. Ce n’est pas rédhibitoire pour ITER, mais il faut être conscient des mesures techniques à prendre, qui ne sont pas aussi simples qu’on le croit. Ainsi, il est possible que l’on doive construire un entreposage de décroissance du tritium pour limiter les rejets, soit une installation supplémentaire à gérer pendant des décennies.

Les produits d’activation

Le tore dans lequel est confiné le plasma est soumis à une irradiation neutronique intense, bien supérieure à celle présente dans la cuve d’un réacteur à fission ou même celle d’un réacteur à neutrons rapides (surgénérateur) qui dispose de couvertures neutroniques.

Il en résulte qu’on devra remplacer les couvertures primaires hautement irradiées peut-être plus souvent qu’on ne l’imagine quand le réacteur de puissance futur sera opérationnel.

Un des objectifs d’ITER à côté du rendement énergétique devrait être précisément d’appréhender la fréquence de remplacement des couvertures primaires et autres futurs tubes vapeur d’un démonstrateur producteur d’électricité. A côté du bâtiment réacteur on risque d’avoir à construire un entreposage de produits d’activation à vie courte et moyenne, soit là encore une installation supplémentaire à gérer pendant des décennies. Heureusement les déchets pourront être transférés vers un stockage de surface (actuellement le centre de stockage de l’Aube géré par l’ANDRA). C’est un avantage de la fusion pour ce qui concerne les déchets radioactifs (avantage au demeurant réduit par rapport à une filière nucléaire intégrant des surgénérateurs-incinérateurs de quatrième génération).

Au total, avec la gestion du tritium et la présence d’un entreposage de déchets d’activation (lesquels seront à gérer par la France et non par les associés étrangers, soit dit en passant),  ITER n’est peut-être pas un cadeau quant à la gestion de ses déchets radioactifs, contrairement à la légende.

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