Énergie : les contorsions de Ségolène Royal

C’est pourtant bien madame Royal qui a initié ce mouvement de réduction pour sortir du nucléaire en France.

Madame Ségolène Royal, ministre de l’Énergie entre 2014 et 2017, a sauvé la France à en croire son audition par la Commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France le 7 février 2023. Pourtant, elle figure parmi les principaux responsables des difficultés actuelles de production de l’électricité et de l’augmentation vertigineuse de son coût en France.

Ses déclarations rappellent étrangement le fameux « Responsable mais pas coupable » de l’ancienne ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale du gouvernement Fabius, Georgina Dufoix.

Un culot à toute épreuve

Madame Royal ne manque pas d’air.

Déjà ministre de l’environnement en 1992, une de ses préoccupations « consistait à ne pas laisser croire que nous disposions d’une énergie abondante, sous la forme du nucléaire ». On peut se demander pourquoi.

Elle veut en conséquence imposer « une civilisation moins consommatrice d’énergie » et elle est directement impliquée dans la débâcle du nucléaire français et la flambée des prix de l’électricité… qu’elle n’a pas souhaité.

Selon ses attributions ministérielles de 2014 à 2017, elle était chargée d’élaborer et de mettre en œuvre la politique de l’énergie « afin notamment d’assurer la sécurité d’approvisionnement et la lutte contre le réchauffement climatique » avec le succès constaté aujourd’hui.

Elle déclare sans sourciller

« J’ai souhaité que la France finalise sa stratégie bas carbone afin de se montrer exemplaire à la Conférence de Paris sur le Climat (COP21) de décembre 2015 »

… sans jamais citer le nucléaire comme le moyen permettant pourtant encore aujourd’hui à la France de se placer en tête des grands pays industrialisés pour sa production d’électricité décarbonée.

Madame Royal manie le verbe avec talent pour aligner des mots ronflants dans des phrases creuses ayant l’apparence du bon sens pour, telle une anguille, se faufiler entre les questions précises de la Commission d’enquête. Elle met rarement des chiffres en face de ses affirmations péremptoires, parfois fausses. Par exemple : « les réacteurs de Fessenheim tombaient souvent en panne ».

Le président de la Commission lui a d’ailleurs rappelé qu’elle témoignait sous serment et lui a demandé :

« À l’issue de l’audition, pourriez-vous nous communiquer les éléments que vous avez indiqués sur la fermeture de Fessenheim ? Je pense notamment aux arrêts des réacteurs à Fessenheim, à comparer au reste du parc ».

Madame Royal déclare également :

« Je désirais profiter de la COP21 pour encourager nos industriels à prendre de l’avance dans tous ces domaines »

… alors qu’elle n’a pas cité une seule fois le nucléaire employant 35 000 personnes comme faisant partie de ces énergies décarbonées parmi ces domaines…

« Nous composions donc avec une diversité dans les territoires »

L’expression est belle mais elle ne signifie rien. Dans le domaine de la production d’électricité la diversification avec des productions aléatoires (EnRI) ne contribue pas à la robustesse de la production, mais au contraire la centralisation avec de puissants moyens pilotables. Ajouter des œufs pourris dans le panier de production fragilise le réseau et augmente les coûts.

Au final, il reste une impression écœurante issue d’un mélange de mauvaise foi, d’ignorance stupéfiante à ce niveau de « responsabilité », ou de bêtise profonde concernant la production d’électricité et le système énergétique français.

Être les meilleurs !

Selon madame Royal, pour « continuer à être les meilleurs dans le domaine énergétique, il convient avant tout d’économiser l’énergie » (peut-être est-ce une maladie dont il faut se protéger ?), et donc d’aller vers le rationnement (mot tabou jamais employé).

Et bien sûr, il est nécessaire que « les énergies renouvelables constituent un deuxième pilier ». Madame Royal déclare froidement que « l’hydroélectricité a réglé le problème de stockage » des énergies renouvelables intermittentes (EnRI) dépendantes du vent et du soleil !

La loi de 2015 sur la croissance verte qu’elle a portée activement ne vise pas à diminuer le nucléaire mais à « porter » sa part à 50 % dans le mix énergétique français à l’horizon 2025 tout en souhaitant « réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990 ». Pour mémoire, le nucléaire émet moins de GES que l’éolien ou le photovoltaïque !

De qui se moque-t-elle ?

Trois objectifs ratés

« La loi de 2015 poursuivait également trois objectifs politiques forts, qui figurent d’ailleurs dans l’exposé de ses motifs :

– « ne pas opposer les énergies les unes aux autres » ; c’est raté puisque le développement des EnRI est utilisé comme une arme pour s’opposer au nucléaire et tarit les financements pour la relance de ce dernier.-

– « faire en sorte que la France ne connaisse ni pénurie ni dépendance » ; c’est encore raté puisque l’intermittence des EnRI nécessite des centrales à gaz ou au charbon importés, ou de l’électricité carbonée importée de chez nos voisins.

– « disposer d’un champ d’énergies propres, sûres et les moins chères possible ». Là aussi c’est raté, notamment sur le volet coût de l’électricité en forte hausse ces dernières années à cause principalement des EnRI alors que le coût du nucléaire est stable.

Autant de naïveté ou d’incompétence est désarmante. Elle constate pourtant elle-même que, au sortir de la guerre, le conseil national de la résistance « présentait l’énergie comme un levier majeur de développement. Cette approche a conduit au service public de l’énergie, et à la création d’entreprises publiques puissantes » (sans citer le nucléaire…).

« En 2015, j’ai demandé au parlement de consentir le même effort d’imagination, d’anticipation et d’investissement afin de prendre le tournant de l’autonomie énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique ».

Sauf que madame Royal n’avait pas remarqué que c’était déjà fait depuis 30 ans et que la France était déjà quasiment championne du monde dans ces domaines !

Dire une chose…

« Selon moi, la transition énergétique a besoin de stabilité et de sécurité, et je regrette que les changements ministériels aient provoqué des reculs, au détriment des entreprises et industriels. Ils ont besoin de durabilité et de visibilité pour arrêter leur stratégie et investir ».

Oui, mais elle a fait le contraire en s’impliquant dans la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, en limitant les perspectives dans le nucléaire, et en laissant perdre les compétences dans la première filière énergétique en France.

« De mon point de vue, on ne peut pas être pour ou contre le nucléaire, mais uniquement pour un modèle énergétique équilibré, nous fournissant une énergie la moins chère possible, nous garantissant une indépendance et une stabilité des règles ».

Oui, mais là encore elle a fait le contraire en sabordant le nucléaire stable et relativement bon marché. Elle a aussi accru la dépendance de la France au gaz, aux matières premières importées pour les éoliennes, et aux panneaux photovoltaïques chinois.

Elle déclare

« L’énergie, c’est la vie. Il s’agit du sujet le plus important dans un pays et dans sa stratégie ».

Mais elle avoue peu après que, durant sa campagne présidentielle de 2007, « l’énergie n’était pas un sujet archiprioritaire » alors qu’elle avait déjà été ministre de l’Environnement en 1992 !

Au bal des faux-culs…

Après plusieurs dizaines d’années de vie politique, madame Ségolène Royal manie admirablement la langue de bois. Si elle se plaint dans cette audition que « les technocrates n’ont jamais de comptes à rendre sur rien », elle ferait bien de s’intéresser aussi aux politiques qui peuvent dilapider des milliards d’euros d’argent public par idéologie et spolier les Français sans rendre aucun compte devant la justice si les formes légales sont respectées.

Et madame Royal, qui perd parfois la mémoire sur ses déclarations contradictoires rappelées par le rapporteur de cette commission, a fait des émules.

En effet, l’actuelle Première ministre Elisabeth Borne a été à bonne école. Elle a été directrice de son cabinet au ministère de l’Énergie de 2014 à 2017. Elle s’est félicitée de la fermeture des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim en 2020 mais elle soutient cependant aujourd’hui la commande de 6 réacteurs nucléaires EPR (et peut-être 14) annoncée le 10 février 2022 par le président Macron.

Au sujet de madame Borne, Ségolène Royal a déclaré dans son audition :

« Après mon départ du ministère, mon ancienne directrice de cabinet (Elisabeth Borne) est elle-même devenue ministre de l’Environnement, en binôme avec M. Antoine Pellion. Ils ont alors décidé de la fermeture de la centrale de Fessenheim, non conditionnée à l’ouverture de la centrale de Flamanville, et publié une PPE contenant une liste de fermetures de réacteurs.

Enfin, en novembre 2019, ils ont demandé à EDF d’imaginer un scénario « 100 % énergies renouvelables ». Ils contredisaient ainsi publiquement M. Jean-Bernard Levy, selon lequel il convenait de réfléchir à de nouveaux réacteurs car d’autres arrivaient en fin de vie.

Comment des ingénieurs, techniciens et ouvriers peuvent-ils se sentir motivés par l’énergie nucléaire, ne serait-ce que pour entretenir les centrales, s’ils entendent que cette énergie va s’arrêter ? C’est impossible ».

C’est pourtant bien madame Royal qui a initié ce mouvement de réduction pour sortir du nucléaire en France.

Au sujet de monsieur François Brottes, autre fossoyeur du système électrique alors qu’il avait été nommé président de réseau français d’électricité (RTE) par madame Royal après avoir été le rapporteur de la loi de 2015 sur la « croissance verte », elle déclare

« Certains changent de position en fonction de leur posture. Moi, je ne l’ai jamais fait »…

Chacun appréciera.

Madame Royal est certainement une danseuse étoile au bal des faux-culs mais, hélas pour la France, elle n’est pas la seule à briller au firmament de l’irresponsabilité.

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