Le capitaine António Guterres dirige le navire ONU dans la mauvaise direction

Brave Commander. C’est le nom du bateau battant pavillon de l’ONU qui, chargé de céréales, a quitté l’Ukraine en direction de la Corne de l’Afrique affamée. C’est aussi ainsi que nous pourrions surnommer António Guterres, actuel secrétaire général de l’ONU, qui appelle toutes les nations à coopérer pour faire face aux nombreux défis de notre temps. Mais « le Commandant » identifie-t-il correctement les problèmes, et les solutions qu’il propose sont-elles les bonnes ? Une analyse de son discours prononcé (en français !) à l’ouverture du débat général de la 77ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies nous permet d’en douter.

António Guterres dresse un tableau sombre de la situation et fait des propositions écologistes et étatistes

« Notre monde est au plus mal. Les clivages s’accentuent. Les inégalités se creusent. Les difficultés s’étendent… Nous naviguons sur une mer agitée. Un hiver de mécontentement mondial se profile à l’horizon. Une crise du coût de la vie fait rage. La confiance s’effrite. Les inégalités explosent. La planète est en feu. Les gens souffrent – et les plus vulnérables sont les plus touchés. La Charte des Nations Unies et les idéaux qu’elle porte sont en péril.»

António Guterres dresse un tableau on ne peut plus sombre de la situation, et, comme à chaque fois qu’un homme politique nous alarme, nous nous attendons à l’annonce d’un plan exceptionnel de sauvetage. Et nous ne sommes pas déçus…

En effet, le secrétaire général a fort heureusement un plan d’action à nous proposer. Malheureusement, si le bilan dressé surprend par son extrême pessimisme, les propositions avancées ont un goût incontestable de « déjà vu ».

Le plan proposé se développe sur trois fronts : instaurer et maintenir la paix, mettre fin à notre guerre suicidaire contre la nature, libérer le monde de la misère, de l’extrême pauvreté et de la faim.

Le premier front est sans doute le plus légitime pour cette assemblée et l’on se réjouit qu’un homme de la qualité d’António Guterres mette tout son cœur à tenter de ramener la paix en Ukraine mais aussi en Afghanistan, en Syrie, en République démocratique du Congo et partout où les droits les plus essentiels sont bafoués (comme en Iran ces derniers jours). Nous lui souhaitons bonne chance.

Les deux autres fronts annoncent cependant des batailles inutiles, voire contre-productives.

Commençons par la lutte contre l’extrême pauvreté. L’objectif n’est pas nouveau pour l’ONU et malheureusement le Secrétaire général ne fait que reprendre ici les analyses de Marx, de Rosa Luxembourg ou encore de l’argentin Raul Pebrish (secrétaire général de la CNUCED entre 1964 et 1969). Écoutons :

« Les pays en développement subissent des assauts venant de toutes parts. […] Aujourd’hui, j’appelle à l’adoption, sous la direction du G20, d’un Plan de relance des Objectifs de développement durable, qui donnera une impulsion forte au développement durable dans les pays en développement. »

Mais aussi :

« Le système financier mondial actuel a été créé par les riches pour servir leurs intérêts. Ce système creuse et perpétue les inégalités. Il doit faire l’objet d’une profonde réforme structurelle. »

Ces propositions sont désespérantes quand on sait que des pistes bien plus prometteuses ont été tracées par toute une école du développement qui va de Peter Bauer à Daron Acemoglu en passant par Bill Easterley et bien d’autres :  le meilleur moyen d’éradiquer la pauvreté dans le monde est de favoriser la liberté d’initiative et de travail, la production et les échanges.

Nous ne demandons pas à nos politiques d’aimer les multinationales, mais seulement de daigner considérer que les sources du problème pourraient être ailleurs.

Enfin il y a la bataille qu’entend livrer l’ONU pour résorber « la crise climatique [qui] est l’enjeu déterminant de notre temps [et] doit être la priorité absolue de chaque gouvernement et organisation multilatérale ».

Le discours d’António Guterres se fait ici plus virulent, et dangereux…

« Parlons clairement : Notre monde est accro aux combustibles fossiles. … Nous devons demander des comptes aux entreprises du secteur des combustibles fossiles et à ceux qui les soutiennent. Cela inclut les banques, les fonds de capital-investissement, les sociétés de gestion d’actifs et les autres institutions financières qui continuent à investir et à garantir la pollution par le carbone. Et cela inclut aussi la gigantesque machine de relations publiques qui empoche des milliards de dollars pour éviter à l’industrie des combustibles fossiles d’être surveillée de trop près. (…) »

Sans surprise, le plan à suivre reprend ce que nous n’entendons que trop souvent chez nous :

« Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 45 % d’ici à 2030 pour que l’on puisse espérer atteindre le niveau zéro à l’horizon 2050. Pourtant, les émissions atteignent des niveaux record : elles sont en passe d’augmenter de 14 % au cours de cette décennie. Nous allons au-devant de la catastrophe climatique. »

« Mais il est grand temps de mettre en garde les producteurs de combustibles fossiles, les investisseurs de ce secteur et ceux qui les soutiennent. Les pollueurs doivent payer. Aujourd’hui, j’appelle tous les pays développés à taxer les bénéfices exceptionnels des entreprises du secteur des combustibles fossiles. »

Nous y voilà ! A partir de simplifications abusives doublées d’une idéologie anticapitaliste on ne peut qu’aboutir à de telles conclusions. Peu importe que ces « superprofits » soient déjà taxés, peu importe de savoir qui sont les vrais « pollueurs » (les producteurs ou les consommateurs), peu importe ce qui est fait de ces profits, peu importe la faisabilité d’une éventuelle alternative à l’énergie fossile : le Secrétaire général est aveuglé et réserve aux grands patrons des qualificatifs qu’il n’emploie pas pour parler de certains criminels présents dans cette noble assemblée.

Nous ne demandons pas à nos politiques d’aimer les multinationales, mais seulement de daigner considérer que les sources du problème pourraient être ailleurs. Cette remise en question est indispensable si l’on veut atteindre les objectifs de paix et de prospérité universelle qu’Antonio Guterres, à raison, s’est fixé. Mais pour cela, Commandant Guterres, un changement de cap s’impose.

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